La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Emmenez-moi au bout de la Terre

Je n’ai jamais aimé les fins. Je mets parfois des jours à me remettre d’un livre, d’un film ou d’une série. Les voyages ne sont jamais trop longs pour moi. J’ai le «toujours» facile, moi qui vis pourtant intensément dans le «ici et maintenant». Alors, vous dire au revoir après 10 ans? Je préfère célébrer la chance d’avoir eu Avenues.ca dans ma vie. De VOUS avoir eus dans ma vie.



Avenues.ca, c’est une décennie – toute ma quarantaine – à écrire chaque semaine avec une grande liberté. À une époque où l’on demande de plus en plus aux journalistes voyage de s’effacer derrière des listes sans âme et des conseils pratiques, pouvoir explorer tant la forme que le fond est précieux. Bien sûr qu’on aime les lire, ces textes plus terre à terre (on prend aussi plaisir à les écrire, rassurez-vous). Mais pour ma part, ce que je recherche surtout, comme auteure et comme lectrice, c’est le ressenti. Faites-moi humer, entendre, goûter, voir… vivre le monde!

En anglais, mes collègues se définissent comme des «travel writers». Il n’existe pas d’équivalent en français. Écrivain de voyage? Trop pompeux. Surtout, elles se font de plus en plus rares les tribunes où on laisse les plumes s’exprimer assez librement pour pouvoir se réclamer d’une certaine noblesse. On veut du concret. Surtout pas de «je».

J’ai parfois l’impression qu’on jette sur le journalisme voyage le même regard que sur l’autofiction, particulièrement quand il s’agit de signatures féminines. Et pourtant, tout est là, quand il s’agit d’évasion: l’émotion. C’est ce qui nous distingue de l’intelligence artificielle, qui a déjà remplacé nombre de collègues.

D’une tendance à l’autre

En 10 ans, j’ai vu naître et mourir de nombreuses tendances, du voyage transformationnel au télétravail à l’étranger, en passant par le tourisme de la dernière chance et les voyages généalogiques. Airbnb est passé de solution miracle pour voyageurs à petit budget à la cause de tous les maux. J’ai constaté la popularité grandissante du Portugal. J’ai vanté les charmes de Barcelone, parlé maintes fois du ras-le-bol de ses résidents et l’ai souvent prise comme exemple pour illustrer le phénomène du surtourisme.

Pendant la pandémie, j’ai écouté des Québécois exilés dans différentes contrées me raconter leur coin de pays d’adoption (les Caraïbes, Barcelone, le Mexique, l’Allemagne, la France, les États-Unis…). Au fil du temps, je me suis aussi beaucoup questionnée, notamment à propos des États-Unis et de mon impact environnemental.

J’ai aussi eu la chance de relater des voyages exceptionnels: Bruxelles, deux semaines après les attentats, Oman, du désert à la mer, le Costa Rica à pied, la mythique île d’Anticosti, la Tanzanie en safari, les plages de Zanzibar, le Cambodge solidaire, Bangkok par le ventre, la nostalgie Dirty Dancing en Virginie,  l’architecture à Prague, la découverte d’Abou Dhabi, la Suisse du Valais et des vignobles de Lavaux, la Champagne, Porto Rico, Budapest, Victoria, Haida Gwaii, Samarcande, la Guadeloupe, l’Asie au tout début de la pandémie, l’Égypte et la Jordanie… Je vous ai écrit des cartes postales de la Gaspésie (deux fois plutôt qu’une), du Bas-Saint-Laurent, des Îles-de-la-Madeleine, du Sri Lanka et de Palomino, en Colombie.

Je suis tombée et retombée follement amoureuse de Tofino, sur l’île de Vancouver, de la vallée de l’Okanagan, de Banff, de Vancouver (encore et encore!), de la Grèce, des mythiques Cyclades à Hydra, de la Corse en 2015 et en 2023, de Nantes, de la Bretagne historique et de Paris, toujours Paris, à Noël, après les attentats, pendant une accalmie de la pandémie… Paris sur les traces d’Amélie, de Gustave Eiffel, de Serge Gainsbourg. Non, je ne m’en lasserai jamais.

Au cours des 10 dernières années, j’ai dormi sous la tente, dans des palaces, dans un yacht, dans des trains au Canada, dans les Maritimes, en Asie du Sud-Est, en Australie, dans les Balkans… Il y a aussi eu ce texte écrit dans l’avion qui m’emmenait vers Nantes après des mois de sédentarité forcée et qui m’a permis de remporter le premier prix de la catégorie «Best Travel Blog Posts or Column» aux TMAC 2021 Awards.

Avenues.ca m’a offert l’espace nécessaire où réfléchir à chaud et me poser de grandes questions existentielles (Pourquoi voyager?). Fière touriste, j’ai revendiqué le droit au polyamour du voyage et à celui de ne pas avoir envie de tout voir. J’ai pu signer des reportages plus classiques, mais aussi des textes beaucoup plus personnels, comme quand j’ai franchi le cap de mes 50 ans au Kirghizistan ou raconté ce que le voyage en solo m’a appris.

Avenues.ca m’a offert l’espace nécessaire où réfléchir à chaud et me poser de grandes questions existentielles.

Les humains d’abord

Avenues.ca, c’est aussi – surtout! – une équipe hors pair, rassemblée par Françoise Genest. En plus de constituer une équipe éditoriale du tonnerre, Françoise a imaginé des Rendez-vous en chair et en os où les lecteurs pouvaient se rencontrer autour de différentes thématiques. J’ai eu la chance de participer à quelques-uns de ces événements, toujours conviviaux, comme animatrice et comme conférencière. Chaque fois, j’y ai fait de merveilleuses rencontres. L’attachement que plusieurs d’entre vous portent à Avenues.ca se reflétait dans nos conversations. Je ne vous remercierai jamais assez pour votre curiosité et les petites tapes dans le dos.

En plus des journalistes hors pair d’Avenues.ca, il faut absolument mettre en lumière le travail exceptionnel de Julie Chaumont, à la fois chef de pupitre, cheerleader et psy (!). Je ne calcule pas le nombre de fois où je lui ai écrit le jour de la mise en ligne d’un de mes textes parce que j’avais répété deux fois le même mot dans un paragraphe (à chacun ses obsessions). Sans l’œil de lynx de Patricia Gagnon, à la correction, bien des coquilles auraient aussi traversé le filet de mon déficit d’attention, amplifié par les trop fréquentes carences de sommeil.

Françoise étant une rassembleuse née, elle a su créer un rare esprit d’équipe. Comme pigiste, nous gravitons autour de plusieurs médias sans vraiment en faire partie. Avec Avenues.ca, j’ai eu l’impression d’avoir une famille professionnelle pendant une décennie. Un sacré privilège.

Je n’ai jamais aimé les fins. Emmenez-moi au bout de la Terre et je continuerai à marcher. Les points d’interrogation sont les flèches qui me poussent à aller toujours plus loin.

J’espère que vous avez fait bon voyage avec nous!

P.S. Vous pouvez me lire et m’entendre dans différents médias, dont Le Devoir. Vous pouvez aussi vous abonner à mon infolettre sur Substack, ainsi qu’à mes comptes Bluesky et Instagram.