La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Je vous écris de mon avion

Je vous écris de mon avion, quelque part au-dessus de l’Atlantique.



Mon premier vol hors du pays depuis 2020.

À l’aéroport, tout était pareil tout en étant différent.

J’ai dû sortir mon ordinateur de mon sac au point de contrôle.

Je suis repassée sous le portique du détecteur de métal après avoir oublié de vider mes poches.

Les boutiques hors taxes exposent encore leur infinité de tentations.

Il y avait moins de passagers que lors de mon dernier voyage à l’étranger, mais l’effervescence était la même.

Il y avait cet enfant qui hurlait, cet homme en complet et ces étudiants un peu perdus qui fouillaient dans leurs papiers.

Il y avait les annonces audios et les tableaux de départs remplis de promesses.

Il y avait moi, quelque part dans la scène, propulsée dans la vie d’avant avec l’étrange impression d’avoir 100 ans de plus. Seuls les visages masqués me donnaient un indice temporel.

Je vous écris de mon avion et je ne réalise toujours pas que je vole vers un autre continent.

Photo: Marie-Julie Gagnon

À Charles-de-Gaulle, je traverse un terminal complètement désert. Je distingue la silhouette de lieux autrefois animés. Les restaurants sont fermés et les lumières, éteintes. Il y a quelques mois à peine, c’est ici que transitaient les passagers des long-courriers.

Tiens, je ne me rappelais pas la couleur exacte du tapis. Un rouge fané par l’éternel ballet des voyageurs.

Je retrouve l’agitation quelques minutes plus tard. Le train qui m’emmène vers le terminal des vols intérieurs est bondé.

Au point de contrôle, je réalise que j’ai oublié de vider ma bouteille d’eau. Ai-je à ce point oublié comment voyager? C’était pareil au moment de faire ma valise. Combien de millilitres, déjà, pour les liquides? Ah oui! 50…

J’ai omis d’apporter des robes, mais j’ai deux pantalons de yoga.

J’ai pris mon parapluie, mais pas ma crème solaire.

Pour voyager en France, les visiteurs doivent obtenir un passe sanitaire pour démontrer qu’ils sont doublement vaccinés, qu’ils ont reçu un résultat négatif de test PCR ou antigénique moins de 72 heures avant le départ ou un test RT-PCR ou antigénique positif attestant de leur rétablissement de la COVID-19 (d’au moins 11 jours et de moins de 6 mois). Notre code QR québécois étant illisible en Europe, il est nécessaire de le convertir pour qu’il puisse être scanné sur place.

«Depuis le 9 août, le passe sanitaire est exigé dans les cafés, bars et restaurants, que ce soit en intérieur ou en terrasse, dans certains centres commerciaux, ainsi que dans les hôpitaux, les maisons de retraite, les établissements médico-sociaux, résume le Consulat général de France à Montréal. Il sera également obligatoire à bord des avions, des trains et cars longue distance.»

Autant dire que sans, on campe à l’aéroport.

Dans les faits, les demandes sont si nombreuses qu’il n’est pas garanti de l’obtenir à temps.

N’ayant toujours pas reçu le mien avant de monter dans l’avion, je trimballe une copie papier de mes preuves de vaccination.

Je boucle ma ceinture.

Cinquante minutes me séparent maintenant de Nantes.

Peu de sièges semblent inoccupés dans l’appareil.

Un bébé semble déterminé à monopoliser l’atmosphère sonore.

Le brouillard nous empêche de décoller à l’heure prévue.

L’agent de bord m’offre à boire.

Le biscuit pur beurre qu’il me tend me rassure: je suis dans le bon vol.

Photo: Marie-Julie Gagnon

J’occupe cette fois-ci un siège près d’un hublot.

Je contemple les nuages comme si c’était la première fois, hypnotisée par leurs formes rassurantes.

J’ai 7 ans et je retrouve le pays des Câlinours.

Nantes se profile à l’horizon.

Hallucination?

Assommée par le décalage horaire – ça aussi, j’avais oublié –, je doute.

J’aperçois le contour de bâtiments que j’ai cru un moment ne jamais revoir.

Je regarde sans trop voir, hagarde.

Une sieste à l’hôtel me ramène à la vie.

Je vous écris d’Europe avec le cœur qui bat la chamade et les yeux remplis de nouvelles images qui se superposent aux anciennes.

Les rues piétonnes. Les terrasses. Le château des ducs de Bretagne.

Le château des ducs de Bretagne. Photo: Marie-Julie Gagnon

Il y a les enfants qui se rafraichissent en courant à travers les jets du Miroir d’eau, cette copine retrouvée dans une effusion de joie, l’atmosphère festive du Voyage à Nantes, merveilleuse initiative culturelle qui permet de suivre une ligne verte à travers la ville pour découvrir une quarantaine d’œuvres et installations artistiques.

Le Miroir d'eau. Photo: Marie-Julie Gagnon

Il y a ces mecs en scooters qui discutent au coin d’une rue, ces restaurants aux jeux de mots douteux (salut l’Éthiquête et Oh K-fée d’Mj!) et les histoires inscrites dans chacune des pierres.

Le mercure frôle les 30 degrés.

Pourquoi je n’ai pas pris de robe?

Je vous écris pour être certaine que je ne rêve pas.

Pour garder une preuve que je suis bel et bien là.

Je suis officiellement venue pour participer à un colloque sur le tourisme du futur, mais la vérité est que je suis follement ancrée dans le présent, à mesurer ma chance, un sourire un peu niais au visage.

Parce que voyager est un sacré privilège.

Et que même quand on est bien chez soi, s’ouvrir au monde reste une merveilleuse aventure.

P.S. J’ai reçu mon passe sanitaire le lendemain de mon arrivée.

Pratico-pratique:

  • Le gouvernement du Canada recommande toujours d’éviter tout voyage non essentiel.
  • La demande de passe sanitaire doit être faite au bon moment: ni trop tôt, ni trop tard. Le nouveau formulaire en ligne se trouve ici (auparavant, il fallait envoyer notre demande par courriel – ce n’est plus le cas). En plus des preuves exigées, il faut joindre son billet d’avion et une photo de son passeport.
  • Si vous souhaitez utiliser votre téléphone cellulaire en France, Bouygues propose de nouvelles trousses faciles à trouver un peu partout. On peut les commander en ligne et les récupérer à l’aéroport en arrivant ou les acheter dans différents points de vente, dont les boutiques Relay. Certains agents de voyage et voyagistes peuvent également les commander pour nous avant le départ. Les détenteurs de modèles récents de cellulaires peuvent par ailleurs utiliser une eSim, simplement en scannant un code QR. C’est l’option que je teste en ce moment et c’est franchement concluant. Prix: 40 euros pour 20 Mg.

(Le titre est un clin d’œil au récit Je vous écris de mon camion de Sandra Doyon, publié chez Goélette en 2011.)

Je suis l’invitée du Voyage à Nantes et d’Atout France. Merci à Air France pour le surclassement entre Montréal et Paris et l’accès à son nouveau salon.