La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Il faut qu’on parle (encore) d’Airbnb

Après l’incendie du Vieux-Montréal en mars dernier, qui a relancé le débat à propos des locations à court terme au Québec, voilà que l’entrée en vigueur d’une loi très restrictive à New York annonce un autre chapitre – voire la vraie fin? – de ce type d’hébergement dans la Grosse Pomme. Et si on cherchait enfin des solutions de rechange plus éthiques à Airbnb, peu importe la destination?



Tous les jours, j’attrape des bouts de conversation dans les cafés, sur la rue, dans le métro, sur les réseaux sociaux. «Avez-vous des recommandations d’Airbnb à La Nouvelle-Orléans?» « Il était comment, ton Airbnb à Paris?» «On pense louer un Airbnb en Italie…» Chaque fois, je dois me retenir à deux mains d’intervenir. Oui, j’ai, encore en moi, cette ado gossante qui a envie de «garrocher» son point de vue à tout un chacun, même à ceux qui n’en ont rien à cirer. Commentaires non sollicités, bonjour! Rassurez-vous, je me ressaisis (généralement) à temps. Rien ne m’agace plus que la situation inverse, alors je me tais.

Mais aujourd’hui, j’ai envie de me vider le cœur. De cracher tout ce que je ravale chaque fois que j’entends l’insouciance dans ces phrases lancées avec l’espoir de s’offrir un petit bout de vie «comme les gens d’la place». Choisir Airbnb n’est selon moi pas une décision à prendre à la légère en 2023.

D’abord, réglons tout de suite quelque chose: non, vous ne vivrez pas «comme les gens d’la place» si vous louez un appartement sur Airbnb dans une grande ville. Dans bien des endroits, les habitants n’ont même plus les moyens de vivre dans les secteurs prisés par les touristes en quête «d’authenticité» (la voyez-vous, l’ironie?). La réalité, c’est que des rues entières sont maintenant constituées d’appartements loués par des voyageurs qui, comme vous, ne s’identifient pas à l’étiquette «touriste».

Parce qu’il faut bien le dire, que nous nous définissions comme un nomade numérique, comme un télétravailleur en cavale, un «tracancier» ou un simple vacancier, personne n’aime être perçu comme l’envahisseur. Le touriste, c’est l’autre, n’est-ce pas? Surtout dans les lieux où le préfixe «sur» est souvent accolé au mot «tourisme».

Réglons tout de suite quelque chose: non, vous ne vivrez pas «comme les gens d’la place» si vous louez un appartement sur Airbnb dans une grande ville. Photo: Bostan Florin Catalin, Unsplash

Les questions à se poser

Je ne reviendrai pas sur l’histoire d’Airbnb, qui a démarré à une époque où l’économie de partage semblait encore cocher toutes les cases des idéalistes – j’en ai parlé dans cette chronique. J’ai plutôt envie de dresser la liste des questions auxquelles il me semble important de s’intéresser aujourd’hui avant de prendre une décision.

  • Quelles sont les lois qui encadrent la location à court terme dans l’endroit où je souhaite aller?
  • Ma destination fait-elle partie de celles montrées du doigt quand on parle de surfréquentation ou de surtourisme?
  • Y a-t-il des solutions de rechange correspondant à mon budget et à ce que je recherche?

L’exemple de New York

Dans son article publié le 5 septembre dernier, Wired souligne que les seuls hôtes d’hébergements à court terme qui seront tolérés sont ceux enregistrés auprès de la Ville et qui vivent dans l’appartement où ils louent une ou des chambres. Un maximum de deux invités à la fois sera admis.

«Les locations à court terme peuvent entraîner du bruit, des déchets et des dangers, et elles peuvent éloigner les résidents locaux de leur propre quartier, rappelle Wired. Certains propriétaires à New York sont prolifiques et possèdent des centaines d’annonces Airbnb. Mais d’autres New-Yorkais qui ont des annonces sur Airbnb tentent de joindre les deux bouts, soit en louant leur logement pendant qu’ils sont hors de la ville, soit en louant la moitié d’un duplex pour les aider à couvrir leurs frais hypothécaires.»

Certains propriétaires à New York sont prolifiques et possèdent des centaines d’annonces Airbnb. Mais d’autres New-Yorkais qui ont des annonces sur Airbnb tentent de joindre les deux bouts. Photo: Ronny Rondon, Unsplash

Vous l’aurez compris: selon le point de vue où l’on se place, la situation est perçue totalement différemment. Le hic, c’est qu’il y a eu tellement d’abus que la dernière catégorie doit payer pour l’avidité de la première.

Je ne crois pas qu’il faille aborder le sujet avec le même regard pour une destination peu fréquentée. Quand les hôtels ou autres hébergements se font rares, les plateformes de location d’appartements peuvent pallier une lacune. Quand il s’agit de brosser le portrait d’une destination, j’ai toujours l’image du «zoom out» en cinéma, soit reculer pour voir l’image dans son ensemble. Regardons la situation dans son contexte, pas seulement à travers notre nombril. Un outil comme Inside Airbnb peut nous aider à nous faire une meilleure idée de la situation.

Airbnb peut par ailleurs servir d’outil de recherche. Plusieurs petites entreprises y sont pour se faire connaître. Mon conseil, si vous tombez sur un lieu qui vous convient: se rendre directement sur la plateforme de l’entreprise en question pour réserver, en vérifiant bien sûr qu’ils opèrent en toute légalité. Non seulement vous aurez un contact plus direct avec eux, mais cela leur évitera de payer les frais d’Airbnb.

D’autres pistes

Et si tous les hôtels, gîtes et autres lieux légaux affichent complet, est-ce légitime de chercher sur Airbnb, demandez-vous? Eh bien, c’est peut-être signe que ce n’est pas le bon moment pour s’y rendre. Dans le meilleur des mondes, on irait plutôt vers des destinations moins courues. En même temps, quand c’est pour un événement particulier ou un congrès, la question se pose. Et non, nous n’avons pas toujours la flexibilité qui permet de choisir le moment de nos déplacements.

Si résider dans un appartement ou une maison pendant vos vacances reste ce que vous préférez, il existe une multitude d’options. Les agents de voyages connaissent les bonnes adresses et pourront vous aiguiller. Les appart’hôtels Citatines à Paris, par exemple, conviennent bien aux familles. De plus en plus d’établissements hôteliers proposent aussi des chambres avec cuisinette. Une autre piste: Vaolo, une plateforme collaborative propulsée par la fondation Village Monde.

Si le budget est un enjeu et que vous souhaitez vraiment vivre une expérience locale chez l’habitant, des sites comme HomeExchange, pour échanger son chez-soi en simultané ou non, sont à considérer. Le gardiennage de maisonhome sitting») ou d’animaux («pet sitting») peut également s’avérer pertinent, si les dates concordent avec les nôtres… et qu’on n’est pas allergiques aux animaux!

J’ajoute à cela que privilégier des entreprises locales – gîte, auberge, hôtel boutique, alouette! – permet de s’assurer que l’argent soit dépensé sur place.

N’oublions pas non plus que les sites permettant la location d’appartements existent depuis longtemps. Si Airbnb a fait exploser la tendance, entraîné une concurrence déloyale et exacerbé le phénomène de l’embourgeoisement, on peut tout de même le remercier d’avoir forcé de réelles prises de position pour un meilleur encadrement. Maintenant, ce serait bien qu’on cesse d’utiliser «Airbnb» comme un nom commun!

P.S. L’ado gossante en moi vous remercie d’avoir lu jusqu’ici. (Rires)