La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Australie: de Darwin à Adélaïde en train

«Surtout, ne refaites pas mon lit.» C’est la seule chose que j’ai demandée à l’agent de bord du mythique train The Ghan, après qu’il eût transformé le siège de ma cabine, le soir de mon arrivée. Ce train en formule «expédition» – quatre jours et trois nuits –, j’en rêvais depuis longtemps. Inauguré en 1929, il célèbre cette année son 90e anniversaire.



Envoûtée par les longs voyages en train depuis ma première traversée du Canada de Toronto à Vancouver, en 2010, je ne me lasse pas du roulis de ces engins issus d’une autre époque et de leur effet apaisant.

Escale à Manguri. Photo: Marie-Julie Gagnon

Particularité de la formule choisie, le séjour comporte aussi des excursions quotidiennes lors des escales à Katherine, Alice Springs et Manguri, qu’il faut choisir dès l’arrivée. C’est ainsi que je prends part à une croisière dans les gorges Katherine, au parc national Nitmiluk, à de courtes randonnées dans le Simpsons Gap, l’un des plus grands fossés des monts MacDonnell, à une visite de l’intrigant village de Coober Pedy, où environ la moitié des 2000 habitants (de 45 nationalités différentes!) vit dans des habitations troglodytes, et du surprenant Breakaways Conservation Park. Tout est pensé de façon à simplifier la vie des passagers. On n’a à se soucier de rien, à part profiter du voyage!

Croisière dans les gorges Katherine, au parc national Nitmiluk. Photo: Marie-Julie Gagnon

Les rencontres

Bien que je sois de nature un peu sauvage, j’ai l’occasion d’échanger avec plusieurs passagers pendant le séjour, tant lors des repas que des excursions. C’est ainsi que je cause voyages en cargo avec Alain*, un retraité français qui bourlingue en Nouvelle-Zélande et en Australie, de randonnée avec Suzan et John, un couple d’Anglais qui visitait l’Australie pour la septième fois, et de travail au pair avec une Allemande dans la vingtaine, l’une des rares passagères de moins de trente ans.

«Vous parlez exactement comme ma femme», me lance pour sa part George, qui a sans doute près du double de mon âge. Veuf depuis huit mois, l’Australien me raconte une foule d’anecdotes liées à sa vie conjugale et aux multiples chocs culturels qui l’ont ponctuée, au fil des décennies. «Elle avait 72 ans quand elle est décédée.»

À travers ses récits, Jeannine – qui redevenait rapidement «Kitty», surnom affectueux qu’il lui a donné dès le début de leur histoire d’amour, après quelques verres – reprenait vie sous les traits d’une étudiante de McGill, puis d’une Québécoise déracinée qui levait le nez sur le sirop d’érable provenant d’une autre contrée que son Québec natal. Dans les yeux de cet homme, je voyais l’intensité d’un amour toujours bien présent et la profondeur du gouffre creusé par sa disparition. Le voyage d’une vie dans l’océan bleu de ses yeux, dont je pouvais deviner les tempêtes des derniers mois. La nostalgie et la vie qui continue; la fragilité et la force, autour d’un verre ou d’un café, selon le moment de la journée. «Vous parler m’a fait du bien», me glisse-t-il au moment des au revoir.

Si j’ai été éblouie par les paysages de la traversée, contemplés la plupart du temps depuis mon lit, par les étoiles, qui ont volé la vedette lors d’un barbecue au tout premier relais télégraphique d’Alice Springs et par les wallabies des rochers, aperçus près d’une rivière asséchée, ce sont, sans aucun doute, les passagers qui m’ont le plus touchée. Car la lenteur des voyages en train ramène aussi une certaine part d’humanité, trop souvent annihilée par le désir d’arriver le plus vite possible à destination.

*Les noms des passagers ont été modifiés afin de préserver leur anonymat.

Un des magnifiques paysages observés depuis mon lit. Photo: Marie-Julie Gagnon

Pratico-pratique:

  • Great Southern Rail propose différents forfaits: de Darwin à Adélaïde (ou l’inverse) en quatre jours et trois nuits ou en trois jours et deux nuits (à partir de 2099$AUS), de Adélaïde à Alice Springs (ou l’inverse, à partir de 1179 $AUS) et de Darwin à Alice Springs (ou l’inverse, à partir de 1179$AUS). Il est aussi possible de combiner un séjour en train avec une croisière ou la découverte de Darwin et les environs ou d’Adélaïde, par exemple, en passant quelques jours au Kakadu National Park, le fameux parc où a été en partie tourné le film Crocodile Dundee, au nord, ou à Kangaroo Island, au sud.
  • Différents types de cabines sont offerts: avec lit à deux places ou lits superposés, avec ou sans salle de bain… Mon petit lit était très confortable!
  • Trois choix d’excursions (inclus dans les forfaits) sont proposés chaque jour. D’autres sont également offertes moyennant un supplément, comme la découverte d’Urulu en avion (1249$AUS).
  • Bien que les excursions proposées soient pensées de sorte à minimiser l’effort physique, certaines exigent une grande tolérance à la chaleur. En cas de doute, les agents à bord sont de bon conseil.
  • Air Canada propose des vols vers Melbourne, Sydney et Brisbane à partir du Canada. Sur place, il est facile de prendre des vols intérieurs avec des compagnies comme Virgin Australia, Quantas et Jetstar pour rejoindre les destinations de départ et d’arrivée.

J’étais l’invitée de la Great Southern Rail et de Tourism Australia. Toutes les opinions émises sont 100% les miennes.