Planter pour déguster à l’année
Le jardinage, comme tout autre domaine, suit des tendances et parle de notre société. Une période postpandémie, une envie de manger local et une inflation dessinent présentement les contours de potagers inspirés du Québec dont on pourrait se nourrir toute l’année. Guide et outils pour planter différemment.
Je n’ai pas spécialement le pouce vert, mais j’ai toujours aimé jardiner. Peut-être parce que c’est thérapeutique, comme l’avance ma collègue Claudia Larochelle? J’ai laissé sécher quelques plants dans les années passées, j’ai souvent planté trop serré et, l’an dernier, des dizaines de mes tomates ont été envahies par le mildiou. Je pleurais presque devant mon potager. Malgré tout, je persévère depuis des années. Même dans mes premiers appartements, sur de minuscules balcons, je faisais pousser quelques tomates et fines herbes en pots. Ma terrasse a ensuite grandi et j’ai ajouté des pots pour cultiver des concombres, des petits piments épicés, des épinards, quelques fleurs comestibles... Pendant la pandémie, comme plusieurs, je me suis mise aux semis (commandés en ligne) et, quelques semaines plus tard, j’ai vu pousser sur ma terrasse des radis, des cerises de terre, de nouvelles variétés de tomates…
Depuis trois ans, j’ai la chance d’avoir une petite cour montréalaise qui permet de plus vastes expérimentations. Dès le départ, il était clair pour moi que le maximum d’espace allait être utilisé pour planter le plus de choses comestibles possible. J’ai grandi dans une banlieue, à une époque où tout le monde voulait avoir un gazon plus vert et plus parfait que le voisin, mais cela fait quelques années que je réalise que les terrains parfaitement esthétiques sont bien beaux, mais que, s’ils ne servent pas aussi à nous nourrir, ils représentent de précieux espaces perdus. Et c’est sans parler du tort qu’une pelouse uniforme et sans fleurs cause aux pollinisateurs.
Jardiner autrement
Le plus de choses comestibles possible donc, mais aussi plus de variétés qui pourront s’étirer sur l’année et ainsi nous faire profiter, même en janvier, du potager et de la fierté d’avoir récolté.
À une époque où nous avons pris toute la mesure de l’importance de manger localement et de privilégier des circuits courts, et alors que les Québécois regardent plus que jamais les factures d’épicerie en cette période d’inflation, pourquoi ne pas se servir du jardin pour alimenter son année?
Bien sûr, il y a les concombres, les tomates, les fines herbes et les petits fruits qui sont si agréables à croquer quand ils sont frais. Les récoltes peuvent aussi être transformées en conserves ou en coulis (essayer ces derniers, c’est les adopter!), mais, si on sort des sentiers battus, il est possible de s’approvisionner dans le jardin de bien d’autres façons.
Un jardin qui revient
Ça coûte cher, faire un jardin ou un potager. Il ne faut pas hésiter dans ce cas à «investir à long terme» en privilégiant les vivaces comestibles. De plus, certaines d’entre elles supportent bien l’ombre et sont moins exigeantes que les plantes annuelles potagères. Personnellement, mon rêve, c’est d’avoir dans ma petite cour une plate-bande nourricière qui repousserait toute seule chaque année. Le travail est déjà commencé: sous mon bel if japonais, où se trouvait une vigne à raisins, j’ai planté des feuilles d’oseille, un petit framboisier, un fraisier, un grand cerisier, de la menthe, de la ciboulette, du thym et une rhubarbe qui prend de l’ampleur. On y trouve ainsi différentes hauteurs, couleurs et saveurs qui reviennent plus fortes chaque année depuis trois étés, et ce, sans que j’aie à débourser de nouveau. Pour compléter l’aménagement, je songe cette année à ajouter un camerisier ou un argousier.
Récolter pour l’année
On pense souvent à conserver pour les mois froids les fruits, les légumes et les herbes, mais je me suis mise aussi à faire des provisions de tisanes pour l’année. Vous dire la satisfaction qu’apporte le fait d’ouvrir un pot odorant en plein mois de janvier en sachant qu’il vient de notre potager! J’ai encore dans le garde-manger des pots de feuilles de basilic sacré (ma découverte de l’année!) et de menthe que j’avais simplement fait sécher en bouquets, la tête en bas. Je compte ajouter cette année l’agastache (une autre vivace qui fait de belles fleurs mauves) et des feuilles de framboisier à ma production. Une amie à moi a même préparé l’hiver dernier des mélanges de feuilles qu’elle offrait dans de jolis pots à ses proches pour les Fêtes: des cadeaux faits de A à Z par elle!
Sinon, je continue à expérimenter en m’inspirant des aliments québécois. L’automne dernier, à la suite de l’écriture de ce texte, j’ai planté des rhizomes de gingembre québécois en pot que je transférerai au jardin. Même chose pour l’ail, qui peut passer l’hiver sous terre. Les caïeux d’ail du Québec plantés au potager devraient se multiplier. J’ai hâte de voir le résultat!
Une toile à inventer
Un potager ou un jardin à inventer ou à réinventer est comme un canevas vierge et on est l’artiste. Pour s’inspirer, on a le choix: de plus en plus d’entreprises d’ici proposent des semences ancestrales ou adaptées à notre climat et qui sortent des variétés habituelles. C’est le cas entre autres du Nutritionniste urbain et d’Akène. Les ouvrages sont aussi nombreux. De la cour au jardin, un nouveau livre publié chez Écosociété, aide à «Transformer son terrain en aménagement écologique et comestible»; Albert Mondor a quant à lui publié de nombreux ouvrages dont Les plates-bandes gourmandes, l’aménagement paysager comestible et Le nouveau potager, où il est question de jardin comestible. Pour les débutants, Le petit Guide illustré du potager par le Nutritionniste urbain est toujours pratique.
Il ne faut pas avoir peur d’expérimenter: même si on réussit à obtenir seulement quelques feuilles de tisane, une tomate juteuse ou un morceau de gingembre, quand ça vient de notre jardin, c’est toujours tellement meilleur!