La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Cet été, je ferai un jardin

En mai dernier, pour la première fois de ma vie, j’ai fait un jardin. Comme dans la chanson de Clémence. Ça doit venir avec l’amour, je ne sais trop. Toujours est-il qu’il s’agissait d’un mini truc, une sorte de plate-bande de terrasse en ville, mais tout de même, j’ai potassé, ce qui en soit, pour moi, est un exploit. Et une découverte salvatrice.



Je n’avais jamais compris le plaisir que pouvaient prendre certaines personnes à plonger leurs mains dans la terre, à fourrager, planter des bulbes, graines et autres matières abstraites à mes yeux, et bien sûr, à s’extasier en regardant leurs fleurs pousser avec le regard alangui d’une mère couveuse, guettant la sécheresse, avant de les arroser consciencieusement.

«Maintenant, je sais» (dixit Jean Gabin).

Je sais, parce qu’après une première demi-heure d’acclimatation, agenouillée sur le bitume, la tête penchée au-dessus de la terre dans mon ti-kit de cultivatrice néophyte du magasin du dollar, j’ai ressenti un beau vertige. Aussi, cette impression de «jardiner dans mon âme», pour reprendre l’expression de Jules Renard. Les connaisseurs savent de quel état de grâce je parle, n’est-ce pas? Cette sensation d’être dans la terre, on ne peut plus concrètement, donc dans la vie, ici et maintenant. Exit les soucis.

Après une première demi-heure d’acclimatation, agenouillée sur le bitume, la tête penchée au-dessus de la terre dans mon ti-kit de cultivatrice néophyte du magasin du dollar, j’ai ressenti un beau vertige. Photo: Emma Gossett, Unsplash

Je ne suis pas en train de fabuler. Il y a bel et bien dans le sol un antidépresseur naturel appelé Mycobacterium vaccae, une espèce de bactérie appartenant au genre Mycobacterium qui a été étudiée pour ses effets possibles sur le système immunitaire et sur l’amélioration de l’humeur et la réduction de l’anxiété. L’exposition à cette bactérie au contact du sol peut avoir des effets bénéfiques sur la santé mentale en stimulant la production de sérotonine, appelée hormone du bonheur dans le jargon populaire, et qui agit dans la régulation de l’humeur, notamment. J’espère que mon ami le Pharmachien, qui vient d’ailleurs de recevoir la médaille du service méritoire de la gouverneur générale du Canada pour son travail de vulgarisation des dernières années, ne me trouvera pas trop aventureuse…

Le site de Passeport santé parle aussi des bienfaits du jardinage sur l’alimentation, sur la perte de calories – trois heures et demie de jardinage nous permettraient de perdre 1 000 kcal, soit l’équivalent de ce que l’on perd en courant deux heures –, la réduction des risques de maladies cardiovasculaires, le renforcement des muscles et des os, et l’apport en vitamines D grâce à l’exposition au soleil.

Puisque j’aime tant les livres et en suggérer, il y a les 500 meilleurs trucs du jardinier paresseux de Larry Hodgson (Broquet), devenu ma bible, De la cour au jardin: transformer son terrain en aménagement écologique et comestible de Christelle Guibert, avec les splendides illustrations d’Orcéine (Écosociété), Mon potager: du salon au balcon de Mélanie Chapleau (Goélette) et, parmi mes livres de chevet, pour le simple plaisir des yeux, l’incontournable Floramama – Du jardin au bouquet: tout sur la culture des fleurs de Chloé Roy (Cardinal), qui n’est pas donné à 50$, mais qui me donne des couleurs aux joues juste en le feuilletant.

Ce livre, qui n'est pas donné, me donne des couleurs aux joues juste en le feuilletant.

Quant à l’ouvrage Nos fleurs, un bijou signé Anaïs Barbeau-Lavalette (Marchand de feuilles), dont on connaît la plume majestueuse, avec les dessins incomparables de Mathilde Cinq-Mars, je ne me lasse plus de le parcourir avec mes enfants. On y a appris que les cowboys essuyaient leurs fesses avec les feuilles douces de la grande molène et que la bardane est l’ancêtre du Velcro, et que, diantre, elle se répand en s’accrochant aux cheveux des enfants… Quand même mieux que les poux!

Je ne me lasse plus de le parcourir ce livre avec mes enfants.

Au moment où j’écris ces lignes, l’ultime bordée de neige tombe sur le Québec, vous savez, ces damnés flocons qui cassent l’exaltation printanière, laissant en plan nos débuts trop ambitieux de fourragement? Même si ça fout les blues, ça ne dure jamais longtemps, c’est chaque année pareil. Dans l’attente, ces livres me font de l’œil comme «une petite armée de résistance lumineuse», pour citer les mots de la quatrième de couverture de Nos fleurs. Et la chanson de Clémence qui tourne en boucle chez moi…

Nous regard'rons pousser les fleurs
Les légumes et les fruits
Avec la foi des tout-petits
Le soleil de cinq heures
Fera renaître nos ardeurs
Tu te souviens de nos étés
Si tu voulais encore rester
Jusqu’aux chaleurs