La chronique Vins et alcools avec Jessica Harnois

Auteur(e)

Jessica Harnois

Sommelière et animatrice, Jessica Harnois a travaillé pour les plus grands établissements au monde, a occupé le poste de sommelière en chef à titre d’acheteuse de vins pour les Services SAQ Signature, a été responsable du Courrier vinicole et de la prestigieuse Cave de garde de la SAQ, en plus d’avoir été présidente de l’Association Canadienne des Sommeliers Professionnels et Vice-Présidente de l’APAS (Alliance Pan-Américaine des Sommeliers). Avec l’agence d’animation Vins au Féminin, elle a conceptualisé le jeu Dégustation Vegas qui démocratise le vin. Vous pouvez la voir à la télé, l’entendre à la radio et la lire dans plusieurs magazines.

Elgin, un des secrets les mieux gardés de l’Arizona

Dans ma dernière chronique, ma collègue vous parlait des vins de l’Arizona, et plus particulièrement de ceux de la région viticole de Willcox. Dans cette AVA (American Viticultural Area), l’une des trois de l’Arizona, poussent près de 75% de tous les raisins cultivés dans l’État. Cette fois-ci, nous vous présentons une deuxième région, Sonoita, en plus de vous parler d’un magnifique ouvrage de collection qui vous fera voyager jusqu’au désert de Sonora.


Sonoita et Elgin

On se rend à Sonoita à partir de Tucson, en empruntant une magnifique route panoramique, la 83, sur une quarantaine de kilomètres. Elle traverse des montagnes où se confondent foin blond, cactus, bétail à cornes et chevaux; un paysage à la fois doux et austère. Notre destination: Elgin, une petite communauté de moins de 1000 habitants, où l’on retrouve une douzaine de vignobles, en plus d’une sympathique microbrasserie qui est aussi un restaurant.

Ici, la plupart, sinon toutes les salles de dégustation se trouvent directement sur les vignobles. Ces derniers se déploient au pied de montagnes dont les sommets atteignent les 6000 pieds et plus. L’hiver, durant les nuits froides, la neige peut s’accumuler sur leurs flancs. La température moyenne y est de 15 degrés Celsius plus basse qu’à Phoenix. «You can taste the struggle», disent les gens du coin, en parlant de leurs vins. Elgin est peut-être l’un des secrets les mieux gardés de l’Arizona. Un incontournable si vous visitez la région. Voici le compte rendu de la visite que ma collègue Mariève a pu y faire. 

Deep Sky, Elgin

Premier arrêt: Deep Sky, un vignoble accueillant et achalandé, même en hiver, établi depuis 2010. Les visiteurs – dont plusieurs ont l’air d’habitués – s’installent dans une belle grande salle lumineuse et aérienne au centre de laquelle trône un bar fait de bois de tabac. Entre la salle et le vignoble, il ne semble pas y avoir de séparation. L’espace de dégustation communique avec les rangées de vignes grâce à de grandes fenêtres et des portes coulissantes qui donnent sur le vignoble. Deep Sky possède à Elgin cinq acres de vignes, une production complétée par 15 acres à Willcox et quelques acres en Argentine. La production annuelle, tout comme celle de plusieurs vignobles de la région, est plutôt humble, soit 1500 caisses.

Phil et Kim Asmundson, tous deux du monde de la finance, se sont réinventés à Elgin. C’est après un voyage en Argentine en 2009 qu’ils tombent amoureux de l’idée de produire leurs vins. Ils achètent cinq acres de vignes en Argentine, puis 20 acres à Willcox en 2014 et, finalement, un autre vignoble à Elgin en 2017. Leur maître de chai, James Callahan, est une sommité dans la région. Il a aussi son propre vignoble, Rune Wines, ce qui ne l’empêche pas d’aider plusieurs vignerons de la région. Deep Sky produit maintenant 16 vins, qui portent tous des noms reliés à l’astronomie, une autre passion de Phil: Big Bang, Aurora, Gravity, Nebula…, c’est tout un univers à découvrir.

Coup de cœur: Constellation Syrah 2016

L’un des grands défis des vignerons de cette région consiste à ne pas laisser les fruits cuire au soleil. Ce dernier, l’été, se fait très intense dans cette région désertique. Résultat: les raisins sont parfois cueillis jeunes, laissant le fruit très discret. Avec cette syrah, le pari est réussi. Le nez et la bouche sont sur le fruit noir mûr, mais sans excès, avec une touche de chocolat et d’épices poivrées. L’acidité et les tanins s’équilibrent à merveille, nous laissant sur une plaisante finale. (30$ USD)

Flying Leap, Elgin

Situé à quelques centaines de mètres de Deep Sky, Flying Leap offre un environnement particulièrement joli à ses visiteurs. L’endroit semble aménagé pour les grandes occasions. Dans la salle de dégustation, des tonneaux de vin s’alignent le long des murs de briques. Fondée en 2010, cette entreprise est une coopérative qui regroupe plusieurs producteurs, et qui compte également une distillerie, elle aussi ouverte au public à Elgin, sur le site même du vignoble. Toute jeune encore, Flying Leap a ouvert ses portes en 2016.

On y produit une belle variété de cépages européens, y compris du tannat et du tempranillo. La production s’élève entre 3000 à 8000 caisses annuellement. Les vins présentent beaucoup de fruits et sont généralement bien équilibrés. La plupart passent de 22 à 26 mois en barriques françaises ou hongroises.

Coup de cœur: Mourvèdre 2019

Voici un autre vin d’Elgin où le fruit a la place qu’il mérite, sans pour autant manquer de complexité. Dans sa robe rubis légèrement grenat, il dégage des notes délicatement herbacées. Sur le palais, le fruit l’emporte aussi, accompagné d’une acidité modérée et de tanins discrets. C’est bon, léger et gouleyant, caractéristique des vins de cette région, quoiqu’on y ait ajouté une petite touche de cabernet sauvignon argentin.

Malheureusement, les vins d’Arizona ne sont pas encore offerts au Québec. On espère que ça viendra! D’ici là, si vous vous rendez en Arizona, ne manquez surtout pas leur route des vins!

Arizona Uncorked: The Arizona Wine Guide de Jenelle Bonifield

Pour vous faire rêver en attendant de vous y rendre, nous vous recommandons le livre Arizona Uncorked: The Arizona Wine Guide de Jenelle Bonifield. Il vous transportera dans le paysage viticole d’Arizona avec ses époustouflantes photographies et vous fera découvrir cette route des vins unique, presque comme si vous y étiez, les vins en moins.

C’est à la photographe Jenelle Bonifield qu’on doit l’édition et la production de cet ouvrage magistral (il pèse six livres!), ainsi que toutes les photos qui l’illustrent. Il est infusé de passion, celle de Bonifield, mais aussi celle de tous les producteurs qui y ont participé. De plus, Bonifield a fait appel à divers rédacteurs – des gens de ces régions viticoles – pour tracer le portrait de ces femmes et de ces hommes qui cultivent la vigne dans les déserts d’Arizona.

Bien structuré, merveilleusement illustré, avec des textes qui décrivent bien chaque région et chaque vignoble (ou presque), c’est un cadeau à offrir à n’importe quel passionné de vin qui rêve de parcourir des routes moins connues. L’ouvrage compte aussi une section sur l’histoire de la viticulture en Arizona qui, bien que l’industrie soit jeune, comme celle du Québec, a pourtant ses racines dans les années 1700. Ce livre n’est pas donné (111$ USD), mais il ravira les collectionneurs.

Arizona Uncorked: The Arizona Wine Guide, Jenelle Bonifield. 2020. 544 pages

Santé!

Jessica et son équipe