Par-delà la pluie de Victor Del Árbol

Plonger dans l’univers de certains romanciers s’apparente à un saut dans un précipice. Confiant, le lecteur espère que l’auteur, dissimulé dans une cavité du gouffre, lui remettra un parachute au cours de sa course pour atterrir en douceur. Avec Victor Del Árbol, soyez assurés que le sauvetage aura lieu. Certes, la chute libre sera vertigineuse, mais l’atterrissage se fera tout en nuances, en émotions et réflexions. Mais chose certaine, on ne sort pas indemne de Par-delà la pluie, de l’auteur catalan.

Préparez-vous à être ébranlés, émus par ses personnages d’une humanité tellement souffrante. Préparez-vous à être harponnés par ses récits de vie et de mémoire qui vous transporteront au cœur des hommes et des femmes qui vivent et survivent, malgré tout. Les personnages de cet écrivain sont toujours tentés d’en sortir ou d’en finir, mais aussi, toujours prêts à sauter dans le premier train, celui qui se rend un peu plus loin. Juste au cas où…

Miguel et Helena, âgés de plus de 70 ans, habitent une même résidence pour personnes âgées. Ils ont chacun un passé qui les habite, qui les hante, même. Comme les autres résidents, ils vivent un présent désolant et n’espèrent aucun avenir.

Ex-directeur de banque, Miguel, 75 ans, est un modèle d’ordre et d’équilibre. Il sait qu’en lui, germe insidieusement «la maladie incurable du souvenir». Tapi dans sa chambre, il relit inlassablement les lettres de sa maîtresse d’une nuit, la femme qu’il a toujours aimée. Pourtant, il n’a jamais répondu aux nombreuses lettres d’amour qu’elle lui a envoyées.

Dans quelques mois, dans un an, il ne se rappellerait même plus le nom des choses. Il resterait collé aux pavés de la résidence et plus rien, plus personne ne pourrait l’en décoller. Pourquoi rester là à attendre le dénouement, alors qu’on pouvait aller à sa rencontre.

Insomniaque, adorant le gin et nantie d’un sens de l’humour pimenté d’une grande dose d’impertinence, Helena est l’antithèse de Miguel. Au cours de son adolescence, ses parents disparaissent. Ses grands-parents la placent alors dans un pensionnat où elle rencontrera Louise, l’amie, celle qui marquera toute son existence. De bien des façons.

        Solitude, illusion, et une mort qui, aussi tragique que soit sa mise en scène, ne changera rien. Helena voulait échapper à ce destin, ne pas laisser le dernier mot au temps. Décider elle-même comment et où vivre ses derniers jours. Elle ne voulait pas languir, enfermée dans ses souvenirs comme tous ces vieux au regard résigné qu’elle croisait chaque matin. Elle ne devait d’explications à personne. 

La mort subite de l’un des pensionnaires bouleversera et rapprochera Helena et Miguel, qui décideront de plier bagage, pour retrouver une partie de leur passé, vivre leur présent et surtout, arrêter de mourir leur futur. Commence alors un périple où les souvenirs reviendront, soit les hanter, soit les obséder. Et trop souvent, les chagriner. Mais, dorénavant, ils partagent une volonté féroce de vivre chaque minute au maximum!  À tour de rôle, chacun devient la béquille réconfortante de l’autre, sur laquelle on s’appuie pour mieux avancer.

Une course contre le temps

Dans cette course inexorable contre la montre du temps qui fuit, Helena et Miguel visiteront les personnes qui, un jour ou l’autre, ont fait d’eux ce qu’ils sont aujourd’hui. Autour de Miguel surgiront Natalia, sa fille, et son mari violent, Gustavo; Carmen, son amante épistolière; et enfin, le père de Miguel, toujours absent, mais un fantôme bien présent, et bien d’autres, dont les destins seront révélés.

Victor Del Árbol signe ici un de ses grands romans. Un récit qui chavire le cœur et l’esprit. La structure du roman est complexe: elle conduit le lecteur dans des strates temporelles qui se superposent. Helena et Miguel vivent et agissent dans le présent mais, à tout moment, l’auteur nous immerge dans les méandres de leur passé plus ou moins éloigné. L’exercice, au début, est troublant; puis, après quelques dizaines de pages, l’auteur nous a tendu la main et les fantômes de nos voyageurs du temps deviennent les nôtres.

Et à la fin du récit, complètement bouleversé, frappé de plein fouet par les émotions, ému par la justesse du propos, le lecteur se laissera bercer au gré des thématiques de ce grand roman: la vieillesse, la mémoire, les relations familiales, les ambitions, les abus, l’inéluctable fin de la vie... mais avec en prime, une volonté féroce de vivre chaque minute au maximum.

Bonne lecture!

Victor del Árbor est né à Barcelone en 1968. Après des études d’histoire, il a travaillé dans les services de police de la communauté autonome de Catalogne. En France, son œuvre est publiée chez Actes Sud, dans la collection «Actes Noirs»: La tristesse du samouraï (2012), La maison des chagrins (2013), Toutes les vagues de l’océan (2015) et La veille de presque tout (2017).

Par-delà la pluie, Victor Del Árbol, Actes Sud/Actes Noirs, février 2019, 447 pages, 44.95$

 

 

 

Le syndrome de takotsubo de Mireille Gagné

Avec sa plume, elle sculpte les mots en une fine ciselure qui donne une poésie chantante comme le ressac du fleuve, comme les oies blanches qui volent et meurent entre les lignes de ses poèmes. C’est cette finesse d’écriture, que j’avais aimée dans ses poèmes, que j’ai retrouvée dans ce recueil de nouvelles que signe Mireille Gagné et dont le titre, Le syndrome de takotsubo, n’a rien de banal. Pas banales, non plus, les 17 nouvelles, car si son écriture est aussi fine qu’une dentelle, rien n’est naïf ni dans le propos ni dans le choix des mots.

Le titre donc. Le syndrome de takotsubo, aussi appelé «syndrome du cœur brisé», a été initialement observé dans les années 1990 par des cardiologues japonais. Cette condition se définit par une forme rapide et transitoire de défaillance cardiaque aiguë, déclenchée par un stress, émotionnel ou physique, intense. À l’échocardiographie, elle se distingue par une ballonisation ventriculaire qui ressemble au takotsubo, mot désignant les pièges à goulot étroit servant à capturer les pieuvres.

Vous pouvez chercher sur les sites médicaux, Mireille Gagné dit vrai. Le syndrome de takotsubo existe bel et bien. Et c’est bien de cœurs brisés entre deux battements de vie et d’ailes dont il est question dans ses nouvelles. Des cœurs qui se brisent tout doucement ou avec fracas. On pourrait dire qu’il est beaucoup question de mort dans ces textes, il est surtout question de la fragilité de la vie, de l’âme et du cœur. Comme celui de ce veuf qui cherche l’image de sa femme à ses côtés et dont le cœur a pris la forme d’un takotsubo.

Comment un cœur en explosant peut-il faire autant de blessés?

Une femme tue son mari et meurt à son tour sous la sentence exécutée par le bourreau. Un transgenre se retrouvera aussi devant le bourreau. Une femme reçoit un diagnostic comme une sentence de mort, s’enfuit pour aller mourir dans la beauté, car comme elle dit sur la carte postale qu’elle a laissée: «Pour survivre, il faut vivre.»

Comprenez-moi bien, je n’aime pas les romans noirs jonchés de cadavres et de sang. Mais s’il est beaucoup question de mort, de bourreaux et de fuite dans les nouvelles de Mireille Gagné, il est aussi beaucoup question de vie, de ces instants précis où tout peut basculer, se fracasser, comme un cœur brisé. Mais il ne se brise pas toujours, il suffit parfois de s’approcher de l’abîme et de choisir de ne pas tomber, comme Gaétan, qui «ressent enfin de la joie».

Bon, vous l’aurez deviné, j’ai beaucoup aimé. Mireille Gagné est une fine plume, à lire et à découvrir. Sans compter que j’aime bien ce genre littéraire. Les nouvelles comme la poésie sont des bouchées de littérature à déguster comme des chocolats raffinés, un à la fois, au gré du temps.

Le syndrome de takotsubo, Mireille Gagné, Éditions Sémaphore, novembre 2018, 116 pages 17,95$

Lire notre texte sur le dernier recueil de poèmes de Mireille Gagné, Minuit moins deux avant la fin du monde.

Poète et nouvelliste, Mireille Gagné vit à Québec, où elle travaille dans le milieu culturel. Elle a publié trois recueils de poèmes aux Éditions l’Hexagone: Les oies ne peuvent pas nous dire (2010), Les hommes sont des chevreuils qui ne s’appartiennent pas (2015) et Minuit moins deux avant la fin du monde (2018). Elle a également publié le recueil de nouvelles Noirceur et autres couleurs aux Éditions Trampoline (2010).

Le défi «Février sans supermarché»

Un nouveau défi alimentaire prend de plus en plus d’ampleur sur les réseaux sociaux. Préparez-vous à entendre parler de «Février sans supermarché».

En Suisse, en Belgique et en France, le défi initié il y a trois ans par le média suisse En Vert Et Contre Tout fait un peu plus parler à chaque édition. L’idée? Éviter les gros supermarchés et encourager plutôt les commerces indépendants, les épiceries de quartier, les petits producteurs, les marchés, et pourquoi pas, se familiariser avec l’achat  en vrac. Pour certains, le défi pourrait même faire diminuer les achats, qui en resteront davantage à l’essentiel puisque selon plusieurs, les grandes surfaces encourageraient à acheter plus que nécessaire.

En même temps, selon Leïla Rölli, fondatrice d’En Vert et Contre Tout, le défi « Février sans supermarché » cherche à passer un message aux grandes surfaces en critiquant ainsi le suremballage et les centaines kilomètres de transport nécessaires à certains aliments.

Au Québec, les épiceries zéro déchet Loco prêchent pour leur paroisse et encouragent sur les médias sociaux (#fevriersanssupermarché) les Québécois à, eux aussi, embarquer dans le mouvement.

Et si changer ses habitudes n’est pas toujours facile à cause du manque de temps, d’argent, ou de la méconnaissance, le défi «Février sans supermarché» cherche justement à faciliter les choses grâce à un mouvement solidaire qui peut inspirer, donner des idées et encourager. L’idée: prendre le mois pour réfléchir aux autres options possibles. Et juste essayer autre chose pour voir ce que ça donne.

The Shelter Project: un toit pour tous

La mission de l’architecte ne se limite pas à la conception de bâtiments magnifiques. Pour Jasmine Mariani, qui a cofondé l’inspirant Shelter Project, elle englobe aussi l’amélioration de la qualité de vie et la capacité de se remettre sur pied après une catastrophe.

En juillet et août 2018, l’île de Lombok en Indonésie a été frappée par de puissants séismes. Plus de 500 personnes y ont perdu la vie et environ 350 000 ont dû être déplacées. L’événement ne fait plus la une depuis longtemps, mais des milliers de familles sont toujours à la rue. C’est pour cette raison que The Shelter Project est né.

Photo: theshelterproject.net

Construits sous la direction de l’architecte, basée à Bali, et de sa petite équipe, les abris fournissent une maison temporaire aux sinistrés. Ils ne coûtent que 700$ US à bâtir, en incluant la main-d’œuvre et les frais de gestion.

Ils sont principalement composés de matériaux naturels (comme le bois et le bambou) et comprennent des installations électriques, un système de collecte d’eau de pluie, un réservoir et un filtre à eau. Les demeures de fortune sont aussi rapides à ériger. Une famille peut avoir un toit au-dessus de sa tête en quatre jours.

Photo: theshelterproject.net

En leur donnant l’expertise et les moyens d’édifier un abri sécuritaire et confortable, l’initiative encourage les communautés à participer. Comme les plans sont simples et ne nécessitent aucun outil électrique ou machinerie lourde, tous les villageois peuvent s’improviser constructeurs.

Les concepteurs espèrent que leur idée fera des petits ailleurs dans le monde. On peut obtenir tous les documents en ligne et la maison peut être adaptée en fonction de l’emplacement, des matériaux disponibles et des besoins.

Voyager hors des tout inclus, Mylène Moisan et Alexandre Leblanc

«Vous avez toujours rêvé de voyager, mais vous ne savez pas par où commencer? Vous vous ennuyez dans un tout inclus? Vous voulez partir avec vos enfants, mais on vous dit que vous êtes fous? Vous êtes à la recherche de votre prochaine destination? Ce livre est assurément pour vous.»

Ces quelques phrases, sur la quatrième de couverture du dernier livre de la journaliste et auteure Mylène Moisan (coécrit avec son conjoint), ont tout de suite retenu notre attention. Non pas qu’on soit à court d’idées pour notre prochaine destination (notre chroniqueuse Marie-Julie Gagnon a le don de nous faire rêver!), mais plutôt parce qu’on se disait que l’approche de l’auteure, qu’on aime lire dans La Presse, devait être intéressante.

Dès les premières pages, on réalise qu’on ne s’est pas trompées. S’il peut parfois être ennuyant de lire un guide de voyage, on ne s’ennuie pas avec le bouquin de ce couple de voyageurs «ordinaires». En effet, les récits des aventures familiales de Mylène Moisan pourraient être les nôtres… ou les vôtres. On s’y retrouve donc tout de suite, de par le ton, les références et les photos.

Les récits personnels illustrent bien les imprévus dont tout voyage hors des tout inclus est inévitablement pourvu. L’anecdote du ticket vers Isla de Juventud, à Cuba, est savoureuse et rappelle qu’il ne faut parfois pas se fier à ce qui est écrit dans le Lonely Planet!

C’est également par le biais de ces récits et anecdotes personnels qu’on découvre l’histoire, la culture et les attractions à ne pas manquer pour chacune des destinations visitées (neuf au total). Le résultat: un guide de voyage qui fourmille de conseils et de trucs, mais dont la lecture est tout sauf ennuyante!

Voyager hors des tout inclus, Mylène Moisan et Alexandre Leblanc. Éditions La Presse 2019. 264 pages. 29,95$.