La chronique Vins et alcools avec Jessica Harnois

Auteur(e)

Jessica Harnois

Sommelière et animatrice, Jessica Harnois a travaillé pour les plus grands établissements au monde, a occupé le poste de sommelière en chef à titre d’acheteuse de vins pour les Services SAQ Signature, a été responsable du Courrier vinicole et de la prestigieuse Cave de garde de la SAQ, en plus d’avoir été présidente de l’Association Canadienne des Sommeliers Professionnels et Vice-Présidente de l’APAS (Alliance Pan-Américaine des Sommeliers). Avec l’agence d’animation Vins au Féminin, elle a conceptualisé le jeu Dégustation Vegas qui démocratise le vin. Vous pouvez la voir à la télé, l’entendre à la radio et la lire dans plusieurs magazines.

Les cidres du Québec, parfaits pour l’été

Ils viennent maintenant en toutes sortes de couleurs: jaune, orange et rosé. Ils ont parfois des bulles, parfois non. C’est un produit local; le Québec en produit d’excellents. On pourrait même dire qu’il s’agit d’une des spécialités québécoises. Aujourd’hui, je vous parle de cidres!


La particularité est dans les pommes

L’Amérique du Nord produit 12% de tous les cidres du monde, contre 58% pour l’Europe. C’est donc dire que le Québec a de la concurrence! Qu’à cela ne tienne, nos cidres se démarquent année après année sur la scène internationale par leur qualité et leur caractère unique.

L’une des raisons qui expliquent la distinction des cidres québécois est le type de pommes utilisées dans leur confection. Alors que la plupart des cidriculteurs français utilisent des cultivars de pommes à cidre, ceux du Québec choisissent plutôt la pomme à croquer, c’est-à-dire celle qu’on mange. Elles sont généralement plus acides que les pommes à cidre. Nos cidres sont désaltérants et nous mettent en appétit, ce qui en fait une boisson estivale de choix. De plus, on les retrouve de plus en plus en canettes, idéales pour le bord de la piscine.

Au Québec, on boit du cidre au Québec depuis l’arrivée des premiers colons européens. Photo: Facebook Cidre du Québec

Une histoire de résilience

On boit du cidre au Québec depuis l’arrivée des premiers colons européens, qui ont apporté avec eux non seulement des barils remplis de ce liquide, mais aussi un savoir-faire vieux de plusieurs siècles. À Montréal, les Sulpiciens ont planté des pommiers (et des vignes!) sur les flancs du mont Royal dès 1675. Le cidre a longtemps été une affaire de moines, mais plus aujourd’hui – quoique l’abbaye de Saint-Benoît-du-Lac en produise encore d’excellents à acheter sur place.

L’histoire du cidre au Québec est tout sauf un fleuve tranquille. Elle a connu des hauts et des bas, des périodes de popularité et d’autres de prohibition. Elle a compté de bons cidres, de moins bons et d’excellents à travers les décennies. Dire que la légalisation et la vente du cidre n’ont pas été faciles dans la province est presque un euphémisme. Que de persévérance et de passion dans ces démarches!

Ce n’est qu’en 1970 que le cidre sera officiellement «légalisé» par la SAQ, alors appelée la Régie des alcools du Québec. Malheureusement, à cette époque, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Le cidre est produit en grande quantité et les producteurs recourent à des méthodes industrielles et à toutes sortes d’additifs. Cela aura pour effet de miner la popularité du cidre jusqu’aux années 1990. Mais à partir de là, une nouvelle mouture du cidre québécois fait une entrée remarquable sur le marché: le cidre de glace! Depuis, l’industrie connaît des hausses spectaculaires année après année, de même que des innovations qui ne cessent de réinventer tous les types de cidre.

À lire: Le cidre au Québec. Histoire, cidreries et coups de cœur d’ici

Pour en savoir plus sur la fascinante histoire du cidre dans notre belle province, je vous invite à lire l’ouvrage Le cidre au Québec de Stéphane Morin, alias Monsieur Terroir. Ce joli guide explore non seulement l’histoire de cette boisson, mais nous fait aussi voyager à travers la province, à la rencontre de producteurs sympathiques et passionnés.

De plus, avec le développement de l’agrotourisme dans les dernières décennies, c’est tout le secteur des produits du terroir qui vit une renaissance. Vous pouvez donc ajouter les cidreries aux endroits à visiter cet été. Le guide de Stéphane Morin propose plusieurs visites, avec en prime des activités à faire dans les alentours, question de bien planifier votre sortie. En attendant, voici quelques cidres à déguster tout au long de l’été.

Le cidre au Québec. Histoire, cidreries et coups de coeur d'ici, Stéphane Morin. Éditions de l'Homme. 2020. 224 pages.

Cidre bouché orange, Verger Hemmingford

Ce que j’aime du verger Hemmingford, c’est leur côté un peu fou (vous n’avez qu’à regarder leurs photos sur leur site web pour comprendre ce que je veux dire!). Francis Pouliot et Stéphanie Beaudoin, accompagnés de leur maître de chai Daniel Brongo, aiment créer et innover. Le pari est réussi une fois de plus avec ce cidre orange, offert en quantité très limitée. Ce dernier s’inspire de la méthode de fabrication des vins orange. Il s’agit en fait d’un «pet nat», un pétillant naturel sur lie. Fait à partir de pommes Geneva et Dolgo, ce cidre a beaucoup de texture en bouche. Il est très sec et doté d’une belle effervescence, avec une acidité à faire saliver. À découvrir!

Fait à partir de pommes Geneva et Dolgo, ce cidre a beaucoup de texture en bouche. Photo: Facebook Verger Hemmingford

Darragon dit Lafrance, Édition limitée

Déjà trois générations se sont succédé sur le Domaine Lafrance, qui compte environ 13 000 pommiers de 30 cultivars de pommes. On y produit des cidres, mais aussi des spiritueux à base d’eau-de-vie de pommes, dont certaines sont relevées avec des prunes et du sirop d’érable provenant du domaine. Le Darragon est un cidre effervescent bouché sur lie, un authentique produit du terroir fait de façon artisanale. Plutôt sec, droit et bien structuré, il présente des notes de pommes, bien sûr, mais aussi de délicats arômes floraux. Il est très agréable à boire et désaltérant à souhait, aussi idéal comme base de cocktails.

Très agréable à boire et désaltérant à souhait, ce cidre est aussi idéal comme base de cocktails. Photo: SAQ.com

Le Cortland, cidre de glace, Domaine Cartier-Potelle

Voilà un bel exemple d’un cidre fait à partir d’une pomme à croquer: la Cortland. Le résultat est tout simplement magique! Il s’agit cette fois d’un cidre de glace obtenu par cryo-extraction, une méthode qui consiste à laisser les pommes geler avant d’en extraire le jus. Le Domaine Cartier-Potelle est l’un des premiers à avoir obtenu une certification d’Indication géographique protégée (IGP) au Québec. Vous serez submergé par une explosion de saveurs en bouche; on dirait une tarte Tatin! Pour vous gâter, servez-le avec du foie gras poêlé; vous vous en souviendrez longtemps!

Fait à base de pommes Cortland, vous serez submergé par une explosion de saveurs en bouche; on dirait une tarte Tatin! Photo: domaine-cartier-potelle.com

Sur ce, bonne semaine et profitez bien du magnifique printemps qui commence à ressembler à l’été! Santé!

Jessica et son équipe