La chronique Savourer avec Véronique Leduc

Auteur(e)
Photo: Daphné Caron

Véronique Leduc

Véronique Leduc a été journaliste en tourisme pendant des années pour divers médias avant de se spécialiser en agrotourisme et culture culinaire. Elle a participé à divers collectifs liés au tourisme et a publié les livres Épatante Patate et La famille agricole. Parce qu’elle avait envie d’avoir plus d’espace pour parler de ceux et celles qui nous nourrissent, elle a aussi cofondé, il y a 10 ans, le magazine Caribou. Elle est rédactrice en chef des numéros papier qui abordent différents thèmes liés à la culture culinaire du Québec. Elle est fascinée par les humains et les histoires qu’ils ont à raconter. Elle a pour la première fois raconté son histoire à elle en 2021 dans son livre Infertilité Traverser la tempête. Elle signe les articles Savourer et Saveurs du jour sur Avenues.ca depuis 2015 et nous offre ici sa chronique Savourer.

Si les livres de cuisine pouvaient parler

Il y a ceux écrits à la main, ceux aux pages cornées, ceux barbouillés, ceux presque pas utilisés… Il y a les vieux et les jeunes, ceux pour la semaine et ceux pour les grandes occasions. Si les livres de cuisine pouvaient parler, ils auraient sûrement beaucoup à dévoiler…



Je suis certaine que plusieurs d’entre nous se souviennent de leur premier livre de recettes. Le mien était un livre de cuisine végétarienne reçu à Noël alors que je venais de déménager quelques boîtes dans mon premier appartement montréalais. Au début de la vingtaine, je me trouvais tellement «adulte» juste à le feuilleter. J’avais essayé une recette de burritos végétariens que je trouvais excellente et qui était devenue mon classique quand je recevais.

Aujourd’hui, dans ma cuisine, il y a un mur complet de livres de cuisine colorés qui se veulent classés, mais qui sont souvent déplacés. Je n’ai aucun mérite: mon chum est un cuisinier hors pair et c’est surtout lui qui alimente les rayons. Mais je suis très heureuse de cette grande bibliothèque qui est le cœur de notre cuisine. Parce qu’elle parle de notre histoire.

Aujourd’hui, dans ma cuisine, il y a un mur complet de livres de cuisine colorés qui se veulent classés, mais qui sont souvent déplacés. Photo: Véronique Leduc

Il y a les classiques, dont le premier livre de Josée di Stasio, qui me rappelle les premiers soupers «fancy» chez des amis, à l’époque où une mousse de saumon fumé sur des tranches de concombres était le summum du chic (p. 18), et ceux de Daniel Pinard, qui ont allumé chez mon chum une passion dévorante pour la cuisine. Ces vieux sages côtoient des plus funky ou récents, comme les Ottolenghi, Marion Grasby, et plus près d’ici, Laurent Dagenais de ce monde, qui se sont invités chez nous dans des dizaines de soirées entre amis grâce à un plat de pâtes, un pad thaï ou un burger réinventé. On trouve aussi une section «pratique» où, entre autres, la série de Famille futée fait sa place, avec un volume 2 à la page 20 bien cornée avant même que je devienne parent, puisque la recette de pouding chia qu’on y trouve reste à mon avis la meilleure.

Dans les derniers mois, j’ai, gracieuseté de ma deux ans, sorti des rayons le livre Chefs de famille, un ouvrage paru en 2015 dans lequel des chefs partagent les recettes infaillibles auprès de leur marmaille, puis j’ai feuilleté le premier tome de Loounie Cuisine et le livre des Filles Fattoush quand mon potager débordait de tomates. Chaque printemps, le livre Forêt, de Gourmet Sauvage, sort de la bibliothèque, tout comme celui des Salades de Mandy et ceux liés au barbecue. Et, quelques mois plus tard, quand les premières journées fraîches se pointent le bout du nez, c’est À la soupe de Josée di Stasio que je dépoussière suivi, en novembre de chaque année, de ceux de Lesley Chesterman et d’Olives + Gourmando, juste pour le réconfort et la rêverie qu’ils apportent. Entre vous et moi, mes livres de cuisine sont remplis de petits bouts de papier qui promettent qu’un jour, je ferai toutes, ces recettes. Mais bien souvent, ce n’est pas le cas: ce n’est pas moi qui cuisine à la maison et je manque de temps. Pourtant, pour rien au monde, je ne me départirais de ces livres. Ce n’est pas un mur de livres de cuisine que l’on possède, c’est un rempart d’inspiration, de souvenirs, de réconfort et de richesses.

Chaque année, en novembre, je dépoussière quelques livres dont celui de Lesley Chesterman, juste pour le réconfort et la rêverie qu’il apporte.

Des livres témoins de leur époque

Il y a quelques années, quand on prédisait la mort du papier au profit des tablettes et autres écrans, on avait annoncé leur extinction à eux aussi. Pourtant, il suffit d’aller faire un tour dans une librairie ou dans un salon du livre pour constater que même les milliards de recettes disponibles sur Internet ne les ont pas détrônés. Chaque année encore, des dizaines et des dizaines d’ouvrages remplis de recettes sont créés… et vendus. En effet, en 2022, dans la province, toutes catégories confondues, ce sont les livres de cuisine qui remportaient haut la main la palme des ventes. Les meilleurs au pays, souvent des best-sellers, sont même chaque année récompensés lors des Lauréats des saveurs du Canada.

Les livres de cuisine sont témoins de leur époque. Si on feuillette ceux qui datent de plusieurs années, on remarquera des tendances fortes et des modes qui ont passé (pensez aux verrines, aux plats à l’ananas ou aux livres entièrement dédiés à la cuisson au micro-ondes). Ceux d’aujourd’hui parlent à leur tour de notre époque. La preuve? Ces cinq livres d’ici sortis cet automne et qui sont le reflet de nos préoccupations, de nos intérêts et des tendances de notre société.

Le livre Air fry ta vie, de Manon Lapierre, met en vedette le air fryer (ou friteuse à air chaud), ce nouveau gadget à la mode dont tout le monde parle et qui permet de faire facilement des fritures saines.

De son côté, Jean-Philippe Cyr, star végane du web, propose un nouvel ouvrage, Jean-Philippe autour du monde, regroupant 100 recettes véganes inspirées de divers pays.

Hooké. Aventures et cuisine sauvage parle de cet intérêt grandissant pour la cuisine sur le feu et en plein air, d’un retour à la chasse et à la pêche et d’une cuisine en accord avec la nature et les saisons.

Ce livre parle de cet intérêt grandissant pour la cuisine sur le feu et en plein air.

Le deuxième tome de Folks & Forks, Héritage pour Mathilde, témoigne de notre époque d’une autre façon, puisque Fréderike Lachance-Brulotte est une vedette des réseaux sociaux Tik Tok et Instagram. Comme quoi même les stars du web souhaitent un jour laisser leur trace sur papier!

Côté liquides, Boire mieux est lui aussi le reflet d’une tendance forte: celle de boire moins, mais mieux. Ainsi, Patrice Plante, fondateur de l’entreprise Monsieur Cocktail, propose dans ce livre 180 recettes de cocktails légers ou sans alcool, variés et colorés. On y trouve les classiques boulevardier, cosmopolitan, espresso martini et manhattan ou des cocktails inventés nommés «J’ai pas frappé un mur», «Maman j’ai raté l’avion» ou «Pogo». De quoi s’amuser pendant les festivités!

Patrice Plante, fondateur de l’entreprise Monsieur Cocktail, propose dans ce livre 180 recettes de cocktails légers ou sans alcool, variés et colorés.

D’ailleurs, pensez à les offrir pour les Fêtes: les livres de recettes sont des cadeaux qui parlent de notre époque, certes, mais qui servent pour toujours.

Et il y a quelque chose que je trouve beau là-dedans, dans cet intérêt pour les livres de cuisine qui ne se dément pas. Je trouve qu’il y a quelque chose de réconfortant dans les pages de ces objets pérennes qui racontent une histoire et qui rassemblent. Pas vous?