Toronto par le ventre
Si Toronto a été considérée comme un lieu d’affaires bien avant d’être reconnue pour ses attraits gastronomiques, les choses sont en train de changer. La Ville Reine connaît présentement une effervescence culinaire qui lui vaut une place de choix parmi les destinations gourmandes les plus enviables.
Au printemps 2017, une affirmation du chef chéri des Montréalais, David McMillan, copropriétaire du Joe Beef, dans Griffintown, a fait grand bruit. Il avait alors dit dans un long article que «Montréal avait perdu son titre de plus grande ville culinaire au pays au profit de la Ville Reine». Devant les réactions que cela avait créées, il s’était ensuite rétracté en précisant que son texte était une «lettre d’amour» à ses collègues torontois qui font une cuisine qui l’«épate». Pour nuancer ses propos, il avait expliqué que désormais, au même titre que Montréal et Vancouver, Toronto était une «capitale gastronomique», où les gens sont «en amour avec la cuisine».
D’ailleurs, comme pour venir prouver ses dires, dans le classement du magazine Canada’s 100 Best Restaurants, on retrouve 25 restaurants montréalais et 24 torontois.
Rumeurs urbaines?
Dans les rues de Toronto, entre les hauts gratte-ciels, on les cherche pourtant ces fameux restaurants qui redessinent la scène culinaire… Il faut dire que pour s’assurer une table dans les endroits courus, il faut parfois réserver des semaines à l’avance. Puis, Toronto reste une ville financière qui, lors d’une visite le dimanche et le lundi, présente plusieurs portes closes. En attendant, on se régale de dumplings savoureux et de soupes ramen bien faites dans des restos simples de la rue Yonge en se demandant ce qui fait tant vibrer les foodies.
Puis, un lundi soir, un taxi nous laisse devant le Bar Raval, dont on a entendu beaucoup de bien. Là, dans une ambiance festive, on a enfin l’impression d’entrevoir ce qui crée cet engouement pour la ville. De grandes structures de bois circulaires cachent un petit bar où on réinvente les cocktails et une minuscule cuisine d’où sortent des tapas originaux et fondants en bouche qui rappellent Barcelone.
Se laisser guider
«Toronto est une ville où il faut savoir où l’on va parce qu’elle est vaste, que ses quartiers sont loin l’un de l’autre et que les réservations sont nécessaires», exposera le lendemain Kevin Durkee, copropriétaire de Culinary Adventure Co, une entreprise qui offre des tours gastronomiques, devant mon exaspération à trouver les bons endroits où aller goûter cette fameuse cuisine. «Je pense qu’à Montréal, on peut flâner dans les rues et tomber sur un super endroit, mais ce n’est pas le cas à Toronto, où il ne faut pas se fier au hasard.»
Pendant un tour gourmand, Kevin, guide depuis près de 10 ans dans différents quartiers de la ville, a décidé d’axer les visites sur les tendances qui prennent Toronto d’assaut. «Nous allons nous concentrer sur les penchants santé, végane et vert de la ville et sur cet engouement pour les plats préparés de qualité», expose-t-il.
Direction le centre financier donc, où le premier arrêt mène chez Planta Burger, où on sert depuis l’an dernier des burgers complètement véganes et où on peut commander un trio accompagné de petits bouquets de chou-fleur grillés. Ici, pas de compromis, on mange santé sans avoir l’impression de se priver. Dans Yorkville, un peu plus au nord, une autre succursale plus chic propose une cuisine végane pensée par des chefs réputés. Les mots d’ordre: accessibilité, qualité et impacts minimaux sur l’environnement.
Juste en face, l’impressionnant Sud Forno rappelle l’Italie. Dans ce grand local en coin, on vient travailler, rencontrer, siroter un café, luncher, prendre un verre, souper ou goûter les pâtisseries italiennes à se rouler par terre. «Près des bureaux, le Sud Forno répond à ce besoin des gens de bien manger, mais rapidement, sans se casser la tête», croit Kevin Durkee. Les travailleurs pressés choisissent donc dans les larges comptoirs des pizzas fraiches, des charcuteries, des fromages, des pains encore chauds, des salades ou des sandwiches à déguster sur place ou à emporter à la maison pour le repas du soir.
Difficile de s’arracher du Sud Forno, mais le prochain arrêt nous appelle. À quelques pas de là, on entre par une bouche de métro dans un autre monde: voilà Pusateri’s. Sans guide, jamais un visiteur ne serait tombé par hasard sur cet endroit étonnant.
Sous la terre, on trouve 26 000 pieds carrés lumineux qui forment un immense paradis de la bonne bouffe. Y sont installés côte à côte des comptoirs de sushis faits à la demande, de sandwiches, de salades ou de pizzas fraîches; on y trouve un boucher, un poissonnier, une fruiterie, des boulangeries, un bar à dattes, un bar à champagne…
...et même un «boucher» qui apprête pour ceux qui manquent de temps les fruits et légumes. Tout y est tellement beau et appétissant qu’on a l’impression de se promener dans une galerie d’art. «L’idée, en partie inspirée des marchés italiens Eataly, est de proposer au même endroit tous les produits de qualité qui peuvent inspirer les gens occupés, explique Kevin Durkee devant des étagères de vinaigres de vin et d’huile d’olive. C’est en fait une grande épicerie fine où il est possible de manger sur place et de faire ses courses en prenant un verre de vin.» On sort de là étourdi devant tant de victuailles et certainement impressionné.
Bouillonnement culinaire
Dans le taxi vers l’aéroport, Kevin, au fait des tendances culinaires de la ville, confirme qu’il se passe quelque chose à Toronto. Il y a ces excellents restaurants qui font leur place dans les palmarès, il y a ces comptoirs et ces établissements qui proposent des options pratiques et santé et, selon lui, il y a aussi une nouvelle diversité. «Le fait qu’il y ait beaucoup d’immigrants à Toronto définit la cuisine. Il y a depuis longtemps plusieurs restaurants italiens ou asiatiques mais de plus en plus, on trouve aussi de petits établissements fantastiques tenus par des Péruviens, des Argentins, des Brésiliens ou des Portugais.»
Voilà qui convainc de revenir bientôt goûter Toronto mais, cette fois, réservations faites.
Merci à Intercontinental Toronto Centre et Intercontinental Toronto Yorkville qui ont permis cette exploration gourmande.