Les quatre saisons à table
Nous vivons dans un pays de saisons qui influencent nos envies, nos activités, notre habillement, nos humeurs, notre sommeil… et notre alimentation. Mais réalisons-nous toujours le privilège que nous avons de pouvoir varier notre menu au fil de l’année? Hommage aux quatre saisons qui teintent les couleurs de notre cuisine.
Bien évidemment, pour ceux qui cherchent à manger local, la disponibilité des aliments ne sera pas la même selon les saisons. Mais au-delà de cet aspect, ce sont nos envies et nos plats qui changent de couleurs au même rythme que les saisons.
Qui n’a pas, lorsque les feuilles des arbres rougissent, hâte de retrouver les soupes, les potages et les mijotés? Et qui ne reçoit pas, pendant la saison froide, les amis autour d’une fondue chinoise, d’une fondue au fromage ou d’un plat de pâtes fumant? Le printemps venu, que celui qui ne rêve pas de jeunes pousses et de salades dégustées le visage tourné vers le soleil lève la main. Et, pendant l’été, ce sont les fruits, les légumes, les soupes froides, les grillades, les poissons, les crèmes glacées et les desserts légers qui nous font saliver.
C’est un fait, dans les sociétés qui vivent au fil des saisons, «en été, on n’a pas envie de manger la même chose qu’en plein cœur de l’hiver», rapporte le magazine Elle à Table en introduction à un dossier sur les recettes de saison.
Cuisine de saison
En effet, même ceux qui proposent des recettes s’y mettent et se collent aux différentes saisons pour attirer les cuisiniers.
Sur le site de Ricardo, on trouve 816 résultats sous la section «des recettes qui goûtent l’été», où figurent des salades, du poulet grillé, des sorbets, des guédilles ou une burrata aux pêches grillées et aux tomates confites, et on trouve 15 «desserts d’hiver»: tiramisu, beignes au caramel, pouding, gâteau des anges…
Le site Zeste, de son côté, propose des recettes du printemps où figurent notamment une tarte à l’érable, des poireaux vinaigrette, des courgettes farcies et des endives au bleu.
Quant à la nutritionniste Geneviève O’Gleman, elle vient de sortir juste à temps pour l’automne et l’hiver son livre Réconfort sans effort, qui propose des recettes de fondue au fromage, de soupes, de macaroni à la viande et de biscuits au chocolat.
Quelques clics sur Internet permettent aussi de facilement constater que nos plats sont naturellement classés selon les saisons, et que, souvent, le mot «fraîcheur» est associé à la cuisine d’été alors que le mot «réconfort» est lié à des recettes d’automne et d’hiver.
Quand le corps parle
Bien que cette façon de manger soit ancrée dans nos habitudes depuis des siècles – nos ancêtres, qui n’avaient pas accès aux épiceries, devaient plus que nous se coller aux saisons, et profiter des produits frais pendant l’été et innover avec des produits conservés pour le reste de l’année –, il reste que ces mets qu’on associe aux différentes saisons ne sont pas qu’un effet de mode ou d’habitude.
Comme l’explique la diététicienne et nutritionniste Florence Pujol dans un texte paru dans Slate, «il s’agit d’envies spécifiques qui font sens nutritionnellement parlant». Ainsi, selon elle, notre corps a de l’appétit pour des salades en été parce que c’est un plat riche en eau, idéal pour contrer la chaleur. Par exemple, si, au Québec, nous avons accès toute l’année à des carottes d’ici, nous aurons plutôt envie de les manger crues en été et cuites en hiver, dans les soupes ou les mijotés. «Ce n’est pas parce que vous avez besoin d’un repas "consistant" pour constituer des réserves de graisse et vous protéger du froid, explique la nutritionniste, puisque d’un point de vue calorique, ça revient au même.» Selon elle, la plus grande différence est surtout la chaleur du plat qui nous fait envie ou pas et le type de fibres que l’on ingère selon la cuisson de l’aliment.
D’autres recherches vont aussi dans ce sens, dont une, toute récente, publiée en avril 2022 dans la revue Appetite et qui évoque l’existence d’une forme d’intelligence nutritionnelle chez l’humain, qui irait inconsciemment chercher les nutriments dont il a besoin dans ses aliments selon son degré de fatigue, les besoins de son corps ou les saisons. Concrètement, cela pourrait signifier que l’être humain modifierait naturellement son alimentation pour pallier ses carences comme le font, par instinct, les animaux.
Selon une autre étude parue en 2016, il y aurait effectivement un lien entre les saisons et l’apport alimentaire des individus. Selon cette analyse, l’hiver est la saison où l’on observe habituellement une augmentation de l’apport calorique afin de contrer les pertes énergétiques. On observe aussi, pendant la saison froide, une consommation de fruits moins importante tandis que la consommation de légumes, d’œufs et de boissons alcoolisées serait augmentée. Ensuite, du printemps à l’été, la consommation de légumes serait à son maximum, mais la quantité de produits céréaliers serait diminuée. Puis, pendant l’été, la consommation de fruits et de grains céréaliers serait à son apogée.
La beauté d’un menu varié
Quoi qu’il en soit, on tient parfois cet aspect de notre alimentation pour acquis, mais certains pays où c’est l’été (ou l’hiver) à l’année ne connaissent pas cette variété dans leur assiette. C’est une chance que de pouvoir laisser notre menu s’inspirer de nos quatre saisons. Alors, maintenant, place aux plats réconfortants!