Hommage à la poutine
Du 1er au 7 février, tout le Québec est poutine pour La Poutine Week.
La poutine est une histoire d’amour la plupart du temps, de dégoût parfois. On a tous notre préférée (la classique ou la galvaude?) ou nos moments qui lui sont associés (l’après-ski ou la fin d’une soirée?). Les visiteurs repartent du Québec imbibés de son souvenir et propagent souvent la bonne nouvelle outre-mer. À travers la province, une semaine entière lui est même consacrée. Le moment est parfait pour se plonger dans l’univers de la poutine.
Environ 60 restaurants de Montréal, 80 établissements de Québec et une quinzaine en régions proposent leur poutine spéciale à l’occasion de La Poutine Week. L’idée derrière cet événement? Goûter notre plat national réinventé de mille façons, découvrir de nouveaux établissements et voter pour notre poutine préférée afin de consacrer l’établissement grand gagnant de l’année. Et impossible de nier l’engouement pour cette semaine qui prend plus d’ampleur à chaque édition. Na’eem Adam, cofondateur de l’événement, confirme que, «…certains [restaurants] ont même été à court de victuailles et [ont] réalisé des ventes record durant La Poutine Week!».
Futile, cette attention mise sur la poutine? Pas tant que ça.
Après avoir consacré un an de ma vie à l’écriture d’un livre de plus de 300 pages sur la pomme de terre, je peux dire que la patate, la frite, mais encore plus clairement la poutine font partie de notre histoire et de notre culture culinaire.
La naissance d’un plat
Malgré les recherches de l’historien Jean-Pierre Lemasson, impossible de trancher entre Le Lutin qui rit de Warwick ou Le Roy Jucep de Drummondville quand vient le temps de nommer le berceau de la poutine. Ce qui est certain, c’est que l’heureux mélange vient du Centre-du-Québec. Autour de 1960, on a eu l’idée de mélanger aux frites le fromage en grains produit localement. Pour garder ça au chaud plus longtemps, on y a ajouté une sauce. La poutine était née!
Cela prendra ensuite une trentaine d’années avant que les chaînes de restauration rapide se mettent à la servir. Puis sont nés des établissements et des chaînes entièrement consacrés à notre cher plat. Il n’y a qu’à penser à La Banquise ou à Poutineville à Montréal, aux nombreux restaurants Chez Ashton de Québec ou à Planète Poutine, née à Trois-Rivières.
Tour du monde
Nous en sommes la plupart du temps peu conscients, mais ce qui est fascinant avec notre poutine, c’est qu’elle séduit la planète entière. Sans exagérer.
D’abord, quand des journalistes internationaux viennent découvrir notre gastronomie, il leur est impossible de passer à côté de ce fameux plat. D’ailleurs, selon un rapport d’Influence Communication, la poutine est dans le top cinq des produits alimentaires québécois les plus cités à l’étranger.
Après s’être fait une place de choix au Canada (en 2008, le Globe and Mail a même affirmé que la poutine était LE mets national canadien), notre poutine s’est mise à conquérir les papilles du monde entier. Grâce à l’initiative de Québécois expatriés ou de visiteurs qui ont été charmés, le plat québécois est aujourd’hui servi dans une trentaine de pays. Bien sûr, on l’adapte puisque la plus grande difficulté, quand vient le temps de reproduire la poutine, est de trouver le fromage en grains unique au Québec. Mais des plats inspirés de la poutine et nommés ainsi sont proposés à Cuba, au Brésil, en Allemagne, en France, aux Émirats arabes unis, au Japon et en Australie, entre autres.
La poutine réinventée
Ici, au fil des ans, nous nous sommes assez approprié la poutine pour nous permettre de la réinventer. À travers le Québec, on la sert désormais végétarienne ou inversée, on y ajoute du foie gras, du homard ou des crevettes; les possibilités sont infinies.
On peut bien rire de notre plat qui a une drôle d’allure et qu’on peut trouver bien peu gastronomique. Pourtant, ne doutez jamais: la poutine fait partie de notre histoire. Elle témoigne de l’importance de la pomme de terre dans l’alimentation de nos ancêtres, elle parle de notre attachement aux casse-croûte qui jalonnent les routes de la province et elle raconte ce besoin de réconfort ressenti lors de nos longs mois d’hiver.
Un plat identitaire
Après tout, on trouve un peu de nous-mêmes dans une assiette de poutine. En 2014, une enquête psychosociologique non officielle à propos du mets disait: «La poutine est un plat qui s’inscrit très logiquement dans l’histoire du Québec et dans l’évolution de notre alimentation. La pomme de terre est très consommée ici depuis des siècles, et, étant donné notre identité plutôt nordique, nous sommes friands des plats en sauce», expliquait alors Bernard Aurouze, directeur du centre de recherche de l’Institut d’hôtellerie et de tourisme du Québec.
La poutine est tellement ancrée dans notre culture qu’elle se retrouve même dans nos films, chansons ou livres. Pensez à Danse la poutine de Omnikrom et à Hommage en grains de Mes Aïeux. Ou encore à des livres pour enfants comme La poutine de l’enfer ou La plus grosse poutine du monde.
C’est clair, notre poutine nous réconforte, est appréciée à travers le monde et est devenue, au fil des ans, un plat identitaire dont on peut être fiers.