Philadelphie par l’estomac
On croit parfois, à tort, qu’il faut aller loin pour découvrir de nouveaux horizons culinaires. Il y a quelques jours, mon long week-end à Philadelphie a prouvé tout le contraire.
À sept heures de route, ou 90 minutes de vol, grâce à la nouvelle liaison quotidienne directe entre Montréal et Philadelphie offerte par Air Canada (c’est d’ailleurs à l’invitation du transporteur que je m’y suis rendue), la ville de Pennsylvanie est surprenante de spécialités culinaires.
Quand on pense à un plat typique de Philadelphie, c’est le cheesesteak qui vient en tête la plupart du temps. On raconte que le sandwich, fait de minces tranches de bœuf et d’un pain croustillant, auquel on ajoutera du fromage provolone ou du Cheez Whiz (!), a été inventé par Pat Olivieri en 1930. Depuis, sa popularité ne se dément pas: à l’heure du lunch, les files d’attente se forment toujours devant les nombreux petits établissements qui le proposent. Mais l’attente se fait bien si on peut observer les grandes plaques où cuit la viande coupée et manipulée à toute allure.
Viennent ensuite les fameux bretzels, arrivés à Philadelphie avec les Allemands qui se sont établis dans la région au 18e siècle. Si les bretzels salés géants étaient autrefois servis durs, on les préfère maintenant plus tendres. À Philly, comme les habitués appellent affectueusement la ville, chaque kiosque de rue les offre. Pour faire comme les Philadelphiens, il faut les déguster avec de la moutarde.
Ce qu’on appelle là-bas «water ice», ou glace à l’eau, est la chose la plus rafraîchissante qu’un visiteur puisse déguster lors d’une chaude journée d’exploration. Ici, pas de produits laitiers: simplement de l’eau glacée accompagnée de sirop ou de vrais fruits. Le résultat est une glace délicate et très rafraîchissante. Les glaces à l’eau sont partout à Philly, et si les kiosques de rue proposent des saveurs traditionnelles comme citron ou fraise, certains établissements innovent avec des parfums comme orange sanguine et basilic, tomate, ou cappuccino.
Une visite à Philadelphie ne serait pas complète sans un arrêt au fascinant Reading Terminal Market, un immense marché couvert plus que centenaire. En plein cœur de la ville, on y trouve une ambiance effervescente et un joyeux mélange entre les marchands qui proposent des aliments frais et ceux qui offrent des plats cuisinés sur place à déguster au comptoir.
L’État de la Pennsylvanie est bien connu pour sa population amish venue d’Allemagne, d’Alsace et de Suisse, et qui aujourd’hui, installée non loin de la ville, conserve un mode de vie très simple à l’écart des avancées technologiques. La communauté, qui vit du travail de la terre et de l’artisanat, tient d’ailleurs des kiosques au Reading Terminal Market qu’il ne faut pas manquer. Leurs confitures, marinades et sauces sont réputées pour être délicieuses, mais l’endroit qui attire surtout les foules, c’est la Beiler’s Bakery, qui occupe un coin entier du marché. Les spécialités: la Shoofly pie, une tarte à la mélasse cuisinée par la communauté Pennsylvania Dutch, et les dizaines de choix de beignes faits à la main devant nos yeux. Ce n’est pas pour rien que 6000 à 7000 beignes sont vendus chaque jour par la Beiler’s Bakery: ils sont délicieux!
La Franklin Fountain, dans la vieille ville, n’a rien à envier à la Beiler’s Bakery: ici, tous les soirs, la file d’attente s’étire jusqu’à la rue et certains sont prêts à patienter près d’une heure pour ressortir avec un dessert. La fontaine dont il est question dans le nom, c’est celle qui permet de faire du soda maison et que les deux frères copropriétaires ont mis des mois à mettre au point. Un peu plus de 10 ans après l’ouverture des lieux, 25 saveurs de soda sont au menu et des spécialités jumèlent crème glacée maison et soda pour des desserts décadents.
Toutefois, quoi que délicieuses, il ne faut pas, à Philadelphie, se limiter à ces spécialités qu’on mange sur le pouce. Pour continuer à goûter les saveurs du coin, il y a plusieurs restaurants de qualité qui servent les aliments des producteurs environnants, épousant ainsi depuis quelques années la tendance de la ferme à la table, dont je vous parlais récemment. Dans ces endroits, on est fier de parler des fermes et des jardins installés non loin et qui fournissent les assiettes. C’est le cas par exemple de Talula’s Garden, de Fork, du High Street et de bien d’autres adresses en vogue. Toujours en mettant de l’avant la provenance, d’autres endroits font honneur aux produits de leurs voisins, comme au Luke’s Lobster, où on sert un lobster roll du Maine complètement décadent… et des crevettes de la Gaspésie!
Finalement, pour faire passer tout ça, il y a à Philadelphie une tendance en explosion: celle des beer gardens. On pourrait les définir comme étant des endroits extérieurs existant exclusivement en été et créés dans des endroits parfois inusités (sur le béton, entre des gratte-ciel du centre-ville par exemple). Aussi, les beer gardens se caractérisent par une ambiance décontractée et festive. Ici, on prend sa bière dans un hamac, sur une table à pique-nique ou entre les plantes, en jouant aux poches, à la pétanque ou à un jeu d’échecs géant.
Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es. N’est-ce pas la meilleure et la plus agréable façon d’apprendre à connaître une ville que de déguster ses spécialités?