D’où vient l’épluchette de blé d’Inde?
La tradition est bien ancrée dans les mœurs des Québécois qui, chaque année au mois d’août, se régalent d’épis de maïs et se rassemblent pour la classique épluchette de blé d’Inde. Mais d’où nous vient cet attachement à cette céréale, et comment en sommes-nous venus à éplucher nos épis en gang?
Le maïs est l’une des céréales les plus consommées au monde. Si les Sud-Américains le font griller ou en font de la farine, plus rares sont les peuples qui le dégustent frais et en épis, comme le font les Québécois. Ces derniers, d’ailleurs, en sont friands: dans la culture des légumes frais au Québec, c’est le maïs sucré qui occupe la plus grande superficie.
On compte à travers la province quelque 472 producteurs de maïs, dont la majorité écoulent les récoltes dans leur région, souvent dans des kiosques en bordure de route.
Un maïs historique
La présence du maïs en Amérique, qu’on considère parfois comme un légume, mais qui est en fait une céréale, ne date pas d’hier. Déjà, les autochtones d’Amérique du Nord consommaient ses grains en sagamité, un bouilli fait de maïs et de poisson ou de viande.
Et que dire du système agricole des «trois sœurs» privilégié par les Premières Nations, qui consistait à faire pousser en complémentarité maïs, haricots et courges? Le maïs servait de tuteur aux haricots qui fixaient l’azote, alors que les courges rampaient vers l’extérieur en repoussant les rongeurs grâce à leurs piquants et limitaient les mauvaises herbes grâce à leurs feuilles.
Le maïs a traversé les époques et conservé sa place jusqu’à aujourd’hui alors qu’il est essentiel à la préparation d’un de nos mets emblématiques: le pâté chinois. On estime d’ailleurs qu’on préparait déjà ce plat dans les années 1930… il y a de cela près d’un siècle!
Même le nom québécois de cet aliment parle de sa longue histoire. En effet, on raconte que c’est l’explorateur Christophe Colomb qui, découvrant du maïs cultivé aux Antilles alors qu’il se croyait en Inde, l’aurait ainsi baptisé. Le blé d’Inde était né et le terme, des siècles plus tard, est encore utilisé au Québec alors qu’il est considéré comme désuet en Europe.
Toutefois, selon l’Office québécois de la langue française, même ici, l’usage du mot blé d’Inde se trouve actuellement sur une pente descendante au profit du mot maïs, sauf quand on parle… d’épluchette de blé d’Inde!
Il était une fois… l’épluchette
On croit souvent que l’épluchette de blé d’Inde est une tradition typiquement québécoise, mais ce n’est pas le cas. En effet, deux manifestations, l’une américaine et l’autre française, s’apparentent aux épluchettes telles qu’on les connaît et pourraient avoir une origine commune avec elles. Selon Danielle Turcotte, directrice linguistique de l’Office québécois de la langue française, «l’activité existe en effet ailleurs, mais elle s’appelle autrement». En France, par exemple, on parle de «dépailloutage», «débourrage» ou «échenillage», mais on utilise plus souvent le terme «effeuillage».
Ici, les historiens estiment que c’est grâce à l’importance de la culture du maïs au Canada dès le début de la colonisation que la tradition de l’épluchette est apparue. Autrefois, une corvée était effectuée à la fin de l’été dans les villages afin d’éviter le gaspillage des récoltes; on se mettait alors à plusieurs pour éplucher et préparer le maïs qui serait conservé toute l’année. Dès 1866, on pouvait lire dans La Gazette des campagnes une description détaillée de la coutume du «dépouillement ou égrenage des épis». La tâche s’étalait alors sur plusieurs jours, alors que voisins et amis volontaires se donnaient rendez-vous autour d’impressionnants amas de maïs à éplucher.
Ces corvées se terminaient par des repas partagés et des soirées dansantes dans les maisonnées afin de remercier les participants. On dit même que l’événement permettait aux célibataires de croiser de nouvelles personnes… L’histoire raconte aussi qu’un épi de maïs rouge ou bleu était à l’époque dissimulé parmi les jaunes lors des épluchettes. La personne qui déballait le maïs coloré était proclamée roi ou reine de l’épluchette et obtenait le droit d’embrasser l’élu ou l’élue de son choix.
L’épluchette est passée d’une corvée obligée à un événement qui permet de se regrouper en famille ou entre amis autour d’un aliment de saison... au grand plaisir des Québécois!