Quand la cuisine permet l’intégration de réfugiés
Entre les nouvelles de conflits, de racisme et d’attentats, il est parfois bien de s’arrêter aux bons côtés de l’humain. Des initiatives visant l’intégration des réfugiés dans leur nouvelle communauté mettent de l’avant les facettes généreuses de ces citoyens. Et quand il est question d’ouverture à l’autre, la cuisine est un outil puissant.
C’est le texte (qu’il faut absolument lire!) Le design au service des réfugiés, écrit par ma collègue Emilie Laperrière et publié le mois dernier sur Avenues, qui m’a inspiré ce billet. Si les designers mettent leur travail au service des réfugiés, que font les acteurs du monde de l’alimentation pour proposer des solutions?
Eat & Meet
Dans son texte, Emilie parle notamment de Eat & Meet, qui s’est fait remarquer au concours de design Refugee Challenge. Jumelant design et alimentation, l'idée de ce projet est d'utiliser la nourriture pour favoriser les échanges entre les cultures. Imaginé par un groupe d’étudiants, dont certains sont originaires du Canada, Eat & Meet souhaite transformer des autobus en camions de rue dans lesquels les réfugiés pourraient cuisiner et vendre leurs plats traditionnels. À l’arrière, un espace permettrait les rencontres et le partage entre les différentes cultures.
RECHO
De son côté, Le RECHO (REfuge, CHaleur, Optimisme) est un camion de rue qui, lors de différentes missions en Europe, s’arrête dans des camps de réfugiés pour distribuer une cuisine végétarienne et pour offrir des ateliers culinaires où les gens de différentes origines partagent des recettes. Leur mission: créer des liens entre les populations locales et les migrants, et encourager l’insertion sociale par la cuisine, un important secteur d’emploi en Europe. Présentement, le RECHO prépare sa deuxième mission, en Belgique.
Refugee Food Festival
Après deux éditions en 2016, en France, le Refugee Food Festival passera à l’échelle européenne en juin 2017. Pendant quelques jours, des restaurants donnent la place à des chefs réfugiés d’Afghanistan, du Tibet ou de Syrie par exemple. Ceux-ci auront alors la chance de faire découvrir leur cuisine aux clients. Les objectifs de l’événement sont de changer le regard sur le statut de réfugié, d’offrir un tremplin aux chefs nouvellement arrivés en facilitant leur accès à l’emploi et de faire découvrir les cuisines d’ailleurs.
D'autres projets intéressants
À Paris, un service de traiteur, les Cuistots Migrateurs, ne travaille qu’avec des réfugiés. Les clients découvrent ainsi des plats du monde entier.
En Suisse, un livre publié en novembre dernier regroupe les meilleures recettes de réfugiés installés à Zurich. Résultat: au fil des 276 pages de La cuisine des réfugiés, on découvre des recettes au travers desquelles on rencontre aussi des familles du Sri Lanka, de Syrie et d’Afghanistan.
En Californie, le café 1951 Coffee Company vient d’ouvrir ses portes et n’emploie que des réfugiés venant de sept pays. Dans une Amérique où on tente de bloquer l’entrée des ressortissants de plusieurs coins du monde, l’initiative est pourtant fort bien accueillie. Depuis son ouverture, l’établissement est débordé.
Des initiatives canadiennes
Plus près de nous, à Moncton, au Nouveau-Brunswick, des femmes syriennes s’habituent à leur nouvelle vie et s’initient depuis quelques mois au fonctionnement des petites entreprises en cuisinant et vendant des mets traditionnels syriens. L’initiative vise à créer des contacts, à échanger avec la population locale et à offrir à ces femmes réfugiées une certaine indépendance.
À Toronto, le restaurant The Depanneur prête chaque semaine son espace cuisine à des réfugiées syriennes. Elles viennent y cuisiner pour leur famille et vendent les surplus en ligne. Chapeautée par l’organisme Newcomer Kitchen, l’initiative prend de plus en plus d’ampleur. Elle permet aux femmes de gagner un salaire en plus de créer des liens entre elles et avec la communauté d’accueil.
La cuisine, pouvoir universel
Les projets visant à rapprocher les communautés à l’aide de la cuisine sont assurément bien plus nombreux que ceux mentionnés. Tous prouvent que la cuisine a un pouvoir universel et qu’une histoire ou un langage communs ne sont pas nécessaires.
«La cuisine, c’est ce qu’il te reste quand tu as tout perdu. Qu’est-ce qu’on emporte avec soi quand on migre? Quelque chose d’intangible, de léger, qui est la cuisine. Rien ne traverse mieux le temps et l’espace», croit le Libanais Kamal Mouzawak, un chef qui a créé à Beyrouth Tawlet, un restaurant où se succèdent aux fourneaux des femmes de toutes origines.
Devant tant de politiques négatives, l’impact de ces initiatives n’est pas à sous-estimer. Et dans cette volonté de s’ouvrir aux autres, la cuisine peut faire beaucoup.