Quand notre assiette paye le prix
On parle beaucoup de l’augmentation du prix des aliments. Mais à quel point est-ce que nous nourrir est présentement plus dispendieux? Est-ce que cette inflation concerne tous les aliments? Mais surtout, quelles sont les raisons qui font que notre assiette coûte plus cher?
L’augmentation du prix des aliments n’est pas une illusion. Selon Statistique Canada, sur un an, entre le printemps 2021 et le printemps 2022, le coût de la vie en général aurait augmenté de 6,8%.
Les aliments, bien sûr, font partie du lot: au mois d’avril dernier, cela faisait cinq mois de suite que leur prix croissait selon une courbe jamais vue depuis 1981.
Toujours d’après Statistique Canada, la facture d’épicerie, qui compte pour environ 16% du budget moyen, était 9,7% plus élevée en avril 2022 que 12 mois plus tôt.
Selon les analystes, c’est pratiquement tous les aliments qui sont affectés par cette augmentation. Parmi les denrées qui ont été les plus touchées par cette croissance, on parle du bœuf, du poulet et du poisson frais ou surgelé, de la margarine, des condiments, des épices, des vinaigres...
Puis, entre décembre 2021 et mai 2022, on calcule que le prix des carottes a augmenté de 22%, que celui du brocoli a bondi de 19% et que le coût des pâtes et de la farine a augmenté de 13%.
Payer plus cher… pourquoi?
L’inflation est claire et marquée, mais les raisons qui la provoquent restent nébuleuses pour plusieurs. S’il est normal que les prix des aliments fluctuent selon les saisons et avec le temps, d’autres facteurs sont plutôt liés à l’actualité.
Statistique Canada explique les hausses actuelles par les perturbations continues qui affectent la chaîne d’approvisionnement, entre autres provoquées par la pandémie qui a pris d’assaut la planète en 2020 et qui a chamboulé l’économie mondiale.
On pointe aussi du doigt les conditions météorologiques et climatiques, dont l’augmentation du nombre d’inondations et de sécheresses, qui sont à l’origine de la hausse des prix des fruits frais et des produits de boulangerie. En effet, ces aliments sont directement dépendants du succès des récoltes.
Finalement, la guerre en Ukraine ajouterait elle aussi à la problématique en déséquilibrant les échanges mondiaux.
Malheureusement, les experts estiment que le prix de notre alimentation va continuer d’augmenter. Certains croient même que l’inflation vécue jusqu’à maintenant ne serait qu’un «pâle aperçu de ce qui est à venir». Toujours selon eux, le Québec et le Canada n’auraient que très peu, ou aucun contrôle sur cette augmentation des prix des biens de consommation en général puisque les facteurs qui la provoquent sont d’origine internationale.
L’alimentation locale en péril
De plus, si normalement les Québécois peuvent profiter d’un répit par rapport au coût des aliments locaux pendant l’été, ce ne sera pas le cas cette année. Les acteurs du milieu sont unanimes: les coûts de production agricole ont explosé.
Cela est dû à l’augmentation du prix du carburant qui alimente la machinerie agricole, encore plus marquée à cause de la guerre en Ukraine. Dans ce contexte, un producteur laitier et céréalier, par exemple, peut voir son coût pour le diesel augmenter de 10 000$ pour une saison. Il faut ajouter à cela les surcharges, aussi causées par le coût du diesel, demandées aux producteurs par les sous-traitants et les fournisseurs. Et c’est sans parler des charges supplémentaires pour les producteurs qui doivent se déplacer pour aller vendre leurs produits dans les grands centres.
De plus, les producteurs du Québec achètent pour la grande majorité leurs engrais azotés de Russie. Désormais, à cause des sanctions canadiennes, une surtaxe de 35% a été imposée sur ces engrais.
Il ne faut pas oublier non plus le coût de la main-d’œuvre, qui se fait rare, et qui a explosé, et ce, dans plusieurs secteurs.
Tous ces frais supplémentaires que doivent assumer les producteurs d’ici sont refilés aux consommateurs.
D’un autre côté, comme la pandémie, et depuis plus récemment la guerre en Ukraine, l’ont démontré, il peut être intéressant d’être moins dépendant d’acteurs internationaux pour arriver à se nourrir.
«Sans l’abandonner, il faut revoir la mondialisation de l’alimentation», affirme Sébastien Rioux, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie politique de l’alimentation et du bien-être. À titre d’exemple, on expose le fait qu’il n’est pas normal que malgré leur position géographique et les différentes saisons, les Canadiens et les Québécois consomment essentiellement les mêmes aliments tout au long de l’année, se fiant ainsi sur les chaînes d’approvisionnement internationales.
Chose certaine, la situation environnementale, la crise sanitaire et le climat politique actuels ont leurs conséquences directes dans nos assiettes, et donc, dans notre quotidien. Les dernières années, assurément, font bouger les pièces sur l’échiquier mondial. Reste à voir quelles nouvelles stratégies seront déployées.