17 mars 2016Auteure : Véronique Leduc

La cabane à sucre nouvelle

Tout peut se réinventer. Même la cabane à sucre, symbole par excellence des traditions québécoises printanières.



Depuis quelques années, certains proposent un nouveau visage de la cabane à sucre, tantôt urbain, tantôt gastronomique, et redonnent ainsi un nouveau souffle à une tradition saisonnière vieille de 200 ans.

«Une modification était nécessaire, pour ne pas rester figé dans un folklore», constate Philippe Mollé dans une chronique radio au sujet de ces nouvelles cabanes. Puisque, selon le journaliste, les Québécois sont «devenus plus critiques à l’égard des cabanes trop commerciales et de la nourriture qu’on y sert».

Pour expliquer le phénomène des cabanes à sucre nouveau genre, Philippe Mollé parle de «l’effet Martin Picard» en référence au chef du Pied de Cochon qui a ouvert une cabane à sucre gastronomique et décadente à Mirabel en 2009. C’est que le chef, qui jouit d’une popularité importante, y «a bousculé ce qu’on connaissait des plats de cabane à sucre en y ajoutant du foie gras» par exemple, et en améliorant la qualité des ingrédients utilisés.

C’est à partir de ce moment que plusieurs autres chefs auraient décidé de revisiter les classiques tout en conservant «l’image de la cabane».

La cabane à sucre Au Pied de Cochon, à Mirabel. Photo: Facebook Au Pied de Cochon
La cabane à sucre Au Pied de Cochon, à Mirabel. Photo: Facebook Au Pied de Cochon

Cabanes urbaines

Il y a d’abord les cabanes à sucre urbaines, qui poussent en ville comme des érables (!). Qui eut cru, il y a quelques années, que Tourisme Montréal allait proposer un palmarès de six cabanes à sucre urbaines à visiter en pleine ville! Même parmi elles, les styles sont nombreux. Il y a les brunchs du dimanche inspirés du temps des sucres aux restaurants Richmond, dans Griffintown, ou Landry & filles, en plein cœur du Plateau. Puis, il y a La cabane chez Jean au Chalet de la plage du parc Jean-Drapeau, pendant les week-ends. Il y a aussi, en mars, les cabanes éphémères des marchés, puis de la promenade Wellington à Verdun, nommée Panache et bois rond.

À Montréal, la plus grosse, et qui fait certainement le plus parler, est celle d’Un chef à l’érable, présentée à la Scena du Vieux-Montréal jusqu’au 17 avril pendant les fin de semaines. Depuis trois ans, l’excellent chef Laurent Godbout, du restaurant l’Épicerie, propose un menu chaque fois différent, inspiré de l’érable. La tradition des sucres y est à un tel point réinventée que cette année, le chef s’inspire des quatre coins du monde pour concocter ses plats! Ainsi au menu: soupe won ton aux grands-pères dans le sirop, egg rolls au smoked meat, huîtres gratinées au sucre d’érable, côtes de bison aux épices à tourtière sur polenta, biscuit géant chinois...

À Montréal, même les hôtels s’y mettent: le Fairmont Reine Elizabeth propose en mars et avril divers menus du temps des sucres dans ses restaurants.

Et ce n’est pas tout: les cabanes urbaines font désormais aussi leur place en dehors de la métropole. À Ville-Marie, au Témiscamingue, une cabane à sucre vient d’ouvrir en pleine ville.

Sur la Promenade Wellington, la cabane Panache & bois rond fait sensation. Photo: Facebook Promenade Wellington.
Sur la Promenade Wellington, la cabane Panache et bois rond fait sensation. Photo: Facebook Promenade Wellington.

Cabanes réinventées

Il y a ensuite les cabanes à sucre en région mais qui se différencient tout de même des établissements traditionnels.

Impossible, bien sûr, de passer à côté de celle du Pied de cochon qui, avec son menu gargantuesque, a même fait sa place dans le palmarès des 100 meilleurs restaurants au Canada!

Côté gastronomique, il y a La tablée des Pionniers, à Saint-Faustin-Lac-Carré, chapeautée par le chef Louis-François Marcotte, puis, la petite nouvelle: la Sucrerie du Domaine, à Chertsey, où tout est fait avec amour et avec des produits cultivés sur place, pour la plupart.

Même les végétariens ne sont plus en reste au printemps grâce à La Pause Sylvestre dans les Cantons-de-l’Est qui sert un menu exclusivement végétarien. Bines à base de haricots noirs, tourtière au millet, tarte aux haricots et choucroute y sont au menu.

Toute cette créativité nouvelle a un prix. Certaines des cabanes nouveau genre offrent leurs repas pour une soixantaine de dollars. Mais il faut penser alors qu’on paie pour une expérience, parfois de haut niveau gastronomique.

À travers cette vaste offre, il restera toujours les cabanes traditionnelles pour ceux qui sont attachés aux classiques. Mais, pour les palais à la recherche de nouveauté, le temps des sucres peut désormais être synonyme de surprises. Et peut-être la preuve que même les classiques qu’on croyait intouchables peuvent se réinventer.