Le retour du homard

Malgré la situation particulière que nous vivons, le printemps et les pêches continuent leur cycle habituel. Le homard, symbole fort de l’arrivée de la belle saison, pourra finalement se retrouver dans nos assiettes.

Certains ont eu peur que la saison de la pêche au homard soit annulée cette année, mais il n’en sera rien: elle n’aura finalement été que retardée de deux semaines à cause de la pandémie.

En effet, pour donner le temps aux acteurs de l’industrie de s’assurer que les opérations se feraient de manière sécuritaire et afin de permettre aux usines de transformation de s’adapter aux nouvelles normes sanitaires, la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, Bernadette Jordan, avait annoncé en avril le report de la saison.

Les pêcheurs de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine et de l’Est du Canada ont aussi pris le temps de s’assurer de certaines conditions avant de se lancer. La pandémie a ses conséquences partout et à la mi-mars, en Nouvelle-Écosse, le prix était descendu à moins de 3$ la livre, soit moins que la moitié du prix reçu par les homardiers québécois en 2019. La fermeture des restaurants et l’effondrement de l’industrie touristique affectent certainement l’industrie du homard, qui repose en grande partie sur les marchés d’exportation.

Mais finalement, même si les 550 pêcheurs de homard du Québec attendent encore des réponses claires et espèrent une aide gouvernementale, certaines ententes ont été conclues et les travailleurs de l’industrie de la Gaspésie, par exemple, lancent la saison le 9 mai.

Ainsi, pour quelques semaines, le crustacé tant apprécié se retrouvera finalement bel et bien sur les étals des marchés du Québec, offrant aux consommateurs une savoureuse façon de «manger local».

À lire aussi:

Une femme de rêve, Dominique Sylvain

Une femme de rêve, c’est l’histoire de quatre femmes, d’un truand sans remords, d’un policier obsédé par la vengeance… et d’une femme de rêve.

Dominique Sylvain est, selon moi, l’une des meilleures auteures de polar francophone. Dans une classe à part, elle cumule un succès constant auprès des exigeants lecteurs de romans noirs. Depuis le début de sa carrière d’écrivaine, cette journaliste a développé une œuvre romanesque riche et variée.

Elle a d’abord écrit des romans sériels autour de personnages récurrents. Je souligne de façon toute particulière la série «Lola Jost et Ingrid Diesel», ce duo improbable d’une commissaire bourrue à la retraite et d’une spectaculaire et sculpturale Américaine, massothérapeute le jour et effeuilleuse renommée le soir venu. Leur amitié complice, les dialogues savoureux et l’ambiance familiale du quartier parisien du Marais expliquent le succès de cette série.

Depuis quelques années, Dominique Sylvain s’est tournée vers l’écriture de romans uniques, peut-être un peu plus noirs, mais diablement réussis. Une femme de rêve fait partie des œuvres qui marqueront positivement la carrière de l’auteure.

Une femme de rêve

Charles Karmia est le roi de la prison. Braqueur légendaire, défiguré par une balle qui lui a emporté la moitié de la mâchoire, il rêve de liberté, et surtout, de retrouver la femme qu’il a toujours aimée. L’occasion se présente, ou plutôt, il crée l’occasion. Pendant un cours sur le film Blow up, il prend l’animatrice de l’activité en otage et s’évade en hélicoptère. Commence alors une cavale qui tournera autour de quatre personnages féminins.

La femme qui l’obsède, Laurence, son ex, celle qu’il veut absolument rejoindre. Elle, terrée dans sa maison de campagne, craint cette rencontre inéluctable. Et la violence qui peut surgir.

Adèle, l’animatrice du cours d’interprétation cinématographique, la femme qui a été son passe-partout pour quitter la prison, devient un boulet à trainer en cavale, mais dont il refuse de se débarrasser.

Il y a aussi Nico, celle qui a planifié l’évasion paternelle et qui rêve de retrouver une vie avec son père. Avec ses tendances à la « Lisbeth Salander», cette youtubeuse environnementaliste sera toujours engluée dans son désir de se rapprocher, de se faire aimer par son père et de revivre une vie familiale avec sa mère.

Enfin, il y a Séverine, la dernière victime de Karmia, abattue lors de son dernier braquage, immobile sur son lit d’hôpital, dans le coma depuis 14 mois. Son coéquipier, le flic démissionnaire Schrödinger, la protège, en attente d’un possible réveil. Il est prêt à tout pour la venger.

Une histoire parallèle

Déjà, cette cavale d’un truand sans limites créerait un excellent roman: une intrigue bien tissée, des personnages superbement campés et une montée de tension en intensité. Tous les ingrédients sont présents pour satisfaire le lecteur. Mais, pour notre plus grand plaisir, l’auteure ajoute à la complexité de l’histoire un récit onirique, des chapitres nous racontant l’arrivée d’une femme dans un village très particulier (un village qui m’a rappelé l’excellente série «Le Prisonnier» avec Patrick McGoohan).

Sous le nom de «L’Élue», cette femme est parachutée dans un village aux allures de paradis terrestre. Elle ne sait pas qui elle est, ni ce qu’elle fait dans ce village où les gens parlent une langue qui lui est inconnue. On lui recommande de lâcher prise, d’accepter son sort et d’éviter de rechercher sa véritable identité. Le bonheur est ici, pas ailleurs.

Et nous voilà happés par une histoire parallèle où l’imaginaire d’une écrivaine nous transporte ailleurs, mais en laissant transparaitre le message que oui, il y a un lien entre ce village paradisiaque et la cavale d’un violent truand. Qui est cette femme? Quel est le lien entre elle et l’évasion de Karmia? Quel est l’enjeu de retrouver sa véritable identité?

Un roman unique

Voici donc un roman pas comme les autres! L’auteure déconstruit le genre, dépasse les codes et nous offre un moment de lecture saisissant. Ici, l’important ce n’est pas le criminel, même s’il prend beaucoup de place; dans ce roman, les victimes sont au cœur de l’intrigue. Trop facile de découvrir qui est le coupable. Dans Une femme de rêve, le plaisir est de découvrir qui est la victime.

Toutes les femmes de l’histoire recherchent leur identité propre malgré Karmia qui, lui, veut les déposséder de leur être profond. Un dilemme bien actuel!

Dominique Sylvain possède une plume toute en nuances, efficace et capable de dépeindre la violence, l’amour ou l’expression d’une amitié indéfectible. Le contraste entre le rêve (ou le cauchemar) de cette femme et la réalité nous offre un roman passionnant, original et déconcertant.

Dominique Sylvain mélange les genres, nous charme avec une écriture sensuelle et contrastée et nous raconte les sombres pensées de la nature humaine. Une femme de rêve est un roman qui marque un tournant dans la carrière de cette écrivaine.

Dominique Sylvain, une femme, une auteure qui rêve d’une littérature différente, pour ses lecteurs exigeants. À lire et à découvrir.

Bonne lecture!

Une femme de rêve, Dominique Sylvain. Éditions Viviane Hamy, 2020. 290 pages.

Un musée en spirale en Suisse

La prolifique firme d’architecture BIG vient de mettre la dernière touche au musée atelier Audemars Piguet en Suisse. Fidèle à ses habitudes, Bjarke Ingels propose un bâtiment surprenant, dont la structure en spirale semble sortir lentement du sol.

C’est dans le petit village de Le Brassus, qui compte moins de 1500 âmes, que le pavillon en verre se situe. Ce dernier vient compléter le plus ancien bâtiment de la maison d’horlogerie suisse, où Jules Louis Audemars et Edward Auguste Piguet ont fondé leur atelier en 1875.

Le pavillon de verre s’élève du sol le long d’une rotation dans le sens des aiguilles d’une montre (une ode à son propriétaire, sans aucun doute). Photo: Iwan Baan

La structure de plus de 25 000 pieds carrés s’élève du sol le long d’une rotation dans le sens des aiguilles d’une montre (une ode à son propriétaire, sans aucun doute). Les murs en verre incurvé supportent le toit en acier alors qu’un treillis en laiton perforé permet de réguler la lumière. Le toit vert, de son côté, absorbe l’eau tout en intégrant l’édifice au paysage.

Une fois le seuil franchi, les visiteurs suivent un parcours, en spirale lui aussi, qui leur donne un peu l’impression de se déplacer à l’intérieur d’une montre. Les planchers s’adaptent au terrain naturel, montant et descendant jusqu’au cœur du bâtiment. Là se trouve la pièce maîtresse, la salle d’exposition, qui renferme 300 montres de l’entreprise et couvre plus de 100 ans d’histoire.

La salle d’exposition renferme 300 montres de l’entreprise et couvre plus de 100 ans d’histoire. Photo: Iwan Baan

L’espace compte aussi deux ateliers spécialisés. L’un est consacré aux Grandes Complications — ces montres, composées de plus de 648 composants, qui passent de six à huit mois entre les mains d’un seul horloger lors de leur fabrication. L’autre accueille les métiers d’art, qui présentent les œuvres de bijoutiers, de joailliers et de graveurs hautement qualifiés. Les visiteurs peuvent d’ailleurs y observer le personnel d’Audemars Piguet au travail.

L’espace compte aussi deux ateliers spécialisés. Photo: Iwan Baan

Le musée devrait ouvrir ses portes au public le 25 juin prochain, mais dans les circonstances actuelles, seul le temps nous dira si ce sera possible.

Moutardes d’ici

L’autosuffisance et l’alimentation locale sont présentement sur toutes les lèvres. Quand on s’y penche de plus près, on peut être agréablement surpris de la provenance de certains aliments que l’on imaginait venir d’ailleurs. Saviez-vous par exemple que le Canada était le plus grand producteur de graines de moutarde au monde?

On associe souvent la moutarde à la ville de Dijon, en France, mais pourtant, le Québec produit de la moutarde d’excellente qualité, souvent avec des produits qui viennent du Canada.

En effet, le pays est le plus important producteur de graines de moutarde au monde, offrant la matière première nécessaire à la fabrication de ce condiment parmi les plus utilisés sur la planète.

Le pays est aussi le plus important exportateur de graines de moutarde. Par exemple, en 2017, le Canada aurait vendu l’équivalent de 120 millions de dollars en graines de moutarde à l’étranger, autant des graines de moutarde jaune pour faire ce qu’on appelle la «moutarde baseball», comme la French’s, que des graines de moutarde brune pour faire la Dijon, comme la Maille. C’est d’ailleurs pour cette raison que – surprise! – presque chaque fois que vous dégustez de la moutarde, vous encouragez les producteurs de chez nous.

Plusieurs artisans québécois, dont Maison Orphée, produisent leurs propres moutardes. Photo: Facebook Maison Orphée

Pour encore plus d’autosuffisance, plusieurs artisans québécois produisent leurs propres moutardes, qui peuvent présentement être commandées en ligne. C’est le cas entre autres de Gourmet Sauvage, Joe Beef et Maison Orphée.

Il est parfois plus simple qu’on le pense de remplir notre panier d’aliments d’ici!

La Tablée des Chefs: quand l’entraide nourrit

Plusieurs belles initiatives naissent de la situation difficile qu’est la pandémie. Comme celle imaginée par La Tablée des Chefs, qui met à profit son expertise pour nourrir ceux que la crise affecte.

L’organisme, qui en temps normal, et depuis 2012, a pour mission de nourrir les gens dans le besoin et de développer l’éducation culinaire des jeunes, a décidé dès le début de la crise de s’impliquer, notamment en récupérant les invendus des restaurants, qui se sont vus obligés de fermer leurs portes en mars.

Depuis, La Tablée des Chefs s’est organisée pour préparer des repas, en collaboration avec l’Association Restauration Québec, afin de garnir les réserves des banques alimentaires du Québec. Ces dernières connaissent présentement des besoins criants et sont durement touchées par la crise alors qu’elles sont davantage fréquentées.

Devant la popularité de l’initiative, nommée Cuisines solidaires, et les nombreuses offres d’aide venant d’une centaine de chefs réputés comme Ricardo, John Winter Russell, Jérôme Ferrer et Stefano Faita, et de leurs équipes, l’organisme est finalement passé dans les derniers jours d’un objectif de 800 000 repas au double, soit à 1,6 million de repas préparés.

De grandes chaînes de restauration telles que Saint-Hubert et Normandin, ainsi que l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, puis les Canadiens de Montréal, entre autres, embarquent aussi dans l’aventure, en plus d’entreprises qui fournissent des aliments, comme IGA.

Préparés à Montréal dans les cuisines de l’hôtel Reine Elizabeth et à Québec dans celles du Château Frontenac, qui sont prêtées pour l’occasion, les repas sont prévus pour trois semaines à partir du 13 avril, avant que la situation soit de nouveau réévaluée.

Le milieu de la restauration est présentement lui-même fortement affecté par la crise, mais qu’à cela ne tienne: ses membres ont décidé de s’unir pour nourrir ceux qui en ont besoin présentement.

Il est possible de faire un don en argent ou de donner de son temps à La Tablée des Chefs.