Précieux gingembre d’ici

Il est un classique des plats asiatiques, des smoothies et des biscuits, et on le recommande en infusion pendant la saison froide puisqu’on lui prête plusieurs bienfaits pour la santé. S’il vient la plupart du temps d’Asie du Sud-Est, il est désormais possible de s’en procurer venant du Québec, et ce, même si la mission semblait impossible il y a quelques années à peine. Place au gingembre québécois!

Le gingembre, qui signifie «en forme de corne», est en fait composé des racines d’une plante, ou des rhizomes. Ce sont ces derniers qui sont cuisinés. La plante ancienne est consommée depuis avant Jésus-Christ et est désormais connue à travers le monde. Mais l’histoire du gingembre québécois, elle, est toute nouvelle.

En 2017, deux fermes biologiques, une en Outaouais et l’autre dans les Laurentides, cultivaient le gingembre. Le succès est là et c’est confirmé: il est possible de cultiver ici la plante exotique. En 2021, on comptait une dizaine de fermes productrices de gingembre, et la demande continue d’augmenter chaque année de la part des clients qui le trouvent dans les paniers fermiers ou dans les marchés à l’automne.

On a longtemps cru qu’il était impossible de faire pousser du gingembre au Québec puisqu’il faut à la racine une dizaine de mois pour arriver à maturité. Mais on a constaté, à la Ferme aux petits oignons, à Mont-Tremblant, l’une des premières à produire du gingembre local, que sa culture était possible sur une période de sept mois. Ainsi, on le part à l’intérieur, puis en serre, avant de le récolter, en septembre. La différence? Sa peau dure n’est pas formée, et c’est pourquoi il faut congeler la racine tendre pour la conserver. Celui qu’on appelle donc souvent «bébé gingembre» est rosé, plus tendre, plus juteux, moins fibreux et moins amer que le gingembre venu de l’autre bout du monde.

Pour ceux qui veulent l’essayer, on dit qu’à la maison, sa culture est assez simple, et ce, même en pot pendant la saison froide. Il suffira de planter les rhizomes achetés à l’épicerie et de suivre quelques conseils simples.

Ensuite, pour conserver ses récoltes à l’année, il suffit de congeler la racine et de la râper lorsqu’on en a besoin. Voilà la recette pour un peu d’exotisme à l’année!

Habiter le lieu: Pierre Thibault se raconte

Jusqu’au 5 novembre, l’exposition Habiter le lieu, à la fondation Grantham, dans la municipalité de Saint-Edmond-de-Grantham, vous invite à découvrir l’univers de Pierre Thibault, l’une des figures de proue de l’architecture québécoise, qui fait le pont entre le paysage et l’humain.

Quiconque s’intéresse un tant soit peu à l’architecture connaît Pierre Thibault. Depuis plus de 30 ans, il embellit la province sans la dénaturer en concevant des maisons et des installations qui s’intègrent doucement dans leur environnement.

La Fondation Grantham, dans la municipalité de Saint-Edmond-de-Grantham. Photo: courtoisie Pierre Thibault

On lui doit notamment la résidence des stagiaires et le Grand Hall aux Jardins de Métis, le Grand Marché de Québec, l’Abbaye Val Notre-Dame ou le collège Sainte-Anne. Plusieurs maisons, qui ne font qu’un avec la nature, portent aussi sa signature aux quatre coins du Québec.

Maquette de la Fondation Grantham. Photo: Edgar Fritz

La Fondation Grantham, également réalisée par l’Atelier Pierre Thibault, constituait l’écrin idéal pour accueillir l’exposition Habiter le lieu. Imaginé comme «un volume perché dans la forêt», le bâtiment dialogue avec son environnement. La facture sobre de l’espace baigné de jeux d’ombre et de lumière met en valeur la démarche créatrice de l’architecte.

L'exposition présente des dizaines de maquettes, des carnets de croquis, des dessins ainsi que des photos. Photo: Pierre-Ulric Gagné

On y retrouve des dizaines de maquettes, des carnets de croquis, des dessins ainsi que des photos de ses installations éphémères et de ses maisons, dont celle de la Fondation Grantham et celle des Abouts (en quelque sorte la grande sœur de la Fondation, sise sur le même terrain).

Maquette des Abouts. Photo: Edgar Fritz

L’ensemble permet de lever le voile sur son travail. On prend par exemple plaisir à feuilleter les carnets de croquis, peaufinés à l’aquarelle, qui illustrent l’évolution d’un projet.

L'exposition permet de lever le voile sur le travail de Pierre Thibault. Photo: Pierre-Ulric Gagné

La commissaire Lesley Johnstone et Pierre Thibault ont aussi fait une place à l’avenir de la profession: les étudiants de l’École d’architecture de l’Université Laval ont conçu une installation qui présente leur vision de l’architecture à venir à l’extérieur du pavillon. Une série d’activités complémentaires accompagne en outre l’exposition.

Pour réserver votre billet gratuit ou en savoir plus sur les activités au courant des prochaines semaines, il suffit de suivre ce lien.

Le portrait, Suzanne Aubry

Dès la lecture des premières pages du plus récent roman de Suzanne Aubry, Le portrait, on pourrait penser que l’auteure de la série Fanette nous replonge dans une autre saga historique. Mais très rapidement, l’histoire nous plonge dans un thriller psychologique terriblement efficace. Pour ses premiers pas dans le polar, l’auteure a pris le risque de se lancer dans un tout nouveau genre et c’est avec talent qu’elle a relevé le défi.

Clémence Deschamps est jeune enseignante dans un village au nord de Montréal. Son destin est tout tracé. Devant elle se dessine sa vie dans cette petite école de rang du village de Saint-Hermas, le célibat obligé pour une institutrice et la monotonie des jours qui passent. Rien de passionnant à l’horizon. Chaque jour ressemble au précédent et le prochain sera pareil aux autres. Comme toute jeune, elle rêve à un ailleurs plus stimulant, à un avenir plus lumineux.

En parcourant un journal trouvé chez son oncle, son regard est attiré par une annonce: un veuf d’Outremont est à la recherche d’une gouvernante pour son fils de douze ans. Voici l’occasion rêvée de se retrouver dans la grande ville et de s’investir totalement dans l’éducation d’un jeune élève.

Elle obtient le poste et s’installe dans cette maison, tellement différente de ce qu’elle a connu. Le docteur Levasseur est un être froid, distant, exigeant et intimidant. Le garçon, Tristan, dépérit depuis la mort de sa mère. L’homme à tout faire et la cuisinière complètent le tableau des personnes qui gravitent autour du médecin et de son fils.

Une complicité se crée rapidement entre l’enseignante et son élève. Cependant, des événements étranges se produisent, des appels à l’aide viennent perturber la gouvernante. Il se passe quelque chose dans cette maison qui plongera la jeune femme au cœur d’un mystère inquiétant. Et la nuit, une apparition énigmatique hante le jardin de la propriété et provoque des réactions bizarres chez l’adolescent.

La maison semble animée par un souffle, un esprit bien particulier. Personnage important de l’histoire, elle possède un cœur qui ne bat plus: un tableau trônant en son centre représentant une femme mélancolique. De ce portrait de Jeanne Levasseur, l’épouse du médecin et la mère de Tristan, se dégage une tristesse accablante et résignée.

D’où viennent cette douleur et cette peine qui transcendent ce tableau? C’est dans l’histoire de cette famille que la jeune enseignante trouvera les réponses.

Il y a vingt ans vivaient dans cette maison les jumelles Isabelle et Jeanne Valcourt avec leurs parents. Un jeune homme s’incruste dans la famille. Habilement, il fait sa place auprès de Jeanne. L’étudiant en médecine prend tous les moyens pour se rapprocher de la jeune fille, la marier et faire le vide autour d’eux. Et là, graduellement, on découvre les ficelles que le jeune médecin a tirées pour devenir l’incarnation de la cruauté, le maître de l’intimidation et l’architecte d’un plan perfide.

Et voilà toute la force de ce roman! Suzanne Aubry tricote son intrigue une maille à la fois, aucune n’est laissée au hasard. Le plan est machiavélique, bien construit, et chaque pièce s’intègre parfaitement. Le récit est au diapason de la méchanceté du personnage. Pas de course effrénée, juste une lenteur calculée, insidieuse, des pièces mystérieuses qui s’imbriquent pour capter l’attention du lecteur et le maintenir scotché à l’intrigue. Et bien sûr, quelques bouleversements bien dosés et crédibles qui donnent du punch à l’histoire et qui préparent une finale à la hauteur du récit.

Suzanne Aubry est très habile à utiliser le contexte historique pour enrichir son récit, et surtout, pour plonger son lecteur dans l’ambiance de l’époque. Sans être didactique, elle réussit à décrire l’atmosphère des années 1930 et les techniques d’intervention en santé mentale de «l’asile» (tel qu’on le nommait à l’époque) Saint-Jean-de-Dieu, au début du 20e siècle. On prend alors conscience du chemin parcouru dans les traitements en santé mentale et de la rigueur des diagnostics. Intéressant, passionnant et très instructif!

Finalement, je me dois de souligner la qualité de l’écriture de Suzanne Aubry. Elle nous offre une langue nuancée, précise et chargée d’émotions, des dialogues crédibles et un style soigné, sans être ampoulé. Une lecture fluide au service d’une histoire prenante, une délicatesse des mots pour illustrer la cruauté humaine.

Cette première incursion dans le monde du polar est concluante. Tous les ingrédients sont présents pour satisfaire l’amateur: un mystère bien dosé, un personnage diabolique, une intrigue bien campée.

L’ambiance créée par l’auteure, la description de ce monde feutré des années 1930, donnera au lecteur et à la lectrice de romans historiques la tentation de se plonger dans ce thriller psychologique d’époque.

Polar ou roman historique, laissons de côté les étiquettes, Le portrait est un très bon roman qui raconte une histoire prenante, vécue par des personnages attachants, un méchant bien crédible et une époque pas si lointaine mais quand même bien différente. À découvrir!

Bonne lecture!

Le portrait est un très bon roman qui raconte une histoire prenante, vécue par des personnages attachants, un méchant bien crédible et une époque pas si lointaine mais quand même bien différente.

Le portrait, Suzanne Aubry. Éditions Libre Expression. 2023. 286 pages

L’aronia, un petit fruit local à apprivoiser

Amélanche, camerise, chicoutai, sureau… On entend davantage parler de la variété des petits fruits du Québec depuis quelques années, mais il en reste encore à découvrir. En septembre, place à l’aronia!

Toutes les sources parlent de l’arbre dans lequel pousse l’aronia comme d’un arbre «très rustique» supportant des températures pouvant aller jusqu’à – 35 °C, et poussant dans les marécages et clairières des forêts boréales québécoises.

C’est pourquoi il est connu depuis longtemps par les Premières Nations, qui l’utilisaient autant en cuisine que comme médicament. En effet, on prête au petit fruit noir de la grosseur d’un bleuet des propriétés curatives intéressantes. De plus, l’aronia serait trois fois plus riche en vitamine C que l’orange! D’ailleurs, dans le domaine pharmaceutique, l’aronia suscite de l’intérêt.

Malgré ses atouts, l’aronia est encore peu cultivé au Québec. Photo: Facebook Aronia superfruits

Puisque, selon plusieurs, son goût est un peu fade, on gagne surtout à cuisiner l’aronia: pour accompagner des viandes, en sirops, confitures ou gelées ou, en l’ajoutant, séché, à des granolas.

Malgré ses atouts, l’aronia est encore peu cultivé au Québec. Ainsi, puisqu’il est peu connu, on le trouve surtout congelé.

Mais les choses pourraient changer puisque les quelques producteurs que compte le Québec travaillent à le faire découvrir et cherchent à le promouvoir auprès des restaurateurs, par exemple.

Voilà un nouvel aliment local à apprivoiser!

Centre culturel Dar Al Maghrib: un coin du Maroc à Montréal

Plus de 100 000 personnes d’origine marocaine vivent au Canada, dont environ 81 000 au Québec. L’architecture du pays au couchant lointain se fait discrète en sol canadien, mais saviez-vous qu’on en retrouve néanmoins un joyau à Montréal? Visite des lieux.

De l’extérieur, le 515, avenue Viger Est n’attire pas le regard. La façade sobre de l’édifice datant des années 1960 s’enjolive uniquement du logo du Centre culturel marocain Dar Al Maghrib, et celui-ci ne fait pas dans le clinquant.

De l’extérieur, le 515, avenue Viger Est n’attire pas le regard. Photo: capture d'écran, Google Street View

Une fois le seuil franchi, on entre toutefois dans une oasis chaleureuse, colorée et vivante. On doit cet aménagement intérieur à la firme montréalaise ACDF, qui a réussi à marier les traditions marocaines et le modernisme québécois.

La firme montréalaise ACDF a réussi à marier les traditions marocaines et le modernisme québécois. Photo: James Brittain Photography

Les architectes ont rénové de fond en comble le bâtiment de quatre étages en 2012. Les changements à l’enveloppe sont minimes, mais bienvenus: la lumière naturelle entre désormais à flots.

La lumière naturelle entre à flots depuis les rénovations du bâtiment, en 2012. Photo: James Brittain Photography

L’intérieur, méconnaissable, s’inspire du riad, la maison traditionnelle marocaine. Cette habitation a la particularité de s’ouvrir sur un jardin central. Selon les concepteurs, l’espace ouvert au cœur du bâtiment définit ici le complexe. Le grand hall sur deux étages ainsi formé mène aux différentes fonctions, qu’il s’agisse des salles multifonctionnelles, de la bibliothèque de 12 000 volumes, de l’espace d’exposition ou des salles de classe.

Les mosaïques de céramique, appelées zelliges, volent la vedette. Photo: James Brittain Photography

Ce sont néanmoins les mosaïques de céramique, appelées zelliges, qui volent la vedette. Les petits morceaux décoratifs ont été fabriqués au Maroc avant d’être posés de main de maître par une douzaine d’artisans en visite. Les couleurs changent au gré des étages. On retrouve aussi le moucharabieh (un concept de ventilation qui filtre la lumière) dans une facture contemporaine, ici en aluminium perforé.

Les petits morceaux décoratifs ont été fabriqués au Maroc avant d’être posés de main de maître par une douzaine d’artisans en visite. Photo: James Brittain Photography

Les motifs de fleur de lys et de feuille d’érable côtoient les formes traditionnelles marocaines et l’imposant escalier en érable du Québec contraste joliment avec la délicatesse des céramiques. L’ensemble crée un dialogue entre les deux cultures.