Une «gare dans la forêt» en Chine

En réimaginant la gare de Jiaxing, originalement construite en 1907, puis rénovée en 1995, la firme MAD Architects a habilement tissé ensemble le passé, le présent et l’avenir de la ville chinoise. Les concepteurs espèrent ainsi relancer un quartier mal-aimé.

Vue d’en haut, la nouvelle station de train de Jiaxing ressemble au futur tel qu’on l’imaginait au 20e siècle: les vastes structures sphériques semblent flotter au-dessus du site, un peu comme des soucoupes volantes. L’image cadrerait bien dans la série animée Les Jetsons.

Vue d’en haut, la nouvelle station de train de Jiaxing ressemble au futur tel qu’on l’imaginait au 20e siècle. Photo: CreatAR Images

Au-delà de son allure avant-gardiste, le projet rend hommage à l’histoire de la ville. La gare centenaire, qui avait été détruite quelques décennies après son érection, a été reconstruite grâce à l’analyse de nombreuses données. Les 210 000 briques rouges et vertes utilisées se composent par exemple de boue locale, provenant principalement du lac voisin.

La gare centenaire, qui avait été détruite quelques décennies après son érection, a été reconstruite grâce à l’analyse de nombreuses données. Photo: CreatAR Images

Les nouveaux quais, les halls d’attente et les autres espaces du complexe sont presque entièrement enfouis sous terre. Malgré tout, la lumière entre à flots. Leur toit en métal et leurs façades de verre contrastent d’ailleurs joliment avec la brique.

Les nouveaux quais, les halls d’attente et les autres espaces du complexe sont presque entièrement enfouis sous terre. Photo: Aogvision

La gare offre également une oasis de verdure aux citadins. Les architectes ont agrandi le parc abandonné qui se trouvait au nord du terrain. Les espaces verts relient désormais la gare au parc ainsi qu’à un nouveau, aménagé au sud. Plus de 1500 arbres, dont des cerisiers, des hêtres et des érables, ont été plantés. En grandissant, leur ombre créera un auvent naturel sur la place publique devant la gare. La pelouse au centre servira pour sa part de lieu pour des événements en plein air.

La gare offre également une oasis de verdure aux citadins. Photo: Su Shengliang

La gare, qui comprend trois quais et six lignes, devrait accueillir 5,28 millions de passagers par an d’ici 2025.

Les yeux de Mona de Thomas Schlesser

À une époque où des contestataires arrosent les œuvres d’art les plus connues avec de la soupe aux tomates, j’avoue que le premier roman de Thomas Schlesser redonne une place privilégiée à une tout autre fonction de l’art, la transmission intergénérationnelle d’une faculté essentielle: l’émerveillement. Historien de l’art, l’auteur, ayant déjà écrit un essai au titre évocateur de Faire rêver, nous présente ce premier roman où les tableaux, sculptures et autres installations deviennent prétextes à l’apprentissage de règles de vie. Les yeux de Mona, quand l’art passe par la littérature pour nous faire rêver!

Dès la première page, le grand-père en moi est charmé par la dédicace: « Pour tous les grands-parents du monde.» L’auteur base son roman sur la relation privilégiée entre un grand-père et sa petite-fille.

L’histoire commence par un événement dramatique qui ébranle la petite Mona, 10 ans, et toute sa famille. Pendant qu’elle faisait ses devoirs, la petite perd soudainement la vue. Tout devient noir, cécité complète, Mona est aveugle. Pendant 63 minutes! Et puis, c’est le retour progressif de la vue. Les formes, les couleurs, les nuances reviennent, mais la crainte d’un retour permanent de cette noirceur angoissante s’installe.

 

Branle-bas de combat à l’hôpital, on essaie de trouver l’origine de cette heure de cécité. Le docteur Van Orst donne un premier diagnostic: accident ischémique transitoire. En mots plus simples, les organes ont été privés de sang pendant un certain moment. Mais la question demeure: pourquoi est-ce arrivé, quelle est la cause? Ce médecin suivra la petite, mais il suggère aux parents de lui faire voir un pédopsychiatre.

C’est ici que ce grand-père anticonformiste, doté d’une culture digne d’un triple doctorat en histoire de l’art, suggère à la petite Mona une alternative originale à des visites chez un psychiatre. Chaque semaine, ils consacreront une heure à admirer, à s’émouvoir et à comprendre une œuvre marquante. 52 semaines et 52 œuvres pour permettre aux yeux de Mona, si un jour ils s’éteignent, d’emmagasiner la beauté, les couleurs et les formes que les grands artistes ont laissées à l’humanité. Tous les mercredis après-midi, au lieu d’aller en consultation, grand-papa et Mona parcourront les couloirs du Louvre, du musée d’Orsay et de Beaubourg (Centre Pompidou).

Quel programme! Qui charmera vraiment Mona, mais aussi le lecteur ou la lectrice qui les accompagnera. Les 52 chapitres sont construits de la même manière, mais le rythme est maintenu et soutenu.

Dans la première partie, la plus romanesque, on assiste à la vie quotidienne de la jeune Mona: rendez-vous médicaux, évolution de la maladie, mais aussi les hauts et les bas d’une préado avec ses parents, avec ses amies à l’école et les souvenirs qui lui reviennent de sa grand-mère décédée.

Dans la deuxième partie, nous nous retrouvons sur le chemin qui mène au musée. Petite mise en situation, réflexion du grand-père et surtout, nous sommes témoins de la tendre démonstration de la complicité entre la petite et son «Dadé». C’est ainsi qu’elle nomme son grand-père.

Enfin, nous voilà devant l’œuvre choisie par l’aïeul. Après une présentation sommaire de l’œuvre, la magie s’installe au cœur d’un dialogue subtilement pédagogique. Mona et son Dadé interprètent, analysent, situent l’œuvre dans son contexte et surtout, dégagent une leçon que l’on peut tirer de l’œuvre. L’art peut donc nous amener à réfléchir et à appliquer certaines règles de vie.

Trop didactique? Oh non! Intéressant? Passionnant! Lire Les yeux de Mona, c’est une incursion fascinante dans le monde de la création artistique, guidée par un auteur-historien de l’art. En passant par les yeux et les émotions de Mona et de son grand-papa, l’auteur nous accompagne dans la façon de regarder une œuvre, de la comprendre, de l’interpréter. Quel que soit notre degré de connaissance, chacun peut trouver son compte dans ce regard porté sur ces œuvres.

Il est bon de noter que le choix des œuvres peut au premier abord être désarmant. Généralement, ce ne sont pas les œuvres les plus connues de chaque artiste qui sont présentées; l’auteur a fait le pari de choisir les œuvres les plus marquantes, celles qui ont eu une incidence importante sur l’histoire de l’art.

La maison d’édition a eu la merveilleuse idée d’insérer dans la jaquette du livre les 52 œuvres du roman. J’avouerai que, par curiosité, et aussi par souci du détail, je consultais souvent le site internet des musées pour bien voir les subtilités des œuvres. Ce roman est atypique, différent. La partie romanesque de chaque début de chapitre ne prend pas une place prépondérante et, pourtant, elle possède une grande importance. Cette partie plus romanesque du récit accompagne merveilleusement le parcours initiatique de la jeune Mona, mais plus les 52 semaines passent, plus l’intrigue se justifie et prend la place qu’elle mérite. Et cela donne un roman très différent, mais drôlement pertinent!

Enfin, le grand-père que je suis ne peut s’empêcher de dire et d’apprécier l’émotion que crée cette lecture. La relation intergénérationnelle est superbe, la complicité entre les deux est émouvante et les règles de vie qui se dégagent de l’analyse des œuvres peuvent servir de programme éducatif pour toute personne côtoyant un enfant! Que l’on soit parents, grands-parents ou éducateurs.

Quel plaisir de voir que Sandro Botticelli nous conseille d’apprendre à recevoir, que Gustave Courbet nous dise de crier fort et de marcher droit et que même Marcel Duchamp nous invite à mettre le bazar partout!

Et pour pasticher le peintre belge René Magritte, j’oserais dire que ce livre n’est pas un livre, mais une œuvre d’art qui devrait figurer dans toute bibliothèque de grands-parents… pour éventuellement le transmettre, un jour, à sa jeune descendance. Mais pas avant de l’avoir lu, d’avoir admiré les tableaux, sculptures et installations et d’en avoir tiré ses propres leçons!

Les yeux de Mona, Thomas Schlesser, Éditions Albin Michel,496 pages, 2024, 36.95$

Le pouvoir des légumineuses

Il y a des journées internationales pour beaucoup de choses, parfois surprenantes, dont plusieurs sont liées à l’alimentation. Journée de la cuisine italienne, de la frite belge, du beigne, du végétarisme, des chefs cuisiniers… Une petite nouvelle s’est récemment ajoutée au calendrier: celle des légumineuses.

C’est en 2017, à la suite du succès de l’Année internationale des légumineuses, que l’Assemblée générale des Nations Unies a officiellement désigné le 10 février de chaque année comme étant la Journée internationale des légumineuses.

Pourquoi un tel honneur? C’est que, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui dirige les efforts internationaux vers l’élimination de la faim, ces dernières peuvent contribuer à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

En effet, ces graines comestibles, qui se déclinent en plusieurs couleurs et formes, sont bourrées de nutriments, de fibres et de protéines offrant une solution intéressante pour remplacer notamment la viande, qu’on sait polluante. Elles sont de plus polyvalentes, faciles à conserver, n’abîment pas les sols et ont besoin de moins d’eau que d’autres cultures.

Dans un monde où plusieurs souffrent de la faim, où on parle de la fatigue des sols et des changements climatiques, les légumineuses apparaissent pour la FAO comme étant une clé importante vers des systèmes agroalimentaires plus efficaces, plus inclusifs, plus résilients et plus durables. Pour les mettre en lumière lors de cette journée spéciale, l’organisation propose des articles, des vidéos, des infographies et des événements.

Pour l’occasion, les légumineuses seront-elles célébrées dans votre cuisine?

La maison Drouin, le trésor de l’île d’Orléans

La maison Drouin se tient fièrement sur le chemin Royal, à l’île d’Orléans, depuis près de 300 ans. En plus de son âge vénérable, elle est l’une des rares à avoir conservé l’essentiel de ses caractéristiques d’origine, et témoigne de la vie à Sainte-Famille. Aujourd'hui rénovée, elle est ouverte au public en saison.

L’histoire de la maison Drouin remonte à 1727. Marc-Antoine Canac dit Marquis, major de milice établi à Sainte-Famille, achète alors une terre pour son fils François. Ce dernier y fait construire le premier carré de la demeure en 1730. Elle sera agrandie vers l’ouest quelques années plus tard par son frère Jean-Baptiste.

Sa maçonnerie de pierre crépie, son toit aigu à deux versants et ses ouvertures asymétriques peu nombreuses représentent bien la maison rurale d’inspiration française, où le savoir-faire du Vieux Continent s’adapte aux conditions particulières du Québec.

La maison Drouin photographiée autour de 1925
Photo: BAnQ

En tout, six générations de Canac occupent la propriété, qui reste dans la famille jusqu’en 1872. Cette année-là, la résidence passe aux mains d’Élie Drouin. Ses descendants sont aussi fidèles à cette terre que ceux qui les ont précédés puisqu’ils y habiteront pendant plus d’un siècle, jusqu’en 1984.

L’authenticité de la maison Drouin est remarquable. Elle traverse le temps sans grandes modifications. Quelques cloisons, permettant de créer de nouvelles pièces, ont été ajoutées au fil des ans, mais c’est à peu près tout. Son âtre semble encore prêt à réchauffer la maisonnée. Les murs de maçonnerie, les poutres apparentes, l’escalier et les planchers composés de larges planches de bois sont encore là.

Ici la maison Drouin photographiée par Edgar Gariépy vers 1950.
Photo: BAnQ

Il faut dire que les derniers Drouin y vivaient comme s’ils étaient à une autre époque, sans eau courante et sans équipement sanitaire. La modernité des lieux se résume à quelques prises électriques, installées en 1946.

En 1996, la Fondation François-Lamy acquiert la maison Drouin et l’ouvre au public. D’importants travaux de restauration dans les années 2010, dont le retour du bardeau de cèdre sur la toiture, lui redonnent son lustre d’autrefois. Une visite donne aujourd’hui l’occasion de revenir 300 ans en arrière. La maison est ouverte au public en saison estivale.

 

 

Montréal en lumière, 25 ans de gastronomie

Le festival Montréal en lumière commence dans un mois, et se déroulera du 29 février au 10 mars, avec une programmation gourmande qui, elle, débute le 22 février. L’édition est spéciale puisqu’on souligne cette année les 25 ans de l’événement. Cet anniversaire est l’occasion de mettre en lumière un quart de siècle de gastronomie montréalaise en pleine évolution.

Entre 2000 et 2004, les menus dégustation font leur entrée. Entre 2005 et 2009, le terme farm-to-table commence à être utilisé. Entre 2010 et 2014, on voit tranquillement apparaître la provenance des aliments sur les menus. Entre 2015 et 2019, on est dans l’ère des chefs vedettes et on sent l’influence de la cuisine scandinave. Puis entre 2020 et 2024, sur fond de pandémie, l’achat local est sur toutes les lèvres. Pour souligner l’anniversaire, l’équipe de Montréal en lumière a présenté un dossier de presse qui fait un survol des tendances fortes au fil de ces 25 ans.

C’est en consultant le document, qui présente les modes sur les menus, des entrevues avec certains chefs et des faits saillants de chaque année, qu’on réalise à quel point la gastronomie d’ici a grandi et s’est ouverte au monde. C’est aussi en s’intéressant à l’histoire du festival qu’on prend la mesure de son importance pour les chefs montréalais qui, en invitant de grands chefs et sommeliers de l’international, font des découvertes et des rencontres qui changent le cours des choses pour eux, mais aussi pour la clientèle qui s’attable aux restaurants de la métropole, en plus de faire rayonner la cuisine du Québec dans le monde entier.

Entre 2010 et 2014, on voit tranquillement apparaître la provenance des aliments sur les menus. Photo: Normand Laprise, Sergi Arola, Toqué!, 2010. © François Pesant

Une idée qui a fait son chemin

Depuis l’an 2000, c’est 225 restaurants qui ont participé au festival en proposant des repas thématiques avec un chef invité, et c’est plus de 700 invités venant des 5 continents qui ont participé à Montréal en lumière et qui ont ainsi pris la mesure de toute la richesse de la cuisine québécoise.

Lorsque le président-directeur général de Spectra, Alain Simard, avait lancé l’idée d’un événement rassembleur qui ferait sortir les Montréalais en plein hiver, plusieurs trouvaient la suggestion farfelue. Pourtant, 25 ans plus tard, force est de constater que l’idée fonctionne. La preuve? Pour cette édition spéciale, Montréal en lumière propose des dizaines d’activités pour tous les goûts et les budgets pour lesquelles il faut réserver dès maintenant si on veut assurer sa place. Rendez-vous sur le site de Montréal en lumière!