Le beau livre de Louise Latraverse

Le retour du beau temps n’arrive pas seul cette année. Le printemps se pointe en bonne compagnie. Louise Latraverse débarque dans notre intimité avec un beau livre sur elle. Aussi bien dire unique en son genre.

À l’heure où les biographies se disputent la place sur les tablettes des librairies, Louise Latraverse s’inspire de son nom et prend un chemin de traverse. Elle nous propose quelque chose de différent, sur le ton de la confidence, du parler-vrai, de la reconnaissance, enluminé de ses dessins si expressifs. Comme elle, finalement!

Au diable la chronologie, on parcourt sa vie dans le désordre, d’Arvida à Rosemont, en passant par New York, le Carré Saint-Louis et le Mile-End. Sans oublier l’Inde, pays qui lui a appris la sagesse et permis de trouver une sorte de paix intérieure.

Le livre, à couverture cartonnée, abondamment illustré, est à ranger dans la catégorie des coffee table books. Beau travail de la maison d’édition Québec Amérique. Le bel objet compte 144 pages. Ça peut sembler peu au premier abord, mais c’est mal connaître cette communicatrice hors pair que de le penser.

Cette femme a un don pour capter notre attention et pour dire beaucoup en peu de mots. Comme ses dessins, ses textes sont colorés, foisonnant d’informations sur sa vie, ses parents, ses amours, ses amis, ses états d’âme, variables au fil des ans, et ses bonheurs simples, comme bien manger et contempler son jardin qui pousse tout seul.

Le tout exhale un peu de nostalgie. Bien normal quand plusieurs de nos proches sont disparus, père, mère, frère, amis, et cet époux irlandais jamais oublié qui lui a donné la chose la plus précieuse, son fils, avec qui, la chanceuse, elle parle tous les jours.

J’ai aimé ce qu’elle raconte sur la mémoire, cette bête noire des acteurs, sur les bienfaits du dessin sur le mental, sur son affranchissement par rapport à l’âge et à l’apparence. Et le Montréalais d’adoption que je suis, comme elle d’ailleurs, a été ravi d’apprendre qu’on lui doit un peu beaucoup de la renaissance du Plateau Mont-Royal. C’est elle qui, jadis, a incité Michel Tremblay, André Gagnon, et bien d’autres, à s’acheter des maisons autour du Carré Saint-Louis et à les retaper. On connaît la suite.

Née le 24 juin 1940, Louise Latraverse fait partie de cette caste d’artistes québécois nés autour de la Fête nationale (Jean-Pierre Ferland le 24, Michel Tremblay et Robert Charlebois le 25), et cela lui donne une belle crédibilité quand elle parle de ce Québec qu’elle aime tant, jusque dans sa froideur hivernale.

Pour compenser ces rigueurs, elle cultive l’amitié, celle qui réchauffe et nourrit, qui fait qu’on n’est jamais seul.

En la lisant, j’ai reconnu dans son livre la même femme généreuse et soucieuse de tous que celle que je suis sur Facebook. Quelle énergie!

Elle en a même de rechange pour monter sur scène et répandre L’amour crisse dans plus d’une vingtaine de villes québécoises, de Maniwaki à Québec, de Val-des-Sources à Shawinigan. On en reparle bientôt.

En attendant, plongez dans son livre, vous n’en serez que plus intime avec elle lorsque vous l’aurez en chair et en verve devant vous.

Louise Latraverse, Louise Latraverse. Québec Amérique. 144 pages.  

L’histoire de la maison sir Étienne-Paschal-Taché, un joyau architectural à Montmagny

La maison Étienne-Paschal-Taché se dresse fièrement à Montmagny depuis près de deux siècles. Avec ses deux tours imposantes, ses multiples fenêtres et sa grande galerie, la bourgeoise attire immanquablement l’attention des passants sur l’avenue Sainte-Marie.

En mars 1821, le maître charpentier Marcel Fortin, bien connu dans la région, se voit confier une nouvelle mission: construire le plus rapidement possible une maison «à la mode canadienne» et «enfigurée à la classique» pour le docteur Taché et son épouse. Le médecin vient en effet de s’établir dans sa paroisse natale de Saint-Thomas-de-Montmagny.

La demeure d’inspiration néoclassique sort de terre vers 1825. Son plan rectangulaire, son toit à deux versants et sa façade symétrique font partie de ses principaux éléments caractéristiques. Marcel Fortin est mandaté à nouveau par le couple en 1826, cette fois pour «menuiser l’intérieur» de la résidence.

Celui que l’on considère comme l’un des Pères de la Confédération décide d’agrandir sa maison en 1855, alors qu’il est premier ministre du Canada-Uni. Le bâtiment s’allonge vers l’est, et on ajoute une véranda à l’avant, une galerie à l’arrière et l’une des deux tours carrées. Sa jumelle sera érigée dans les années 1880.

Photo: Facebook LHN de la Maison sir Étienne-Paschal-Taché

Étienne-Paschal Taché y habitera, avec sa femme et leurs 15 enfants (oui, oui!), jusqu’à sa mort. En 1883, la propriété est léguée à son fils Eugène-Étienne. Cet architecte signe plusieurs édifices marquants de la capitale, dont l’hôtel du parlement, l’ancien palais de justice et le manège militaire. On lui doit aussi la devise du Québec, «Je me souviens».

La famille Lavergne prend possession de la maison un an plus tard. Même si elle change souvent de mains, elle demeure une résidence privée jusqu’en 1990, alors qu’elle est rachetée par la Ville de Montmagny. Le peintre Jean-Paul Riopelle y réside pendant deux ans.

Après son départ, une restauration complète redonne tout son charme à la bâtisse. L’intérieur est même redécoré avec des meubles d’époque, comme si les années n’avaient pas eu d’effet sur elle. Tapisseries et planchers d’origine sont restaurés. Dans le hall, on peut également admirer un fini en trompe-l’œil imitant le marbre.

La somptueuse maison abrite aujourd’hui un centre d'interprétation qui rend hommage à la famille Taché et présente des activités culturelles.

Vésinet: du logement social pas banal

À mille lieues des habitations à loyer modique (HLM) gris sans âme, les logements sociaux du Parc Princesse, en France, font la part belle à la lumière naturelle, respirent l’histoire et s’immiscent doucement parmi les arbres. Visite d’un coup de cœur architectural.

Le studio français SOA Architectes a relevé avec finesse un pari complexe: concevoir 24 logements sociaux et deux logements abordables au cœur d’un patrimoine vivant. Situé dans un parc hospitalier napoléonien, l’ensemble se compose d’un bâtiment central pratiquement abandonné et d’un parc de 18 hectares.

Le bâtiment central, au cœur d'un parc de 18 hectares. Photo: @Camille Gharbi

Les architectes ont choisi d’intégrer le projet à la nature, en créant des bâtiments qui se démarquent tout en coexistant harmonieusement avec les arbres qui les entourent. Le nouvel ensemble s’inspire aussi des villas historiques que l’on retrouve à proximité.

Les bâtiments se démarquent tout en coexistant harmonieusement avec les arbres qui les entourent. Photo: @Camille Gharbi

«La commune du Vésinet comprend de nombreux parcs parsemés de villas, pour la plupart construites au XIXe siècle, a expliqué SOA Architectes à Dezeen. Les styles sont éclectiques, combinant volontiers des dispositifs architecturaux empruntés à différentes époques.»

Des arches à double hauteur en bois, une enveloppe mate et des bordures métalliques animent les façades. Photo: @Camille Gharbi

Des arches à double hauteur en bois, une enveloppe mate et des bordures métalliques animent les façades. Les concepteurs ont fragmenté la masse des édifices pour ne pas accaparer le parc. Les appartements sont donc organisés en duplex aux formes originales.

Des balcons découpés dans les angles de chaque immeuble créent des terrasses couvertes. Photo: @Camille Gharbi

Au rez-de-chaussée, les pièces à vivre donnent sur le parc à travers de grandes fenêtres. Des balcons découpés dans les angles de chaque immeuble créent des terrasses couvertes aux niveaux supérieurs, qui abritent les chambres. Les toitures en pentes inversées renforcent la figure introvertie du complexe et le sentiment d’intimité des résidents.

Comme une maison dans les arbres, les immeubles à la facture résolument contemporaine se fondent dans le paysage.

Holly, Stephen King

J’avoue l’immense plaisir que j’ai eu en lisant Holly, le plus récent roman de Stephen King. Il s’agit d’un thriller psychologique prenant, avec une touche angoissante de frayeur, sans que ça soit sanguinolent (à part pour la nourriture, mais cela, vous le verrez à la lecture) ni rempli d’horreur insoutenable.

Stephen King, auteur polarisant

Stephen King. Prononcez le nom de cet auteur et vous aurez des réactions très différentes. Pour certains, juste entendre le nom fait surgir des frissons d’horreur. «Non, ce n’est pas pour moi!» Pour d’autres, c’est tout de suite l’anticipation du plaisir de retrouver le maître du thriller psychologique avec une dose plus ou moins grande de frayeur. Jamais un auteur n’aura été si polarisant!

Je me suis éloigné pendant un certain temps de l’œuvre de King, un peu par lassitude, avec l’impression que j’en avais fait le tour. Il y a deux ans, je me suis laissé tenter par Billy Summers et ensuite par Contes de fées. L’immense talent de conteur de Stephen King m’a encore une fois convaincu.

Des meurtriers du troisième âge

Le plus angoissant dans Holly, ce sont les meurtriers. Et leurs inavouables motivations! Ce qui est le plus inquiétant, c’est que les abominables monstres qui se cachent derrière de gentilles vieilles personnes sont parfaitement respectables. Un couple d’octogénaires inoffensifs, deux vénérables professeurs d’université à la retraite et encore très impliqués dans leur communauté. Qui oserait penser que ce couple à la santé fragile, aux physiques diminués, pourrait s’adonner aux pires atrocités?

Voilà le pire! Les vieux Harris (tiens, tiens, est-ce que le King a voulu rendre hommage à un autre Harris, l’auteur du terrifiant Silence des agneaux? Certaines similitudes sautent aux yeux) pourraient être nos voisins!

Stephen King fait le pari risqué de nous révéler dès les premiers chapitres qui sont les coupables. Tout commence par un enlèvement. Un subterfuge savamment orchestré. La nuit approche, il fait froid, Emily Harris essaie de pousser le fauteuil roulant électrique de son mari dans la petite fourgonnette. Incapable de pousser seule le lourd véhicule, elle accoste Jorge Castro pour lui demander de l’aide. Au moment où le fauteuil pénètre dans le véhicule, le bon samaritain ressent comme une piqûre d’insecte sur la nuque. Quelques heures plus tard, il se réveille, enfermé dans une cage au sous-sol de la maison de Rodney et Emily Harris. D’où il ne sortira jamais. En quelques pages, l’auteur présente le modus operandi du couple de retraités.

Neuf ans plus tard, nous sommes en 2021, la pandémie du coronavirus bouleverse le monde entier. Tout tourne au ralenti et les morts s’accumulent. Holly Gibney est derrière son ordinateur, elle assiste aux funérailles de sa mère. Sa mère qui croyait que la COVID était une supercherie. Des funérailles sur Zoom, confinement oblige.

Pendant ce temps, le couple de retraités enlève Bonnie Dhal. Mais tout laisse croire que la jeune fille a volontairement disparu; sur son vélo retrouvé près du parc, elle a laissé un mot: «J’en ai assez.» La mère, n’y croyant pas, demande à Holly Gibney, détective privée, d’enquêter sur sa disparition. Au fur et à mesure de sa recherche, l’enquêtrice découvrira que ce coin de la ville a souvent été le théâtre de disparitions étranges.

Une leçon de maître

Le lecteur assiste en alternance à la description et à la réalisation des crimes du vieux couple et à l’enquête menée par la détective privée. Ici, le plaisir n’est pas de savoir qui est le criminel, mais plutôt de découvrir comment Holly fera pour résoudre le mystère de ces disparitions.

Stephen King nous donne une leçon de maître en mettant en pratique dans ce roman les conseils prodigués dans son essai Écriture. Mémoires d’un métier. Holly possède une structure complexe qui nourrit l’intensité dramatique de l’histoire. Les personnages sont bien définis et crédibles, l’intrigue est ficelée au quart de tour, l’écriture est efficace, pas de longueurs, même les descriptions sont passionnantes. Le Maître (il a reçu la plus haute distinction réservée aux meilleurs de la profession, le Grand Master Award par les Mystery Writers of America en 2007) est capable de vous décrire des moments horribles qui vous feront frémir puis, dans les pages suivantes, vous faire vivre des émotions d’une tendresse toute poétique. D’ailleurs, on retrouve les plus belles pages de ce roman dans la relation entre une jeune femme et sa mentore, une grande poétesse malade.

Bien sûr, Stephen King porte un regard acéré et critique sur la société américaine et, surtout, il se fait plaisir (et à nous aussi) en écorchant au passage le 45e président des États-Unis.

Stephen King a écrit plus d’une cinquantaine de romans. Holly n’est pas son meilleur. Chaque lecteur ou lectrice possède sa propre opinion sur «le» roman qu’il préfère. Mais comme Stephen King maîtrise parfaitement l’art romanesque et la narration d’une histoire complexe, vous pouvez être assuré que ce roman vous tiendra en haleine de la première à la dernière page.

Bonne lecture!

Holly, Stephen King. Éditions Albin Michel. 520 pages. 2024

La (vraie?) histoire du poisson d’avril

Vous êtes-vous déjà demandé d’où venait cette étrange tradition de se coller un poisson dans le dos lors de cette journée appelée dans la plupart des pays francophones «poisson d’avril»? Et est-ce que cette journée a réellement un lien avec le poisson qu’on retrouve dans nos assiettes?

Quand il est question de l’origine du poisson d’avril, tout le monde s’entend sur une seule chose: l’explication de cette tradition est nébuleuse et connaît plusieurs versions.

La plus populaire est celle qui dit qu’en 1564, le roi de France Charles IX aurait fait passer le début de l’année civile du 1er avril au 1er janvier, suscitant la confusion chez plusieurs. Mais cette histoire n’explique pas l’utilisation du mot «poisson» lors de cette journée.

Peu importe d’où vient la tradition, une chose reste: il faut surveiller ses arrières lors de cette journée spéciale! Photo: Depositphotos

Histoires de pêche

D’autres versions, surtout dans les pays francophones, pointent plutôt vers des histoires de pêche. On raconte parfois que le 1er avril concordait avec la fin de la saison de certaines pêches et le début de d’autres et que le poisson mort à l’odeur forte est devenu une farce.

Une autre hypothèse similaire dit que comme avril est le mois de l’ouverture de la pêche, plusieurs auraient à ce moment de l’année fait des échanges de poissons.

Ou encore, que pour se moquer d’une pêche infructueuse, certains auraient accroché un hareng dans le dos des pêcheurs à leur insu.

D’autres pointent le carême comme origine de cette tradition, période incluant souvent le 1er avril et pendant laquelle le poisson faisait partie de l’alimentation de jeûne. Comme la viande était interdite pendant ces 40 jours et remplacée par le poisson, ce dernier serait devenu un «aliment ludique».

Peu importe d’où vient la tradition, une chose reste: il faut surveiller ses arrières lors de cette journée spéciale!