7 novembre 2022Auteur : Richard Migneault

Livres de la semaine

Billy Summers, Stephen King

Avec Billy Summers, Stephen King propose un roman psychologique complexe qui plaira à tous les amateurs de polars et de thrillers.

Stephen King. Pour certains adeptes, la seule mention du nom suffit pour se précipiter à la librairie afin de se procurer le nouveau roman et commencer à ressentir les frissons provoqués par l’imaginaire du King. Pour d’autres, pas question de même penser à ouvrir un de ces romans; l’horreur, la peur, ce n’est pas pour eux. Moi, comme bien d’autres, après avoir suivi presque religieusement sa carrière, j’avais décroché, ayant l’impression que j’en avais fait le tour.

Puis, il y a eu Billy Summers, son tout dernier roman, que l’on disait différent: pas d’horreur, un thriller bien ficelé, un roman psychologique bien complexe. Eh bien, tout cela est vrai! Stephen King, avec sa maîtrise de l’écriture, l’efficacité de son style et la virtuosité de son imaginaire, nous propose un roman pour tous, amateurs et amatrices de polars passionnants, de thrillers captivants. Le Maître l’a parfaitement réussi!

Ici, pas de clowns maléfiques ni de lectrices sardoniques et encore moins d’hôtels lugubres; juste l’humain placé devant des choix de vie et des conséquences qui en résultent.

Billy Summers est un tueur à gages qui rêve de retraite. Sa philosophie est simple, il ne prend que des contrats pour tuer des méchants. «Il se voit comme un éboueur armé d’un flingue», ça lui permet de mieux dormir la nuit. Et de se déculpabiliser.

Il accepte un dernier engagement qui va lui assurer un avenir tranquille sans souci d’argent. Son contrat: tuer un assassin qui devrait se rendre au palais de justice pour subir son procès. Comme ce meurtrier est aussi accusé d’agression sexuelle dans un autre État sur la côte ouest des États-Unis, son avocat a demandé de suspendre l’extradition, pour gagner du temps. Billy doit attendre. Et cette longue attente, il la passe dans une banlieue typiquement américaine, en écrivant un premier roman. Car ce tueur à gages est aussi un littéraire, amateur d’Émile Zola, et plus particulièrement de son roman Thérèse Raquin. Son rêve est de devenir écrivain.

Pendant ces journées où Billy Summers prépare son meurtre, il s’investit dans sa petite communauté (il joue même au Monopoly avec les jeunes du quartier), rencontre des gens sympathiques et tisse des liens avec les personnes qui l’entourent. Et, en écrivant son autobiographie, il nous raconte son enfance, son expérience de sniper dans une unité spéciale au Moyen-Orient. Et ce, sans oublier de préparer l’après-contrat avec de multiples identifications, cartes de crédit et comptes de banque. Sa sortie doit être parfaitement planifiée.

Revirement important, il rencontre une femme qui viendra chambarder sa préparation. Cette Alice n’habite pas le pays des merveilles, elle sort à peine de l’adolescence. Jetée sans ménagement dans la rue après un viol collectif, elle est récupérée par le tueur. Billy Summers recueille la jeune fille dans sa planque et en prend soin. Ces deux êtres, qui n’ont rien en commun, se construiront une inébranlable complicité, une improbable amitié. Et plus!

«Il lui a offert les montagnes et les étoiles, pour qu’elle puisse au moins les regarder, et c’est beaucoup.» - Page 366

Voilà toute la force et le talent de Stephen King. Il nous démontre dans ce roman qu’un tueur à gages qui exécute avec froideur et sans aucun remords peut aussi cacher un être humain avec des valeurs morales et une sensibilité bien humaine... en dehors de son métier. Sans peine, comme lecteur, on viendra à se prendre d’affection pour ce personnage. L’auteur nous a mystifiés, le tueur à gages est aussi un humain, avec ses qualités, malgré les meurtres passés.

Billy Summers est un roman à la portée de tout bon lecteur et lectrice de polars. Stephen King réussit à nous raconter une très bonne histoire sans que chaque page soit couverte de sang ou remplie de situations d’horreur. Avec les 550 pages et plus de ce bouquin, l’auteur nous captive et maintient notre intérêt malgré, parfois, quelques petites longueurs. Il nous plonge au cœur des méandres du cerveau de cet homme à la profession meurtrière. Les passages du roman écrits par ce tueur à gages littéraire nous décrivent les marques profondes laissées par l’enfance et le gouffre sans fond creusé par les traces d’une guerre qui transforme l’humain en bête sauvage.

Dès que vous ouvrez ce roman, King vous accroche de la première à la dernière page et vous sert une finale à la hauteur de son imagination. Dans ce récit, le mal côtoie le bien à chaque instant, le pouvoir des mots et de la littérature effleure celui du fusil de précision Remington 700, le chasseur peut à chaque moment se transformer en proie, la bête soudainement devient humaine, la tension psychologique est soutenue; toutes les qualités d’un excellent thriller sont présentes. Nous y plongeons avec plaisir, et très rapidement, nous faisons partie de l’histoire. Comme spectateur, peut-être, comme juge, assurément!

Un plaisir de lire un thriller psychologique écrit par un grand auteur et une excellente histoire!

Bonne lecture!

Billy Summers, Stephen King. Éditions Albin Michel. 2022. 552 pages