Affiche: lesancresnoires.net
6 juillet 2018Auteure : Richard Migneault

Livres de la semaine

À quand un festival du polar au Québec?

Cette semaine Richard Migneault, spécialiste polar, auteur, blogueur sur Polar, noir et blanc et notre chroniqueur invité, nous suggère quatre polars à lire cet été et nous parle de sa virée en France pour le Festival du polar et le Festival du livre de poche. Un festival du polar...de quoi faire rêver ce mordu...!

Il arrive chez lui, dans les premières moiteurs de juin. La soirée s’annonce sans surprise. Un courriel l’attend et quand il l’ouvre, le monde, tout à coup, s’offre à lui. Cet homme, c’était moi, et le courriel m’invitait à participer à deux festivals du livre en France, dont un sur le polar! J’étais aux anges! Chanceux et excité de vivre ces deux événements.

Moi, le directeur d’école à la retraite, un peu groupie et grand lecteur, passionné par la littérature québécoise, allumé par les polars écrits par les gens d’ici et admirateur des écrivains, j’allais m’envoler outre-Atlantique. Moi, qui ai eu l’idée, il y a quelques années, de réunir dans des recueils de nouvelles des créateurs talentueux qui ont le don de nous faire frémir, j’allais avoir l’occasion de faire connaître en France «mes» auteurs, ces hommes et ces femmes, gentils comme des enfants sages, mais féroces dans leurs écrits. L’occasion, donc, de présenter au monde la série des «Crimes…» éditée chez Druide.

Oui, je le veux, ai-je dit.
Et je suis parti.

Première escale, Polar à la plage, dans la ville portuaire du Havre, en compagnie de la talentueuse Marie-Eve Bourassa, l’auteure de la trilogie Red Light, dont j’avais parlé d’ailleurs sur avenues.ca.

Première surprise, l’emplacement! Une grande tente, ouverte sur la Manche. Plage de galets et vents de la mer, le site est fort agréable. Nous sommes accueillis par les bénévoles de l’organisation «Les ancres noires», et tout est pensé pour le confort des auteurs présents. Nous sommes quelques auteurs étrangers parmi la trentaine d’auteurs invités: Tove Alsterdal et Johan Theorin, de la Suède, le Nigérian Leye Adenle, Marie-Eve Bourassa et moi, pour le Québec.

Les visiteurs sont nombreux et intéressés. Très rapidement, à ma grande surprise, tous les exemplaires de Crimes à la librairie en livre de poche sont vendus. Crimes au musée (version Belfond) se vend très bien. La première journée, les relations entre les auteurs sont plus réservées, mais les repas pris en groupe et les quelques bouteilles de vin et de cidre font en sorte de rapprocher tous les auteurs.

Et ce festival n’est pas uniquement axé autour du livre. Polar à la plage met en évidence tous les aspects du polar: des films présentés dans les salles de cinéma de la ville, des concours de nouvelles noires et une exposition de photos. Même les écoles et les jeunes élèves prennent part à la fête en participant à un concours d’écriture.

Le festival Polar à la plage offrait plusieurs volets dont un concours de photos, illustrant le "noir" Photo: Richard Migneault
Le festival Polar à la plage offrait plusieurs volets dont un concours de photos, illustrant le "noir"
Photo: Richard Migneault

Puis, tout à coup, quelques auteurs sont kidnappés et intégrés dans une pièce de théâtre écrite par de jeunes lycéens. Le public, bon enfant, apprécie. Les vrais acteurs et les auteurs créent une complicité théâtrale, proche du noir, mais teintée d’humour et de rebondissements.

Et pour enrichir ce tour d’horizon des arts, la musique devient aussi l’occasion de fêter le polar sur cette plage. Les auteurs invités avaient reçu pour mission d’écrire les paroles d’une chanson. Des musiciens havrais ont composé la musique pour accompagner ces textes et les CD sont vendus.

Vraiment, toute la ville est mobilisée, les gens s’impliquent, les bénévoles sont attentionnés. Comme auteurs étrangers, on se sent bien entourés et appréciés.

Marie-Ève Bourassa et Richard Migneault dans l'autobus réservé au polar québécois, en font connaître les auteurs et les facettes au public français Photo: Richard Migneault
Marie-Ève Bourassa et Richard Migneault dans l'autobus réservé au polar québécois, en font connaître les auteurs et les facettes au public français
Photo: Richard Migneault

Et le dimanche, à 15 heures, dans un autobus bondé, Marie-Eve Bourassa et moi parlons du polar québécois. Je trace l’historique du genre, d’Ixe 13 à David Goudreault et sa bête, en passant par Chrystine Brouillet et Patrick Senécal. Les lecteurs normands font la connaissance de quelques auteurs québécois qui gagneraient à être lus de l’autre côté de l’Atlantique.

Et comme les irréductibles Gaulois de Goscinny, cette aventure havraise s’est terminée autour d’un bon repas où les langues se sont interpelées, les histoires se sont racontées et les souvenirs se sont accrochés.

Un festival du polar au Québec?

En revenant de cette fête magique, la tête remplie de souvenirs, il m’est venu une question: pourquoi, au Québec, ne serait-il pas possible d’organiser ce genre de fête? Un festival du polar à Montréal et un autre à Québec, où tous les intervenants seraient conviés autour du monde du polar québécois.

Les salons du livre répondent à un besoin bien précis et sont très bien implantés dans toutes les régions du Québec. Et nous avons même quelques festivals littéraires qui remplissent bien leur mandat. Il y a même eu pendant quelques années, le festival du roman policier à Knowlton, mais disparu depuis. Et comme le polar est le genre le plus lu, ne mériterait-il pas d’avoir à nouveau son propre festival?

La réussite de ce festival français, la mobilisation des bénévoles et de la communauté, l’envie des auteurs de rejoindre leurs lecteurs et le côté festif de ce genre d’organisation, tout cela m’incite à dire… pourquoi pas au Québec?

Qu’en pensez-vous?  Seriez-vous au rendez-vous?

Festival du livre de poche: où sont les Québécois?

Une semaine plus tard, Saint-Maur-des-Fossés, mignonne commune de la banlieue sud de Paris, accueille plus de 300 auteurs, tous réunis sous un immense chapiteau. Gérard Collard, libraire très médiatisé en France, transporte sa librairie La Griffe Noire sur la grande place des Marronniers pour un festival unique, celui du Livre de poche. Secondé par une armée de bénévoles de tous âges, le libraire met à la disposition des très nombreux visiteurs près de 70 000 livres. Pendant tout un week-end, Saint-Maur devient le centre du monde du livre de poche.

Et la fête commence! Les lecteurs déambulent dans les allées, rencontrent leurs écrivains préférés, discutent livres et projets, se font dédicacer leur achat, prennent des photos. Comme ils attendent près de deux heures pour passer à la caisse, ils en profitent pour rencontrer d’autres passionnés et échanger sur leurs achats et leurs prochaines lectures.

Au café ou pendant le repas, les blogueurs et les blogueuses prennent des notes qui alimenteront leurs futures chroniques. Les auteurs, regroupés entre amis, entretiennent leur propre folie et participent aux nombreuses tables rondes qui passionnent le public.

Et moi, dans ce tourbillon, assis sur mon nuage de rêve, je réponds aux questions des lecteurs, je présente les auteurs du recueil et j’écris une dédicace aux lecteurs qui veulent s’aventurer dans l’expérience de la lecture des nouvelles. Puis, étant aussi lecteur, je m’éclipse et je fais le tour de la place pour rencontrer les amis et pour discuter avec des auteurs que j’aime. Pouvoir, dans la même demi-heure, parler avec Luca di Fulvio, échanger nos adresses de courriel avec Romain Slocombe, croiser Hélène Carrère d’Encausse, se rappeler d’excellents souvenirs avec R. J. Ellory et recevoir, sans avertissement, le superbe sourire de Katherine Pancol, j’avoue avoir eu quelques palpitations d’admirateur inconditionnel.

Et les auteurs québécois? Déception: j’étais le seul auteur québécois invité, et l’absence totale de livres d’auteurs québécois dans ce festival. Gérard Collard m’assure qu’il y aura davantage de place pour nous au festival, dans les prochaines années. Les lecteurs de Saint-Maur, comme partout en France, sont prêts à lire les auteurs québécois, qui sont déjà nombreux à être édités sous format livre de poche. Mais les livres ne sont pas toujours disponibles, hélas, en terre de France. Espérons que de tels événements permettront à nos auteurs d'être mieux diffusés chez nos cousins...

Quatre polars,  un été

Voici mes quatre suggestions de polars pour votre été. Bonne lecture!

Je t’aime alt="je-taime"

Barbara Abel
Éditions Belfond, mai 2018 32.95$

Les tricoteusesalt="Les-tricoteuses"

 

Marie Saur
Éditions Héliotrope noir, septembre 2017, 22.95$
(Prix Arthur-Ellis du meilleur polar canadien français 2017)

Les déracinésalt="Les-deracines"

Catherine Bourdon
Éditions les Escales, juin 2018, 39.95$

Le brasieralt="le-brasier"

Vincent Hauuy
Éditions Hugo Thriller, mai 2018, 29.95$

 

   

Pour en savoir plus

Crimes au musée de Richard Migneault

Françoise Genest

1er septembre 2017

avenues.ca

Il y aura des morts de Patrick Sénécal

Richard Migneault

21 décembre 2017

avenues.ca

160, rue Saint-Viateur Ouest de Magali Sauves

Richard Migneault

27 avril 2018

avenues.ca

Red light Le sentier des bêtes de Marie-Ève Bourassa

Richard Migneault

2 mars 2018

avenues.ca