Le Guide Michelin fait des vagues au Québec
Il faut vivre dans une grotte pour ne pas l’avoir vu passer: Le Guide Michelin arrive dans la province. «Enfin», disent certains. «Horreur», disent d’autres. Chose certaine, l’arrivée du guide français (et de ses juges) au Québec crée des vagues.
La nouvelle que certains attendaient depuis des années, que d’autres redoutaient, est tombée le 29 août dernier et a fait réagir tout le secteur alimentaire et gastronomique.
Cette journée-là, j’étais aux bureaux de Caribou, magazine dédié à la culture culinaire québécoise que j’ai cofondé. Rapidement, la nouvelle est devenue LE sujet dans l’équipe, dont les membres, et j’en suis, étaient plutôt inquiètes ou mitigées.
«N’est-ce pas ce guide et des étoiles perdues qui auraient mené certains chefs au suicide?», «Est-ce que les prix des menus vont augmenter encore, créant un clivage encore plus grand entre ceux qui peuvent se permettre des repas gastronomiques et ceux qui ne le peuvent pas?», «Est-ce que les chefs d’ici ne vivent pas déjà assez de stress comme ça?», «Est-ce que les étoiles Michelin et les critères qui vont avec (nappes blanches, toques, uniformes, etc.) cadrent vraiment avec le style du Québec?»
Bien que j’écrive sur le sujet, je ne travaille pas en cuisine et je ne suis donc pas du tout une experte, mais voilà le genre de questions qui me sont d’emblée venues en tête.
Dans les heures qui ont suivi l’annonce, l’arrivée du Guide au Québec s’est répandue comme une traînée de poudre partout sur le web et sur les réseaux sociaux. Tous les médias ont rapidement sorti la nouvelle et plusieurs personnes de l’industrie ont donné leur avis sur leurs plateformes. Sur sa page Facebook, Tastet, le guide qui répertorie au Québec les meilleurs restaurants, bars et cafés du Québec, a recueilli des centaines de réactions et de commentaires allant de l’excitation à l’exaspération.
Des avis mitigés
Sur l’heure du lunch, notre petite équipe avait prévu aller dîner près du bureau, au Pan American Pizza, le restaurant de Danny St Pierre. Le chef d’expérience nous a alors avoué se réjouir de la nouvelle. Selon lui, ceux qui travaillent fort auront enfin la reconnaissance méritée et pourront se comparer aux meilleurs restaurants d’ailleurs.
Nous allions apprendre plus tard dans les médias que c’était le même son de cloche chez plusieurs autres, dont François-Emmanuel Nicol, chef copropriétaire du restaurant La Tanière, à Québec, qui estime que les restaurants qui recevront une reconnaissance Michelin contribueront à offrir une reconnaissance internationale à la gastronomie québécoise en mettant la province sur un pied d’égalité avec d’autres destinations gastronomiques. Il est aussi d’avis que l’arrivée du guide va aider à faire progresser la gastronomie d’ici.
C’est d’ailleurs lui qui a lancé l’idée, il y a deux ans, d’accueillir le Guide Michelin au Québec. Aidé du maire de Québec, Bruno Marchand, de l’Alliance de l’industrie touristique du Québec, de Destination Québec Cité et de Tourisme Montréal, il a réussi à convaincre Michelin de venir visiter le Québec et ses meilleurs restaurants.
Les organisations touristiques se réjouissent d’ailleurs de la nouvelle puisque les retombées peuvent être très grandes selon elles. On rapporte que ça a d’ailleurs été le cas à Vancouver et Toronto, où le guide est déjà.
De l’autre côté, certains se disent «contre» l’arrivée du Guide Michelin au Québec. C’est le cas de Chloé Ouellet, cheffe propriétaire du restaurant Au pâturage à Sainte-Perpétue. Elle critique entre autres «le risque de créer de la compétition et de la bisbille» dans le petit milieu de la restauration québécoise. Elle s’inquiète aussi de la pression et du stress que cette nouveauté peut amener chez les restaurateurs et leurs équipes. Elle trouve aussi que les critères pour l’obtention des étoiles sont encore très «guindées».
Une autre critique qui revient chez plusieurs: le financement faramineux nécessaire pour attirer le Guide. En effet, les médias ont rapporté que c’était plus de deux millions de dollars fournis par six organisations, dont l’Alliance de l’industrie touristique du Québec, la Ville de Québec, Destination Québec Cité, Montréal centre-ville et Tourisme Montréal, qui ont permis de faire venir le Guide Michelin dans la province. Dans les jours suivant la nouvelle, Élise Tastet, fondatrice du guide éponyme, a d’ailleurs fait la critique dans les médias du double standard qui favorise les grosses organisations internationales plutôt que les petits joueurs locaux, elle qui tente d’obtenir en vain certaines subventions depuis des années.
Déjà sur le terrain
On l’a appris la journée même où la nouvelle de l’arrivée du guide publié depuis 1900 est arrivée: les juges sont déjà là, à sillonner la province afin d’évaluer des dizaines d’établissements selon des critères préétablis. D’ailleurs, c’est la première fois que les restaurants d’une province entière sont évalués. «Un événement historique», a dit le chef copropriétaire du restaurant La Tanière, François-Emmanuel Nicol.
La Tanière de Québec (justement), Le Hatley à North Hatley, l’Auberge Saint-Mathieu à Saint-Mathieu-du-Parc, le Alma ou Le Mousson à Montréal: plusieurs se prononcent déjà sur les établissements qui pourraient recevoir des étoiles. Mais il faudra patienter puisque les premiers restaurants étoilés ne devraient être connus qu’au printemps 2025.
J’ai hâte de voir la suite, et vous?