La chronique Savourer avec Véronique Leduc

Auteur(e)
Photo: Daphné Caron

Véronique Leduc

Véronique Leduc a été journaliste en tourisme pendant des années pour divers médias avant de se spécialiser en agrotourisme et culture culinaire. Elle a participé à divers collectifs liés au tourisme et a publié les livres Épatante Patate et La famille agricole. Parce qu’elle avait envie d’avoir plus d’espace pour parler de ceux et celles qui nous nourrissent, elle a aussi cofondé, il y a 10 ans, le magazine Caribou. Elle est rédactrice en chef des numéros papier qui abordent différents thèmes liés à la culture culinaire du Québec. Elle est fascinée par les humains et les histoires qu’ils ont à raconter. Elle a pour la première fois raconté son histoire à elle en 2021 dans son livre Infertilité Traverser la tempête. Elle signe les articles Savourer et Saveurs du jour sur Avenues.ca depuis 2015 et nous offre ici sa chronique Savourer.

Au menu des Jeux olympiques

Du 26 juillet au 11 août 2024, les yeux de la planète tout entière seront tournés vers Paris, qui accueillera les Jeux olympiques. C’est l’occasion pour la Ville Lumière de briller sur tous les fronts, dont celui de l’alimentation.



En 2011, j’avais eu l’opportunité d’aller à Vancouver un an après les Jeux olympiques d’hiver afin de constater où en était la ville après la vague du plus important événement sportif au monde. Infrastructures, tourisme, économie… et cuisine: j’avais pu constater que lorsque les Jeux olympiques ont lieu dans une ville, ils laissent leur trace dans tous les secteurs. Certains restaurateurs me parlaient même, un an plus tard, d’un achalandage nettement plus important qu’avant, puisque l’événement les avait mis sur la carte.

Alors que les Jeux olympiques de Paris approchent, j’ai repensé à cette visite à Vancouver et j’ai eu envie de me questionner sur les intentions liées aux aspects alimentaires de l’événement à venir.

En deux fois 15 jours (Jeux olympiques et Jeux paralympiques, du 28 août au 8 septembre 2024), on estime que c’est plus de 13 millions de repas qui devront être servis dans le cadre des Jeux. Il faut en effet nourrir athlètes, bénévoles, visiteurs et représentants des médias. Comment Paris, ville que tous visitent avec des attentes culinaires, pourra-t-elle impressionner?

Comment Paris, ville que tous visitent avec des attentes culinaires, pourra-t-elle impressionner? Photo: Depositphotos

Des menus plus durables

D’abord, il faut savoir que la France est remplie de bonnes intentions pour ses Jeux olympiques.

Le pays a annoncé vouloir proposer des menus composés à 80% d’aliments locaux. Certains doutent de la possibilité d’un tel engagement dans un contexte où des athlètes venant de 208 pays et territoires à travers le monde voudront manger ce qu’ils ont l’habitude de consommer et qui n’est pas toujours produit en France (riz, mangues, bananes, cacao, par exemple). Mais les organisateurs se montrent confiants en misant sur les pâtes, pains, croustilles, fruits et légumes locaux afin d’atteindre les objectifs.

Dans cette même idée de proposer une alimentation durable, on compte servir aux différentes tables des Jeux olympiques plus de plats végétaliens et végétariens. Parmi les 550 mets qui seront offerts aux 15 000 athlètes attendus, on servira par exemple un plat de dhal de lentilles vertes locales, accompagné d’un yogourt épais protéiné, et d’une tuile de maïs croquante ou, encore, un bourguignon végétarien, ou des hot-dogs végétariens...

En fin de compte, ce qu’on souhaite proposer, c’est 80% d’aliments d’origine française, dont 25% qui proviennent d’un rayon de 250 kilomètres, moins de viande et un tiers de produits bio.

En plus de ces objectifs que plusieurs qualifient d’ambitieux, il ne faut pas oublier que les chefs ont eu à jongler avec des goûts et des habitudes venant de partout à travers le monde. Ainsi, plusieurs nutritionnistes ont travaillé sur le menu en adaptant les recettes. Par exemple, un plat de riz peut avoir plusieurs variantes: riz de Camargue pour les Français, riz créole pour les Africains, riz gluant pour les Asiatiques… Et ce n’est pas tout, rapportait un reportage de TF1 Info: les Canadiens souhaitent éviter le gluten et les fédérations asiatiques exigent du kimchi, entre autres demandes! Après tout ce casse-tête, le menu est prêt et a été dévoilé au printemps dernier. Pour les 200 cuisiniers, il ne restera plus qu’à concocter les menus élaborés!

Les chefs ont eu à jongler avec des goûts et des habitudes venant de partout à travers le monde. Photo: Markus Winkler, Unsplash

Une longue réflexion

Ces décisions liées à l’alimentation n’ont pas été prises à la légère: cela fait deux ans que la réflexion autour de l’offre alimentaire des Jeux est en cours, impliquant 120 organisations et 200 athlètes, et résultant en 6 engagements phares dont celui de diminuer l’empreinte carbone, de valoriser à 100% les ressources alimentaires non consommées et de diviser par deux la quantité de plastique à usage unique. Le plan prévu se déploiera sur les 14 sites de compétition grâce à 3 500 places assises, ce qu’on qualifie de «plus grand restaurant au monde», et qui sera ouvert jour et nuit.

C’est dit ouvertement: le comité organisateur des Jeux souhaite, avec cette stratégie, entamer «un travail de transformation un peu plus profond de la restauration événementielle, qui va rester en héritage», a exposé le chef de projet alimentation durable, Grégoire Béchu.

Certains voient pour Paris l’opportunité de faire bonne figure sur le plan de l’alimentation durable et d’avoir une vitrine mondiale pour faire voir ses produits locaux. Et en effet, l’événement sportif est assurément l’occasion de passer les messages désirés et de vanter le savoir et les talents culinaires de la France. Après tout, c’est le monde entier que Paris s’apprête à accueillir à sa table…

Maintenant, reste à voir si le pari sera réussi.