La chronique Vins et alcools avec Jessica Harnois

Auteur(e)

Jessica Harnois

Sommelière et animatrice, Jessica Harnois a travaillé pour les plus grands établissements au monde, a occupé le poste de sommelière en chef à titre d’acheteuse de vins pour les Services SAQ Signature, a été responsable du Courrier vinicole et de la prestigieuse Cave de garde de la SAQ, en plus d’avoir été présidente de l’Association Canadienne des Sommeliers Professionnels et Vice-Présidente de l’APAS (Alliance Pan-Américaine des Sommeliers). Avec l’agence d’animation Vins au Féminin, elle a conceptualisé le jeu Dégustation Vegas qui démocratise le vin. Vous pouvez la voir à la télé, l’entendre à la radio et la lire dans plusieurs magazines.

Une balade sur la Route des vins de Brome-Missisquoi

La pandémie nous oblige tous à prendre nos vacances au Québec cet été. Dommage? Au contraire! Profitons-en pour découvrir ce que notre province a de mieux à offrir. Et ça inclut, évidemment, nos exceptionnels parcours gourmands!



Je le dis souvent et je le répète encore: aujourd’hui, les vins et alcools du Québec ne sont plus choisis seulement parce qu’ils sont locaux, mais d’abord et avant tout parce qu’ils sont bons! Et on en est fiers! En plus, le moment est on ne peut mieux choisi pour encourager nos entreprises locales.

Mariève Isabel, qui a travaillé avec moi sur le guide Boire local: les 100 meilleurs vins, bières et alcools du Québec, a visité dernièrement quelques vignobles de la Route des vins de Brome-Missisquoi. Je lui laisse le soin de nous raconter son expédition et de nous faire quelques suggestions.

Vignoble de l’Orpailleur

«Un beau vendredi matin ensoleillé, je suis partie de Victoriaville avec mes parents en direction de la Route des vins de Brome-Missisquoi, que j’explorais pour la première fois. Google Maps nous a fait emprunter des routes sinueuses à travers les Appalaches, parfois en terre. Une aventure s’annonçait! La route était belle et les paysages, magnifiques.

«Première destination: le Vignoble de l’Orpailleur. À notre arrivée, nous avons été accueillis par Laure de Coussergues, la fille de Charles-Henri de Coussergues. Ce dernier est l’un des quatre propriétaires du vignoble et une figure très connue sur la scène viticole québécoise. Aussi gentille, accueillante et attentionnée que son père, Laure nous a fait découvrir le domaine, en nous racontant son histoire, ses cépages et son virage en cours vers le bio.

Photo: Mariève Isabel

«L’équipe a pris la décision de ne pas offrir, pour le reste de l’été, de dégustations en boutique et de tours guidés. L’achalandage record sur le site et leurs installations ne leur permettaient pas de respecter les règles de distanciation physique. Pour compenser, ils ont installé sur le site extérieur 24 panneaux d’interprétation pour les visites libres.

«En boutique, les employés sont chaleureux et tout disposés à nous aider à sélectionner des vins. Incapable de choisir, j’ai opté pour une sélection de produits difficiles à trouver en épicerie. J’en ai profité, par exemple, pour me procurer la cuvée Natashquan. Cet assemblage de vignes hybrides (vidal, seyval) et vinifera (chardonnay) en fait un vin à la fois vif et rond, à la finale grasse, magique et sans faille. Il fait partie des meilleurs du Québec!»

Photo: Mariève Isabel

Domaine des Côtes d’Ardoise

«Notre deuxième arrêt s’est fait au Domaine des Côtes d’Ardoise, à seulement deux minutes de route de l’Orpailleur. L’entrée est de toute beauté, avec ses généreuses vignes qui recouvrent une porte d’entrée voûtée, en bois, de style européen. Les premières vignes ont été plantées sur ces sols de schiste et d’ardoise en 1979. Cela en fait le plus vieux vignoble québécois, même si l’Orpailleur a obtenu le premier son permis de vinification.

Photo: Mariève Isabel

«Nous avons eu le plaisir d’y rencontrer Henry-Alain Drocourt, le maître de chai depuis cinq ans et maintenant directeur du domaine. C’est pour compléter un stage de maîtrise sur le cépage québécois saint-pépin, qu’il faisait alors à l’Institut universitaire de la vigne et du vin de l’Université de Bourgogne, qu’il est arrivé au Québec en 2008 avec son épouse œnologue. Charmés par les paysages de la région et son industrie viticole en plein essor, ils ne sont jamais repartis! Ses ambitions pour le vignoble sont inspirantes: tout convertir en bio, une valeur qui lui tient beaucoup à cœur, et vendre toute la production avant même de l’avoir mise en bouteille. En d’autres mots: non pas la quantité, mais la qualité!

«J’ai pu goûter plusieurs produits: la Marédoise, leur sympathique blanc qu’on retrouve en épicerie; un excellent riesling, tout en fraîcheur; le rosé Charmes et Délices, surprenant avec son nez sucré alors qu’il est en fait très sec en bouche; le Haute-Combe, 100% gamay, un cépage peu courant au Québec; le Côte d’Ardoise, un assemblage de cépages rouges hybrides, légèrement boisé par un ajout de copeaux de chêne en chai et offert en épicerie; et, finalement, le Monarc.

Photo: Mariève Isabel

«Ce dernier est un délicieux vin doux. Il s’achète directement au domaine. Il s’apparente à une vendange tardive, avec un taux de sucre oscillant autour de 80g/L. Avec ses notes de poires et fruits exotiques (litchi, ananas), ainsi que son bel équilibre en bouche, il fait la fierté des propriétaires. Et il faut bien le reconnaître: les vins doux ou liquoreux (au-dessus de 45g/L) ont un potentiel incroyable dans notre belle province. À découvrir pour un apéro réussi!»

Vignoble du Ruisseau

«Notre troisième et dernier arrêt a été tout simplement fantastique. Sara Gaston, sommelière de formation et vigneronne, fille des propriétaires, s’implique corps et âme dans l’entreprise familiale. Elle nous a présenté avec enthousiasme les lieux et les produits de cet endroit spectaculaire.

«Si les deux vignobles précédents se démarquent notamment par leur ancienneté, celui-ci est le symbole même de la nouveauté et de l’innovation au Québec en matière viticole. Qu’il s’agisse de la géothermie et du système de tubulures (15 km) au glycol qui réchauffent les vignes l’hiver et qui permettent de commencer la saison avec deux à trois semaines d’avance, de leurs immenses tunnels, 12 au total, qui protègent les cépages rouges, de leurs somptueux chais de barriques voûtés ou encore de leurs impressionnantes installations intérieures et extérieures dédiées à l’œnotourisme, tout est grandiose. Vous serez bouche bée. Il n’y a que le vin qui soit «vieux jeu», c’est-à-dire ayant un style assurément plus Ancien Monde que Nouveau Monde. D’ailleurs, les vitis vinefera sont à l’honneur.

Vignoble du ruisseau Photo: Mariève Isabel

«Ici, le bio et même l’autosuffisance et le zéro déchet sont des valeurs très présentes. Le contact avec le public aussi, pour notre plus grand bonheur. Des activités pour tous les portefeuilles sont proposées, des visites gratuites et dégustations à la carte jusqu’aux tours privés (80$ par personne) et expériences gastronomiques incroyables, grâce à une cuisine sur braise qui met à l’honneur les produits de la maison, y compris du bœuf Wagyu et du porc Yorkshire élevés sur place.

Photo: Mariève Isabel

«La dégustation a elle aussi été impressionnante. De tous les excellents produits essayés, je suis restée un peu obsédée par leur pinot noir signature – offert seulement aux membres de leur club de vin (aussi à découvrir!) et dans quelques restaurants – et par leurs alcools à base de sirop d’érable (parce qu’il y a aussi une cabane à sucre et une distillerie sur le domaine). Le Forêt No 8, une eau-de-vie d’érable épicée, sort de l’ordinaire. Malgré ses 40% d’alcool, sa bouche est délicate à souhait. Les arômes d’épices et d’érable sont très présents. Tout en beauté servie seule, elle peut aussi, en mixologie, être utilisée comme un rhum. À acheter sur place.

«J’aurais aimé pouvoir m’arrêter à tous les autres vignobles de Dunham: le Château de cartes, le vignoble Val Caudalies, Union Libre, etc. Ce n’est que partie remise, puisque je compte bien y retourner!»

Cet été, on vous recommande fortement d’emprunter la Route des vins du Québec. Nous sommes convaincues que vous ne serez pas déçus! Allez-y, osez goûter et découvrir la province!

Bonne route!

Jessica et son équipe