La chronique Vins et alcools avec Jessica Harnois

Auteur(e)

Jessica Harnois

Sommelière et animatrice, Jessica Harnois a travaillé pour les plus grands établissements au monde, a occupé le poste de sommelière en chef à titre d’acheteuse de vins pour les Services SAQ Signature, a été responsable du Courrier vinicole et de la prestigieuse Cave de garde de la SAQ, en plus d’avoir été présidente de l’Association Canadienne des Sommeliers Professionnels et Vice-Présidente de l’APAS (Alliance Pan-Américaine des Sommeliers). Avec l’agence d’animation Vins au Féminin, elle a conceptualisé le jeu Dégustation Vegas qui démocratise le vin. Vous pouvez la voir à la télé, l’entendre à la radio et la lire dans plusieurs magazines.

Du rosé à l’année!

Rosé all day est devenu une expression tellement populaire qu’elle sert de titre à un livre, à un film, et même à un vin français. Malgré cela, les préjugés ont la vie dure. Plusieurs croient encore que les rosés sont sucrés ou réservés aux femmes ou à la seule saison estivale. Déboulonnons ensemble quelques mythes qui traînent encore ici et là, question de célébrer les rosés.


Les rosés ne sont pas tous sucrés

Le sucre et le vin: voilà un sujet dont on vous parlera dans un prochain article. En attendant, disons seulement ceci: le taux de sucre dans le vin est une histoire de culture et de mode. Dans certains pays, les vins dolce ont la cote; dans d’autres, non. Même logique pour l’époque. Ces années-ci, les consommateurs demandent des vins secs. Ça tombe bien, puisque les rosés peuvent être aussi secs que les blancs ou les rouges.

Nous nous sommes amusées à tirer quelques statistiques de la SAQ. Sur les 24 premières bouteilles de rosé affichées sur leur site web, 14 contenaient moins de 2 g/L de sucres résiduels; 6 en comptaient entre 2 g/L et 4 g/L; et 4 présentaient plus de 4 g/L. Autrement dit, 83% étaient secs, soit sous les 4 g/L. Finalement, il vous faudra chercher plus longtemps pour trouver un rosé sucré!

Photo: Aesop wines, Unsplash

Les rosés ne sont pas réservés aux femmes

Il y a 20 ans, il était peut-être gênant pour certains hommes de se commander un verre de rosé au restaurant, mais les choses évoluent (une chance!).

On a assisté dans les dernières années à une grande croissance de la consommation mondiale de rosé, même si au Canada sa part reste encore modeste (moins de 5% des ventes d'alcool). En France, c’est une bouteille sur trois qui contient du rosé. Il s’y consomme près d’un milliard de bouteilles de rosé par année. Gageons que ce ne sont pas juste des femmes qui en boivent!

Ici comme ailleurs, on observe une autre tendance: les millénariaux sont beaucoup plus ouverts et à l’aise que les babyboomers sur les choix liés aux définitions de genres, y compris les choix liés à l’alcool. Le whisky pour les hommes et le rosé pour les femmes? Non, merci. On laisse l’essentialisme au 20e siècle et on embrasse la postmodernité. Rafraîchissant!

Les rosés riment avec qualité

Il existe quatre couleurs principales pour le vin: rouge, blanc, rosé et orange. En résumé: pressez des raisins blancs, et vous obtiendrez du vin blanc; pressez du raisin rouge, et vous obtiendrez du rosé. Macérez des raisins rouges, vous aurez du vin rouge; macérez des raisins blancs, vous aurez du vin orange.

Chaque couleur demande un savoir-faire particulier et présente son lot de défis. Il est vrai qu’on peut faire du rosé avec des raisins rouges déclassés, les raisons sont multiples, mais retenons celle-ci: les rosés sont généralement faits pour être bus en jeunesse. On pourra donc se montrer plus permissif sur les raisins servant à leur fabrication puisqu’ils ne sont pas faits pour vieillir en cave.

Bien sûr, il existe aussi des exceptions, c’est-à-dire des vins rosés prestigieux. On peut penser au Clos du Temple de Gérard Bertrand, classé meilleur rosé au monde et dont le prix frise les 250$. Oui, rosé et qualité peuvent tout à fait rimer.

Classé meilleur rosé au monde, le prix du Clos du Temple de Gérard Bertrand frise les 250$. Photo: Facebook Gérard Bertrand

Du rosé à l’année!

C’est sûr qu’on aime parler de rosé en mai et c’est aussi un fait que les ventes de rosé, au Québec, commencent à décliner en août. Mais pourquoi? On boit bien du blanc à l’année!

Notre avis, et celui de plusieurs vignerons, est qu’il s’agit d’une question d’association. On associe le rosé à l’été, tout simplement. Une question de marketing et d’habitudes. Pourtant, la couleur rose est très festive – imaginez de belles bulles rosées sur une table de Noël, près de la gelée de canneberge! De plus, les rosés accompagnent à merveille plusieurs plats, comme le porc, le thon, le prosciutto et les fromages.

À nous de faire changer l’expression rosé all day ou plutôt de la traduire par du rosé à l’année!

4 rosés à déguster

Sans plus tarder, voici quelques suggestions de rosés à siroter.

Vieux Château d’Astros 2021

Ce rosé bio français présente une belle couleur rose pâle, délicate tout comme son bouquet. Le nez est frais, fruité avec une touche d’agrumes et d’épices, voire une pointe tropicale. En bouche, le fruit rouge se fait léger, mais bien présent.

Sans contredit, ce vin charme par son côté rafraîchissant et son élégance. Un rosé de Provence comme on les aime, avec 2,7 g/L de sucres résiduels et 13,5% d’alcool. Du côté des cépages, il s’agit d’un assemblage typique de grenache, syrah, carignan et cinsault. Excellent en tout temps!

En plus d'être bon en tout temps, ce vin charme par son côté rafraîchissant et son élégance. Photo: SAQ.com

Vieux Château d’Astros 2021. Vin rosé, 750 ml. 19,85$

E. Guigal Côtes-du-Rhône 2020

On passe de la Provence au côte-rôtie, toujours en France, avec un magnifique assemblage de grenache, cinsault et syrah qui ravira les amateurs de rosés.

Le rose de sa robe est plus foncé, car il s’agit d’un vin de saignée – au lieu d’être pressé, le liquide est tiré d’une cuve de vin rouge alors que la macération ne fait que commencer. Le vin obtenu est sec (1,7 g/L), fruité et rond, sur des notes de canneberges et de gadelles. Incluez-le dans une dégustation de rosé à l’aveugle et il grimpera sur la première marche du podium – il vaut clairement les quelques dollars de plus.

Incluez ce vin dans une dégustation de rosé à l’aveugle et il grimpera sur la première marche du podium! Photo: SAQ.com

E. Guigal Côtes-du-Rhône 2020. Vin rosé, 750 ml. 23,25$

Bonny Doon Vineyard Vin gris de Cigare 2021

«Gris» est un adjectif parfois utilisé pour qualifier la couleur rose pâle de certains vins. Celui-ci est un autre rosé exceptionnel à découvrir. Il nous provient des États-Unis, plus précisément de Californie. Cette fois-ci, l’assemblage sort un peu de l’ordinaire avec un trio de grenaches (rouge, gris et blanc) que complète du cinsault. Il est très sec, à moins de 1,2 g/L, avec des notes de petits fruits rouges et de fleurs. Il fera le bonheur des convives!

Ce vin très sec fera le bonheur des convives. Photo: SAQ.com

Bonny Doon Vineyard Vin gris de Cigare 2021. Vin rosé, 750 ml. 19,95$

Les Artisans du Terroir Prémices Rosé 2020

Finissons sur une suggestion du Québec: le rosé du vignoble Les Artisans du terroir. Nous produisons dans notre coin de pays d’excellents rosés qui valent d’être appréciés à leur juste valeur. Notre climat fournit une belle dose d’acidité aux vins et une fraîcheur marquée par les fruits rouges. Les cépages utilisés sont des hybrides qui poussent bien malgré nos hivers: frontenac, chancellor et seyval noir. L’ensemble est généreux et se termine sur des notes herbacées. On nous le propose avec des salades ou même des viandes grillées.

Nous produisons au Québec d’excellents rosés qui valent d’être appréciés à leur juste valeur. Photo: SAQ.com

Bonne dégustation!

Jessica et son équipe