Photo: Depositphotos
14 février 2023Auteure : Véronique Leduc

Surcyclage alimentaire: de résidu à délice

Il y a l’inflation, il y a l’environnement et il y a l’idée de faire honneur au travail de ceux et celles qui produisent nos aliments. Toutes les raisons sont bonnes pour éviter le gaspillage alimentaire. Et désormais, le surcyclage se met de la partie.



Le gaspillage alimentaire est encore trop présent dans nos maisons, mais aussi dans les entreprises du secteur. En effet, selon des données publiées en 2022 par le gouvernement québécois, 16% des aliments qui entrent dans le système bioalimentaire de la province sont perdus ou gaspillés. Et c’est encore pire quand on s’attarde aux résidus de production d’aliments transformés, qui représentent une perte moyenne de 60%. On estime en plus que le gaspillage alimentaire compte pour 8% des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale.

Pour diminuer ce gaspillage, le surcyclage, parfois aussi appelé upcycling ou suprarecyclage, fait sa place. Mais qu’est-ce que c’est exactement? Le surcyclage consiste à utiliser des matériaux ou des produits dont on n’a plus l’usage et qu’on considère habituellement comme des déchets pour les réintroduire dans la chaîne de consommation, après revalorisation ou détournement de leur fonction initiale. En d’autres mots, on fait du neuf avec du vieux. D’ailleurs, preuve de sa popularité grandissante, le mot «surcyclage» fait son entrée dans le Petit Larousse cette année!

Le surcyclage est différent du recyclage dans le sens où, à l’inverse des méthodes traditionnelles, qui dégradent les matériaux pour les revendre à moindre coût, ici, on cherche plutôt à maximiser l’utilisation de ce qu’on considère comme des déchets pour leur donner une nouvelle valeur plus élevée. C’est pourquoi on l’appelle aussi parfois «recyclage par le haut».

Pour diminuer le gaspillage alimentaire, le surcyclage, parfois aussi appelé upcycling ou suprarecyclage, fait sa place. Photo: Simon Peel, Unsplash

De nouvelles utilités à goûter

La tendance est installée depuis quelques années déjà dans d’autres secteurs, comme celui de la décoration, où on donne un coup de pinceau ou fait quelques modifications pour transformer un vieil objet désuet en une pièce unique et «nouvelle».

Mais, depuis plus récemment, le monde de l’alimentation s’y met lui aussi. Après tout, le surcyclage est avantageux pour les entreprises, en leur permettant d’être créatives en plus de diversifier et d’augmenter leurs sources de revenus.

Au Québec, Loop Mission a été précurseur dans le domaine, puisque depuis 2016, l’entreprise transforme en jus les fruits et légumes «moches» de diverses entreprises alimentaires sinon destinés aux poubelles. L’entreprise estime ainsi avoir sauvé plus de 15 000 tonnes de fruits et de légumes.

Depuis 2016, Loop Mission transforme en jus les fruits et légumes «moches» de diverses entreprises alimentaires sinon destinés aux poubelles. Photo: Facebook LOOP Mission

Plus récemment, Rebon a été créée par les propriétaires de la microbrasserie Maltstrom, dans Lanaudière. Ces derniers transforment en craquelins la drêche, un résidu de céréales issu du brassage de la bière. Et ils ne sont pas les seuls à faire du surcyclage avec la drêche. Saison 2 et Malterre, par exemple, en font aussi des craquelins, alors que Still Good, à Montréal, la transforme en biscuits sucrés et barres, et que Boomerang la change en farine.

Rebon transforme en craquelins la drêche de microbrasserie. Photo: Facebook REBON

Du côté des vignobles québécois, la tendance est depuis peu à réutiliser le marc de raisin, soit les résidus secs résultant du pressurage ou du foulage des raisins, afin de le transformer en un prêt-à-boire: la piquette. Cette dernière est constituée de marc, d’eau ainsi que de fruits, de jus, de miel ou d’aromates. Québec a donné son aval pour la production de cette boisson en 2021, et depuis, plusieurs vignerons se sont lancés dans l’aventure.

En France, Circul’Egg donne une seconde vie aux coquilles d’œufs, riches en minéraux, afin de les transformer notamment pour l’alimentation animale, les compléments alimentaires ou la cosmétique.

Le surcyclage peut aussi être adopté à la maison, en cuisinant et en revalorisant ce qu’on considère habituellement comme des déchets. Un pesto aux fanes de carottes ou des chips aux épluchures peut-être?

Fruits et légumes, drêche de bière, résidus de raisins ou coquilles d’œufs ne sont que quelques exemples parmi d’autres de ce qui se fait présentement. Selon le cabinet Future Market Insights, le marché mondial des produits issus du surcyclage aurait atteint plus de 53 milliards d’euros en 2022 et pourrait dépasser les 83 milliards d’ici à 2032. Et d’après plusieurs experts du domaine, les possibilités sont infinies si on accepte de penser en dehors de la boîte.

Le surcyclage fait cette année son entrée dans le dictionnaire, mais aussi certainement dans nos assiettes!