@Claude Côté, organisme Le Filon

Les cuisines collectives ont la cote!

Cuisiner en groupe? Cette idée s’est frayé un chemin dans la tête de nombreux Québécois depuis les années 1980. Même la crise sanitaire n’a pas réussi à freiner l’élan incontestable que connaissent les cuisines collectives partout dans la province. Portrait d’un mouvement solidaire, rassembleur et… gourmand!



Comme tout mouvement, celui des cuisines collectives est né d’une simple idée. Deux sœurs habitant le quartier Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal, souhaitaient proposer à leurs proches et voisins une alternative aux banques alimentaires. En 1982, elles ont commencé à former de petits groupes pour faire des achats et de la cuisine en commun.

Rapidement, le concept a intéressé des organismes du quartier et d’ailleurs. Pour avoir une voix, une vision et des ressources communes, le Regroupement des cuisines collectives du Québec a été mis sur pied en 1990. On comptait alors déjà une centaine de cuisines collectives à travers le Québec!

Aujourd’hui, la province compte à peu près 1400 groupes de cuisine collective, des Îles-de-la-Madeleine à Gatineau, qui ne sont plus destinés uniquement aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou d’isolement social. «Il peut s’agir de cégépiens, de mères en congé de maternité, de retraités, de végétariens. Et c’est aussi un mouvement de moins en moins genré, qui s’équilibre entre les femmes et les hommes qui y participent», indique Marianne Brisebois, chargée de projet aux communications du Regroupement des cuisines collectives du Québec (RCCQ).

@cuisine collective du Fonds communautaire Des Chenaux

Les quatre étapes de la cuisine collective

Même si la vision défendue par ses fondatrices a évolué avec le temps, le mouvement des cuisines collectives repose sur quatre idées (une fois que le groupe est fondé et dispose d’un local adéquatement équipé pour cuisiner):

1- La planification

Une étape essentielle lorsqu’on prévoit cuisiner en groupe. Celle-ci comprend le choix des recettes de manière démocratique – une valeur très importante pour les cuisines collectives – et tient compte des intolérances possibles de certains membres du groupe, ainsi que le calcul du budget associé. «De plus en plus de gens sont portés à se regrouper selon leurs goûts alimentaires tout autant que selon leur proximité géographique», précise Mme Brisebois.

2- Les achats

Les achats sont faits par le groupe au complet ou par certaines personnes volontaires. Des groupes peuvent baser la participation financière de leurs membres par séance de cuisine commune, et d’autres préfèrent les faire cotiser chaque semaine ou chaque saison, notamment pour faire des stocks de denrées non périssables.

3- La cuisine!

En cuisine, on divise les rôles. Tout le monde se met à l’ouvrage, puis chaque participant repart avec ses portions de plats cuisinés en commun, ou le groupe en redistribue une partie à des organismes de soutien alimentaire.

4- L’évaluation

La dernière étape est celle de l’évaluation. Les groupes font alors le point sur leur dernière rencontre, en distinguent ce qui a le mieux et le moins bien fonctionné afin de s’améliorer pour une prochaine séance et d’éviter tout malaise personnel possible chez les participants.

@Claude Côté, organisme Le Filon

Cuisines collectives et pandémie

La crise sanitaire a ralenti les activités des cuisines collectives au même titre que celles de tous les autres groupes de socialisation. Mais elle ne les a pas stoppées pour autant, puisque dès qu’elles ont pu le faire, certaines d’entre elles se sont de nouveau réunies en nombre réduit, masques, visières et distanciation inclus. Plusieurs initiatives virtuelles ont également vu le jour pendant cette période.

Des cuisines collectives comme celle du Haut-Saint-François, en Estrie, ont par exemple monté des boîtes contenant des aliments et des recettes, un peu comme les compagnies de prêt-à-cuisiner, de manière à ce que les membres du groupe puissent les cuisiner.

Dans les Laurentides, le Centre d’entraide Racine Lavoie a de son côté réalisé ses sessions de cuisine commune via Zoom. «Et il n’a pas été le seul, ajoute Marianne Brisebois. Ces partys de cuisine à distance ont été très populaires depuis un an, notamment parce que les enfants des membres des groupes n’avaient plus besoin de se faire garder et pouvaient en plus participer à la préparation des plats.» Quelques groupes ont même enregistré des capsules vidéo pour permettre à leurs membres de concocter en solo, étape par étape, des recettes.

«Nous avons aussi constaté que depuis le début de la pandémie, les demandes d’informations et les inscriptions de nouveaux groupes se sont multipliées», indique Mme Brisebois, dont le regroupement fournit des formations pour créer un groupe de cuisine collective, en plus d’organiser des activités et de soutenir les groupes adhérents. «Ces nouveaux groupes peuvent être motivés par l’idée de contrer l’insécurité alimentaire, qui a gagné du terrain depuis un an, mais aussi par le désir de cuisiner, qui a fait un retour en force dans les activités des Québécois.»

@cuisine collective du Fonds communautaire Des Chenaux

Retour à la (nouvelle) normale

Les cuisines collectives sont donc promises à un bel avenir au Québec. Selon la grandeur et la capacité des locaux qu’elles utilisent, un retour à la normale se fera graduellement au fil de l’allègement des contraintes sanitaires. «Mais je peux vous dire une chose, c’est que les membres de tous les groupes ont hâte de revenir derrière les fourneaux! soutient Marianne Brisebois. Beaucoup de témoignages que nous avons reçus au cours de la dernière année montrent à quel point les gens ont hâte de cuisiner, mais surtout de se revoir.»

Et pour accompagner cette renaissance, le RCCQ vient d’inaugurer un nouveau logo affichant les valeurs solidaires et rassembleuses d’un mouvement qui ne cesse de nous étonner par son dynamisme. Alors, à l’heure où il est plus que jamais question d’entraide, de locavorisme et de socialisation citoyenne, pourquoi ne pas vous aussi succomber à l’appel des cuisines collectives? Nul doute que vous en trouverez une qui vous séduira non loin de votre domicile.