7 mars 2016Auteure : Véronique Leduc

La nouvelle gastronomie cubaine

La gastronomie cubaine est en pleine transformation. Coup d'œil sur les nouveautés. 



Ceux qui sont déjà allés à Cuba se rappelleront la mer bleue, le sable fin, le soleil chaud, la musique endiablée, les sourires chaleureux, le rhum et les cigares, mais ont certainement déjà oublié les plats qu’ils y ont dégustés. Pourtant, grâce aux changements annoncés au pays, les assiettes de l’île communiste pourraient bientôt faire partie, elles aussi, des raisons de la visiter.

Grâce à de moins grandes restrictions depuis l’arrivée au pouvoir de Raúl Castro, une réelle volonté du président Barack Obama de lever prochainement l’embargo économique américain en vigueur depuis 1962 et sa visite annoncée à Cuba les 21 et 22 mars prochains, les changements semblent s’accélérer sur l’île. Et l’alimentation n’y échappe pas.

Grâce à cette nouvelle ouverture des États-Unis et au fait que la destination est plus à la mode que jamais, Cuba a connu en 2015 son année touristique la plus achalandée, avec un record de 3,5 millions de visiteurs. Ainsi, de nouveaux vols ont été annoncés, des investisseurs se montrent intéressés, des hôtels sont construits et l’offre gastronomique se voit peu à peu transformée.

Pendant des années, les Cubains devaient importer 80% de leur nourriture à cause de l’embargo imposé par leur voisin américain et du rationnement imposé aux citoyens. Ainsi, les assiettes, sur l’île, même celles des visiteurs, étaient la plupart du temps composées de riz, de pommes de terre et de salade défraîchie.

L’arrivée de la malbouffe

Pour les Cubains, les choses tendent à changer, pas nécessairement pour le mieux, estime Janice Argaillot, chercheuse et professeure à l’Université de Grenoble, en France, qui s’intéresse à l’alimentation cubaine. Interviewée récemment, elle affirmait avoir remarqué à Cuba de nouvelles et nombreuses publicités pour des produits alimentaires industrialisés, les multinationales voyant l’île comme un nouveau marché et affichant leurs produits désormais disponibles. La chercheuse craint donc l’arrivée et la plus grande accessibilité de la malbouffe pour des gens qui manquent souvent de moyens financiers et qui pourraient se tourner vers cette solution facile.

Destination gastronomique?

Mais pour les visiteurs, les conséquences des changements à Cuba s’annoncent plus positives. En effet, depuis trois ou quatre ans, l’offre en restauration évolue à grande vitesse, et est encore plus grande grâce à l’ouverture des relations entre le pays et les États-Unis. On dit même que, dans certains quartiers, un nouveau restaurant ouvre chaque jour. Les paladares, ces petits établissements cachés ouverts par des particuliers pour faire un peu d’argent, de plus en plus tolérés depuis que Raúl Castro est au pouvoir, font partie de cette nouvelle offre. Certains de ces petits restaurants familiaux privés sont même désormais fréquentés par de grandes stars internationales, phénomène témoignant d’une cuisine qui vaut le détour! Aussi, flairant une nouvelle opportunité, certains chefs cubains, ayant fait leurs classes ailleurs, reviennent sur l’île pour ouvrir leur propre établissement ou y travailler.

Selon certains, on pourrait même parler de «nouvelle gastronomie cubaine», tout particulièrement dans les villes, comme à La Havane. Par exemple, si les produits de la mer étaient autrefois presque toujours exportés, ils peuvent maintenant être pêchés et dégustés sur place. Plus que jamais, les Cubains comprendraient le potentiel d’offrir une cuisine variée aux visiteurs et prêtent attention au décor des restaurants, ce qui était jusqu’à maintenant un aspect négligé.

D’ailleurs, déjà, devant le nouveau phénomène – qui l’eût cru il y a quelques années seulement? – des critiques gastronomiques consacrent des textes complets à leurs coups de cœur gourmands cubains. Comme Marie-Claude Lortie, dans La Presse, ou cette journaliste, Tamar Adler, du magazine Vogue, avec son texte «Why Cuba Is Becoming a Serious Culinary Destination». Et ce n’est, selon plusieurs, que le début d’une explosion culinaire annoncée.

Lors de votre prochain voyage à Cuba, sortez donc des tout-inclus pour aller dans les villes, parce que c’est là que la révolution alimentaire cubaine a lieu, portée par les Cubains. Vous pourrez peut-être ajouter à la mer bleue, au sable fin, au soleil chaud, à la musique endiablée, aux sourires chaleureux, au rhum et aux cigares, de nouveaux souvenirs à rapporter de Cuba.