La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Surtourisme en Espagne: on y va quand même ou non?

Les habitants de Barcelone ne sont plus les seuls à en avoir ras le bol des touristes. Au cours des derniers mois, des manifestations contre les excès du tourisme se sont multipliées aux quatre coins du pays. Que faire si l’on a prévu s’y rendre?



Deuxième pays le plus visité après la France, l’Espagne a reçu plus de touristes que jamais en 2023. Selon les prévisions, ce record de 85,1 millions de visiteurs devrait toutefois être battu d’ici la fin de l’année. On estime à 100 millions le nombre de voyageurs qui devraient s’arrêter au pays de Cervantes en 2024, ce qui équivaut au double de sa population.

Considérant que le tourisme en Espagne représente 12,8% du PIB et que de nombreux emplois en dépendent – 12,6% de tous les emplois –, ces chiffres pourraient être perçus comme une bonne nouvelle. Mais pas pour les Espagnols, qui voient le prix des logements gonfler et qui ont de plus en plus de mal à cohabiter avec les effets négatifs d’un si grand nombre de visiteurs.

Des îles Canaries à l’Andalousie, ils ont été nombreux depuis avril à revendiquer que des mesures soient prises pour limiter le nombre de touristes. Les manifestants demandent notamment que le pays cesse d’en faire la promotion touristique à l’étranger.

À elles seules, les îles Canaries ont vu défiler 16 millions de visiteurs en 2023, soit sept fois plus que ses 2,2 millions d’habitants. Reconnues pour leurs superbes plages, les îles subissent un développement qui nuit tant à l’environnement qu’à la qualité de vie de sa population. En avril, une manifestation a fait couler beaucoup d’encre, notamment parce que certains avaient décidé d’entamer une grève de la faim.

Les îles Canaries subissent un développement qui nuit tant à l’environnement qu’à la qualité de vie de sa population. Photo: Jose Antonio Jimenez Macias, Unsplash

Aussi à Málaga

Depuis quelques mois, des autocollants arborant des slogans anti-touristes ont été apposés sur les murs et les portes de Málaga par des résidents excédés. Le 29 juin dernier, près de 5 500 personnes sont sorties à leur tour dans les rues de la ville pour dénoncer la surfréquentation de leur région. L’un des enjeux majeurs est là aussi la location d’appartements à des touristes, qui les rendent inabordables pour les résidents. Les nuisances sonores font également partie des problèmes les plus souvent dénoncés. «Un touriste de plus, un voisin en moins», pouvait-on lire sur l’une des pancartes repérées par Le Point.

Reconnue pour ses plages et son offre culturelle, la province de Málaga compte 39 000 logements à usage touristique, dont 6 500 dans la ville, selon l’Institut national de la statistique. Même en basse saison, la ville connaît une recrudescence de visiteurs. «Des données récentes de l’Institut national de la statistique espagnol (INE) montrent que huit nouveaux résidents sur dix s’installant à Málaga sont actuellement des étrangers, rapporte EuroNews. Ce ne sont pas seulement les individus qui changent le visage de la ville. Quelque 630 entreprises technologiques, dont Google, ont ouvert des bureaux à Málaga, la transformant en une quasi-Silicon Valley de l’Europe.» Les nomades numériques sont aussi nombreux à l’avoir adoptée pour son climat agréable toute l’année.

Même en basse saison, la ville de Málaga connaît une recrudescence de visiteurs. Photo: Plaza del Obispo de Málaga. Depositphotos

Le problème des logements a aussi fait sortir les habitants de Majorque, dans les Baléares, en mai, malgré l’annonce des autorités de réduire le plafond de lits touristiques de près de 4,2%. Pourtant, dès 2022, les Baléares ont dit souhaiter geler leur parc hôtelier jusqu’en 2026 pour éviter la saturation touristique, affirmant même vouloir «devenir la première destination circulaire» au monde.

Selon le site web immobilier Idealista, «l’année dernière, les étrangers ont représenté 15% du nombre total d’achats de logements en Espagne, contre 13,8% en 2022, dépassant les 87 300 transactions».

Alors, on fait quoi, comme voyageur?

Le gouvernement espagnol vient d’annoncer des mesures de répression contre les locations de vacances saisonnières et à court terme. De son côté, le maire de Barcelone, Jaume Collboni, a dévoilé un plan visant à supprimer progressivement toutes les locations de courte durée d’ici 2029.

En attendant, que faire si l’on a prévu visiter l’une des villes où se sont récemment déroulées des manifestations? Si nos dates de voyage sont flexibles, le mieux est d’abord d’éviter les périodes de pointe. Privilégier hôtels, auberges ou toute autre infrastructure conçue pour les touristes m’apparaît aussi plus éthique que louer un appartement, considérant que c’est l’un des plus grands irritants.

Néanmoins, nous ne réglerons pas les problèmes qui doivent l’être par les Espagnols eux-mêmes. Alors, gardons en tête la base: le respect. Mettons-nous à la place des locaux. Peut-être éviterons-nous ainsi d’élever la voix ou de faire rouler nos valises sur le pavé au petit matin dans un quartier résidentiel…

P.S. Les dernières phrases de mon texte valent bien sûr pour toutes les destinations 😉

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