La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Cher coronavirus…

Cher coronavirus,

D’abord, je dois dire que je suis fortement impressionnée par ton sens du spectacle. En l’espace de quelques jours, tu es passé de vulgaire entrefilet à phénomène planétaire. Tu t’es insinué dans nos vies encore plus vite qu’un influenceur avec des milliers de faux abonnés. Personne ne connaissait ton existence à la fin de l’année dernière et tu fais désormais les manchettes de tous les bulletins de nouvelles du monde. Tu es même parvenu, après avoir joué les trouble-fêtes, à faire prolonger le congé du Nouvel An chinois! Dire qu’on te dit moins puissant que le SRAS, ton petit cousin, qui a terrorisé le monde entier au début des années 2000, et que l’influenza

Le problème, c’est que je voyagerai en Asie en février, avec transits à Hong Kong à l’aller et au retour, et que tu commences à faire dangereusement augmenter mon niveau de stress. Ce voyage, j’en rêve depuis si longtemps! Il débutera par une dizaine de jours au Sri Lanka, puis se terminera par deux jours en train de Singapour à Bangkok. Voyant ta fougue actuelle, j’ai peur que tu bousilles ces plans que je peaufine depuis plus d’un an.

Tous les bulletins de nouvelles font état d’une pénurie de masques protecteurs d’un océan à l’autre! Photo: Pixabay

Au moment de rédiger ces lignes, seules trois de tes proies ont été découvertes au Canada. Pourtant, tous les bulletins de nouvelles font état d’une pénurie de masques protecteurs d’un océan à l’autre! J’ai rapidement constaté en tentant de m’en procurer un que l’anxiété face à ta possible venue a déjà gagné nombre de mes compatriotes, même si les experts répètent qu’il n’est pas nécessaire de porter des masques au pays. Et moi qui me croyais hypocondriaque!

 J’ai eu l’impression d’avoir gagné à la loterie quand j’ai finalement mis la main sur le précieux objet, dans une pharmacie de ma banlieue montréalaise. Petit bémol, cependant: les simples masques chirurgicaux peuvent protéger les autres de mes propres microbes, mais ne filtrent pas un virus en suspension dans l’air, seulement les grosses gouttelettes, ai-je appris à force de lire sur le sujet. On parle aussi d’une «fausse assurance», parce que leur infaillibilité n’a jamais été démontrée. Il faut en plus le changer fréquemment!

De retour à la case départ, je me suis mise à chercher des masques «N95», avec un «bec de canard», supposément plus efficaces. Mais même les quincailleries n’en ont plus!

Alors, j’ai décidé d’arrêter de trop m’en faire. J’ai mémorisé tous les trucs pour te tenir loin: me laver les mains fréquemment, éviter de les porter à mon visage, désinfecter mon espace dans l’avion à l’aide de lingettes (tel que vu dans les groupes de voyageurs), traîner du gel antibactérien partout… Pas question de te laisser bousiller mon voyage!

Alors, cher coronavirus, au nom de tous les voyageurs qui pourraient se trouver dans ton sillage, veux-tu bien te calmer? J’ai beau avoir un grand sens de l’accueil, toi, je préfère te voir t’évaporer dans la nature. En attendant, je t’ai à l’œil.

Au plaisir de ne jamais faire ta connaissance,

Marie-Julie, voyageuse hypocondriaque-mais-pas-trop

P.-S. Si tu n’étais pas si vilain, je le trouverais presque cute, ton nom. «2019-nCoV», ça me rappelle «R3D2»!