13 choses que vous ne savez (peut-être) pas à propos des Jardins de Métis
Issue de la grande bourgeoisie montréalaise, Elsie Reford, fondatrice des Jardins de Métis, aurait célébré son 150e anniversaire en 2022. En collaborant à la recherche du balado Les merveilleux jardins d’Elsie Reford, produit par Radio-Canada OHdio, j’ai eu l’occasion de plonger dans l’histoire de cette femme peu ordinaire et du lieu exceptionnel qu’elle a imaginé dans le Bas-Saint-Laurent. Voici 13 choses que vous ne savez (peut-être) pas à propos des Jardins de Métis, des faits à garder en tête lors de votre prochaine visite pour prendre la pleine mesure des lieux.
1- Elsie Reford a hérité du «camp de pêche» de son oncle en 1918
Les touristes ont commencé à visiter Grand-Métis après la construction du chemin de fer intercolonial, terminée en 1876. L’oncle d’Elsie Reford, George Stephen, riche homme d’affaires originaire d’Écosse, fait partie de ceux qui sont tombés sous le charme de la région.
En 1886, il achète la seigneurie du Fief Pachot pour 20 000$, devenant ainsi propriétaire de la rivière Mitis de son embouchure jusqu’aux chutes, du pavillon de pêche et de ses dépendances, d’une ferme de plusieurs centaines d’acres et de la pointe aux Cenelles. Passionnée par la pêche, sa nièce Elsie faisait partie de ses visiteurs les plus assidus.
N’ayant pas d’enfant, George Stephen lui a légué son domaine, où a été érigée la Villa Estevan en 1887. À noter qu’«Estevan» est le nom de code télégraphique utilisé par George Stephen et William Cornelius Van Horne dans leurs échanges confidentiels pendant la construction du chemin de fer transcontinental par le Canadien Pacifique, dont M. Stephen est l’un des fondateurs.
2- Elsie Reford était une aventurière, une amoureuse du plein air et une grande voyageuse
Elsie Reford adorait monter à cheval. Elle a aussi étudié à Dresde et à Paris, ce qui lui a permis de maîtriser l’allemand et le français. Jeune, elle a fait le tour de la Gaspésie à cheval avec une amie et, plus tard, avec ses deux fils, Bruce et Eric, avec qui elle aimait aussi faire du camping sauvage. Elle a tenu des journaux de pêche pendant une quarantaine d’années.
En compagnie de son époux, grand collectionneur d’œuvres d’art, elle a visité plusieurs pays. Pendant la Première Guerre mondiale, elle a rejoint ses deux fils en Angleterre, où elle a traduit bénévolement des documents de l’allemand vers l’anglais pour le ministère de la Guerre.
3- Le jardinage ne faisait pas partie des passe-temps d’Elsie Reford avant que son médecin lui recommande de ralentir ses activités, à l’âge de 54 ans
Dans le guide des jardins du Québec consacré aux Jardins de Métis, Alexander Reford écrit qu’on racontait autour de la table familiale que son arrière-grand-mère «ne savait pas distinguer un pissenlit d’une marguerite» et qu’elle ne connaissait rien aux jardins ni aux plantes au moment où elle a entrepris son œuvre. Selon lui, c’était probablement faux. Il affirme toutefois qu’elle s’est lancée dans l’aventure avec «l’enthousiasme de l’amateur» et «la foi du néophyte». C’est sur les conseils de son médecin qu’elle s’est mise à jardiner, après avoir subi une opération pour enlever l’appendice.
4- Selon Alexander Reford, l’un des jardins qui ont influencé Elsie est celui de la demeure louée par son oncle lord Stephen en Angleterre
Après la mort de son épouse, George Stephen n’est jamais retourné à Grand-Métis, endroit qui lui rappelait trop cette dernière. De retour en Angleterre, il a épousé une autre femme et a loué une opulente demeure. La reine Victoria et Edward VII faisaient partie de son cercle d’amis. Aujourd’hui connu sous le nom de Brocket Hall Estate, le domaine abrite désormais un golf, un restaurant et une auberge. Des équipes de tournage utilisent parfois le site comme décor. Des scènes de Downtown Abbey y ont notamment été tournées.
5- Le domaine dont a hérité Elsie Reford était peu propice au jardinage
Rapidement, en creusant, il est apparu évident que la terre du domaine de Grand-Métis était peu hospitalière. Du gravier des plages, du sable et de la tourbe ont été transportés sur le site. Comme les feuillus se faisaient rares, Elsie Reford a aussi eu l’idée d’échanger du saumon contre des feuillus avec ses voisins. Elle les a également convaincus de travailler pour elle. Afin de concevoir un lieu qui lui ressemblait, elle a préféré ne pas embaucher de professionnels. Elle s’informait en lisant livres et magazines et a effectué de nombreux tests avec des fleurs qui n’avaient jamais été plantées dans une région aussi nordique, comme la gentiane, l’azalée, le rhododendron et le pavot bleu.
6- Les Jardins de Métis sont situés à quelques degrés seulement en dessous du 49e parallèle
Au moment de leur création, en 1926, il n’existait aucun autre jardin de ce genre sous cette latitude dans l’est du Canada. Étonnamment, plusieurs éléments qu’on aurait cru néfastes se sont avérés être des atouts pour la culture des plantes vivaces exotiques. Les quelque 3,5 mètres de neige qui tombent sur la région les protègent par exemple du gel, des vents hivernaux et des températures extrêmes pendant le long hiver – généralement de novembre à mai. Les plantes recommencent à pousser dès que le sol est dénudé. La fraicheur nocturne aide par ailleurs à maintenir la floraison. Les jardins comportent aussi plusieurs microclimats.
7- Les rosiers étaient une source d’inquiétude pour Elsie Reford
Dans les années 1920, les hybrides adaptés au froid n’existaient pas encore. Résultat: la culture des rosiers se révélait un échec une fois sur deux au Québec. Dans les carnets qu’elle rédigeait minutieusement, la créatrice des jardins en faisait mention presque quotidiennement. Des rosiéristes canadiens ont conçu des hybrides seulement à partir des années 1960.
8- L’un des anciens rosiers du jardin, le Moylena, portait le nom du domaine Reford dans le comté d’Antrim, en Irlande du Nord, que le grand-père de l’époux d’Elsie a perdu au jeu en 1840
C’est d’ailleurs cet épisode qui l’a amené à immigrer au Canada en 1844. Le fils d’Elsie Reford, Eric, a quant à lui appelé sa villa des Cantons-de-l’Est Moylena. Une génération plus tard, le père d’Alexander a appelé sa ferme «Moylinny». Il ne reste cependant aucune trace du rosier Moylena dans les Jardins de Métis.
9- Elsie Reford a importé des plantes de plusieurs pays
Dans les années 1930, elle a acheté des plants à des pépinières canadiennes et britanniques. En 1935, elle a importé d’Angleterre 15 plants de gentiane. Dix ans plus tard, le jardin en comptait 3000. Elle a fait venir du Royal Botanic Garden d’Édimbourg ses premières graines de pavot bleu, «découvert» par un explorateur anglais appelé Frank Kingdon Ward sur les pentes de l’Himalaya en 1926. Dans le livre Les belles de Métis, Alexander Reford écrit qu’il est «presque certain» qu’Elsie a été la première à cultiver le pavot bleu au Québec. Au Canada, seule Jennie Butchart, fondatrice des Butchart Gardens, à Victoria, semble l’avoir précédée.
10- Le co-fondateur du Jardin botanique de Montréal, Henry Teuscher, faisait partie des alliés d’Elsie Reford
Ils se sont échangés autant des conseils que des plantes. Selon Alexander Reford, son arrière-grand-mère et lui s’admiraient mutuellement. Dans une allocution prononcée au Jardin botanique de Montréal en 1942, Henry Teuscher a décrit le domaine d’Elsie Reford comme étant «as one of the most remarkable gardens in North America (un des plus remarquables jardins en Amérique du Nord)».
11- Le premier «artiste en résidence» aux Jardins de Métis? Robert W. Reford lui-même!
Le mari d’Elsie est considéré comme l’un des pionniers de la photographie au pays. En 1889, il a sillonné l’Ouest canadien avec le premier Kodak grand public commercialisé (Kodak No 1, acheté en 1888) et a photographié des membres des Premières Nations et des travailleurs chinois. Entre 1910 et 1940, il a abondamment photographié le paysage entourant le domaine de Grand-Métis. Ses photographies constituent d’ailleurs des témoins importants de cette époque.
12- L’art et la gastronomie occupent une grande place aux Jardins de Métis
Plus important festival de jardins contemporains en Amérique du Nord, le Festival international de jardins a présenté près de 200 jardins depuis sa création en 2000.
Les Jardins de Métis attirent aussi les amateurs de bonne chère. Tant le café que le restaurant de la Villa Estevan proposent des mets savoureux et locaux. Le chef actuel est Frédérick Boucher, originaire de la région. Une escale gourmande incontournable!
13- Aujourd’hui, une quinzaine de jardins servent d’écrin à plus de 3000 plantes
Accessibles au public depuis 1962, les jardins proposent de nombreuses activités, dont le Thé littéraire, des concerts en plein air, des conférences, des formations, des 5 à 7, des événements culinaires, des randonnées en plein air et des corvées environnementales.
L’architecte Pierre Thibault fait aussi partie des précieux collaborateurs d’Alexander Reford, historien de formation. L’arrière-petit-fils d’Elsie est directeur des Jardins de Métis depuis 1995. Il a aussi reçu l’Ordre du Canada pour son leadership dans la communauté horticole canadienne, pour son soutien au développement du tourisme régional et pour sa contribution à la conservation du patrimoine et de l’environnement.
Sources: Site web des Jardins de Métis, livres Jardins de Métis, Les belles de Métis et Les guides des jardins du Québec – Jardins de Métis, documentaire Il était deux fois un jardin et différentes entrevues avec Alexander Reford, dont celle-ci.