Hillside: Habitat 67 enfin complété (ou presque)

Avec ses 354 modules imbriqués l’un dans l’autre, Habitat 67 demeure une icône architecturale, plus de 55 ans après sa construction. Il s’agit néanmoins d’une fraction du projet imaginé par l'architecte Moshe Safdie. La technologie nous permet maintenant de voir l’ampleur de ce rêve inachevé.

Si vous avez déjà visité Habitat 67 — ou si vous avez la chance d’y habiter! —, vous savez à quel point le complexe se démarque. La cité dans la ville, qui souhaitait répondre au défi de l’étalement urbain, offre une entrée privée, une vue sur plusieurs côtés et une vaste terrasse à chacun des résidents, en plus d’espaces communs.

La reconstitution numérique permet de voir à quoi ressemblerait l’ensemble architectural dans toute sa grandeur. Image: Epic Games

Malgré sa reconnaissance mondiale, l’ensemble tel qu’on le connaît ne représente qu’une minuscule partie de ce que devait être Habitat 67. Le budget de 15 millions de dollars (pour un projet estimé initialement à 45 millions) a nécessité des coupes et des compromis. Seulement une poignée des quelque 1000 unités prévues ont été réalisées.

La firme Safdie Architects et l’agence de création Neoscape ont uni leurs efforts pour recréer la vision originale de l’architecte en réalité virtuelle. Image: Epic Games

La firme Safdie Architects et l’agence de création Neoscape ont uni leurs efforts pour recréer la vision originale de l’architecte en réalité virtuelle, en utilisant l’outil de création 3D Unreal Engine 5 développé par Epic Games. La reconstitution numérique permet de voir à quoi ressemblerait l’ensemble architectural dans toute sa grandeur.

Les bâtiments jamais construits s’élèvent à un angle qui semble défier la gravité. Image: Epic Games

La visite virtuelle, disponible uniquement via ordinateur, impressionne. Les bâtiments jamais construits s’élèvent à un angle qui semble défier la gravité, en empilant des appartements préfabriqués sur 20 à 30 étages.

Chaque unité possède son jardin, et les lieux publics s’abritent sous les édifices. On y trouve un hôtel, des bureaux, une école ainsi que des espaces verts et des plans d’eau. Un des thèmes principaux d’Habitat 67, «un jardin pour tout le monde», prend d’ailleurs ici tout son sens. La nature règne.

Un des thèmes principaux d’Habitat 67, «un jardin pour tout le monde», prend  ici tout son sens. Image: Epic Games

Ce monde virtuel inclut aussi les commentaires de Moshe Safdie sur sa toute première réalisation. Ça donne envie de voir d’autres concepts architecturaux qui n’ont pas vu le jour.

Conte de fées, Stephen King

Il faut l’avouer, retrouver dans une même phrase «Stephen King» et «conte de fées» est plus qu’improbable. Mais voilà que Stephen King nous réserve une belle surprise, qui pourrait décontenancer tous ses lecteurs habituels. Conte de fées, le dernier roman de King, étonne, aussi bien par le sujet du récit que par l’atmosphère dans laquelle il nous baigne. Très rapidement, on se laisse prendre au jeu, on plonge dans l’histoire avec délice et on est happé du début à la fin, en oubliant presque que cet auteur a déjà écrit des romans comme Carrie, Shining, l’enfant lumière, Ça et Misery. Pour une fois, le maître fait de la place à ceux qui ont l’horreur… en horreur!

«Je restai planté là malgré tout, ma lampe à la main, paralysé par la peur. La peur de quoi? De l’inconnu: la chose la plus effrayante qui soit.» - Page 210

Les escaliers en colimaçon

Dans le premier tiers de Conte de fées, nous faisons connaissance avec Charlie, jeune adolescent de 17 ans, sportif, populaire, qui réussit bien tout ce qu’il entreprend. À la suite de la mort accidentelle de sa mère, il vit seul avec son père, qui sombre dans la dépression et dans l’alcool. Son monde s’écroule. Puis la rencontre d’un vieil homme «bougonneux» et de son chien viendra transformer sa vie. Voici le premier escalier en colimaçon: commence alors une relation qui va se développer tout simplement, marche par marche, doucement, et qui tracera le portrait de ces personnages dans une ode à l’amitié, décrite de façon magistrale par Stephen King. Des pages fascinantes!

Dans la cour arrière de la maison du vieux monsieur Bowditch, il y a un cabanon à la porte cadenassée. Parfois, Charlie y entend de drôles de bruits. Un jour, par curiosité et nécessité, Charlie franchira cette porte étrange, et dans la remise de jardin, il fera une découverte étonnante. Un autre escalier en colimaçon qui le conduira dans un monde parallèle, là où prend tout son sens le titre du roman. Le jeune adolescent y découvrira un monde post-apocalyptique où l’espoir est mort et la peur est devenue la «maîtresse des lieux».

Voilà donc un «terrain de jeu» où le maître du suspense peut laisser éclater son imaginaire. King nous décrit un monde noir où les quelques endroits encore colorés ont d’étranges façons d’être: un cheval qui parle, un cadran solaire qui remonte le temps, une cordonnière philanthrope, des gens gris et, bien sûr, quelques monstres bien méchants, pour agrémenter le tout. Pas trop d’horreur, juste une touche (il faut bien entretenir sa réputation d’auteur de romans d’horreur!).

Quand vous aurez mis la main sur l’énorme bouquin, prenez le temps de regarder l’illustration de la page couverture. Ce troisième escalier en colimaçon qui ressemble à l’œil d’un monstre trace exactement le portrait symbolique de ce qu’est ce roman: une descente lente et périlleuse vers un monde différent où l’amitié (même avec un chien) et l’amour peuvent peut-être gagner la partie. Charlie devra jouer un rôle important dans ce combat vers un monde meilleur, un scénario où son courage sera mis à rude épreuve.

Je tiens à souligner l’apport important des illustrations de Gabriel Rodriguez et de Nicolas Delort qui viennent ajouter une touche de mystère au récit tout en donnant vie à l’imaginaire de Stephen King.

Conte de fées, c’est aussi un hommage à la culture américaine, à certains auteurs marquants et à des œuvres qui ont habité l’adolescence de beaucoup de jeunes lecteurs et lectrices. Dont nous, bien sûr! Le roman est d’ailleurs dédicacé à trois grands auteurs: Robert E. Howard, le créateur de Conan le barbare, Edgar Rice Burroughs, le père de Tarzan, et à l’immense H.P. Lovecraft. En plus, tout le long de l’histoire, King parsème le récit de quelques référents culturels qui nous font sourire, entre autres Alice au pays des merveilles, Le magicien d’Oz, Le haricot magique, La guerre des mondes, Raiponce, Psychose et même quelques touches de Walking Dead. Enfin, le lecteur avisé découvrira parfois quelques clins d’œil à la politique américaine actuelle, et ce, tout en nuances et en subtilité.

Si le nom de Stephen King vous a toujours rebuté, voici un roman qui pourrait peut-être vous donner le goût de prendre (ou reprendre) contact avec ce grand écrivain contemporain. Raconteur hors pair, avec une écriture efficace et une dégaine à l’emporte-pièce, l’auteur, malgré plus de 700 pages, nous offre un récit où la lecture coule comme un ruisseau au printemps, vif, foisonnant et plein de rebondissements.

Si vous êtes fan, sautez sur l’occasion de trouver un Stephen King un peu différent, comme celui qui avait écrit Le talisman des territoires avec Peter Straub. Avec Conte de fées, Stephen King, le maître de l’horreur, nous démontre qu’il est parfaitement capable de sortir des sentiers qu’il a lui-même battus et qu’il peut en défricher d’autres avec autant de talent.

Du grand King!

Bonne lecture!

Conte de fées, Stephen King. Éditions Albin Michel. 2023. 729 pages.

Bibimbap, mochi et halloumi désormais dans le dictionnaire

Chaque année, les principaux dictionnaires ajoutent de nouveaux mots à leur liste. Cette année, c’est 150 nouveaux mots qui ont été ajoutés et qui reflètent notre époque. Entre iel, chiller, covidé et écoanxiété, en voici quelques-uns qui parlent de cuisine.

C’est le 10 mai 2023 que Le Robert et le Larousse ont dévoilé leur édition 2024, incluant les nouveaux mots qui sont souvent le reflet des tendances et de l’actualité. Par exemple, plusieurs termes de ces nouvelles moutures sont nés à la suite de la pandémie alors que d’autres parlent de la situation environnementale. «Les mots nouveaux […] sont un miroir tendu sur la société, on va retrouver dans ces mots nouveaux les principales préoccupations de la société de l’époque», a d’ailleurs dit la lexicographe Géraldine Moinard.

Des mots pour ouvrir l’appétit

Parmi les nouveaux venus, quelques mots désignent des mets venus d’ailleurs, mais tellement popularisés qu’ils font leur place dans la langue française. C’est le cas par exemple du banh mi, ce sandwich vietnamien fait d’une demi-baguette et garni de viande marinée et cuite, accompagnée de légumes crus et de coriandre fraîche.

Le banh mi, ce sandwich vietnamien fait d’une demi-baguette et garni de viande marinée et cuite, accompagnée de légumes crus et de coriandre fraîche, fait son entrée dans le dictionnaire. Photo: Amy Tran, Unsplash

C’est le cas aussi du bibimbap, un nom masculin qui signifie en coréen «riz mélangé». Ce plat composé de riz, légumes sautés et viande, surmonté d’un œuf au plat et assaisonné de piment, se retrouve souvent sur les menus des restaurants, mais ne se trouvait pas encore dans les dictionnaires.

Le bibimbap, qui signifie en coréen «riz mélangé», ne se trouvait pas encore dans les dictionnaires. Photo: Ian Naag, Unsplash

Le halloumi, un fromage de type feta originaire de Chypre qu’on connaît bien, trouve lui aussi officiellement sa place dans la langue française.

Le halloumi, un fromage de type feta originaire de Chypre, trouve lui aussi officiellement sa place dans la langue française. Photo: depositphotos.com

Plusieurs spécialités asiatiques sont définitivement entrées dans les mœurs culinaires des francophones: le mochi, un mot japonais, fait également son apparition dans les dictionnaires. Le petit gâteau sphérique à base de pâte de riz gluant et fourré de pâte de haricots rouges a été réinventé en Occident et on le retrouve fourré de crème glacée dans plusieurs épiceries.

Le mochi, petit gâteau sphérique à base de pâte de riz gluant, fait aussi son entrée dans le dictionnaire. Photo: Pexels

Dans un autre ordre d’idées, le mot Nutri-Score trouve aussi désormais sa place. Cette marque déposée désigne le logo apposé sur l’emballage d’un produit alimentaire transformé pour permettre d’en évaluer facilement les qualités nutritionnelles grâce à un code de couleurs et de lettres.

Et finalement, faites place au ziste, la partie blanche et très amère de l’écorce des agrumes située juste sous le zeste, et qui sert pour certaines confiseries.

Preuve que la langue, comme la cuisine, n’arrête jamais d’évoluer!

Un événement pour les passionnés d’histoire

Passionné d'histoire? Du 12 au 14 mai, les 14 musées d’histoire, d’archéologie et d’ethnographie de Montréal vous proposent des activités spéciales – la plupart gratuites – dans le cadre du Festival d’histoire de Montréal. Voici ce qui a retenu notre attention dans la programmation.

Une nouveauté: le Salon de l’Histoire

Rencontrez ceux qui dénichent, conservent, écrivent et valorisent l’histoire de Montréal et de ses quartiers au Salon de l’Histoire, une nouveauté dans la programmation de cette troisième édition du Festival d’histoire de Montréal. Seront réuni à la Grande Place du Complexe Desjardins une quarantaine de kiosques où vous pourrez venir à la rencontre des Sociétés d’histoire et de généalogie du Grand Montréal, des auteurs et des maisons d’édition spécialisées en histoire, en plus d’assister à des spectacles.  L’accès y est totalement gratuit.

Visite de la crypte des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu

Pour la première fois, la crypte des Hospitalières où reposent Jeanne Mance, la co-fondatrice de Montréal, et plus de 600 sœurs de la communauté, sera ouverte au public. Une occasion unique de vivre l’histoire et de découvrir un lieu patrimonial unique. Profitez de votre passage pour visiter l’exposition Notre montagne. Mémoires du Mont Royal, dont vous parlait notre chroniqueur Claude Deschênes en novembre dernier.

Samedi 13 mai et dimanche 14 mai, de 10h à 17h. Musée des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Montréal, 201 avenue des Pins Ouest. Activité gratuite, sans réservation

Pour la première fois, la crypte des Hospitalières où reposent Jeanne Mance, la co-fondatrice de Montréal, et plus de 600 sœurs de la communauté, sera ouverte au public.

Visite architecturale de la Maison Saint-Gabriel

Cette semaine, notre journaliste Emilie Laperrière vous plongeait dans l’histoire de la Maison Saint-Gabriel, propriété de Marguerite Bourgeoys et de la Congrégation de Notre-Dame. Son texte vous a donné envie de visiter l’endroit? Ça tombe bien! Le Musée, qui célèbre les 325 ans de la reconstruction de la maison, vous propose une visite thématique sur l’architecture. Une belle façon d’en apprendre plus sur l’un des plus anciens témoins de l’architecture traditionnelle du Régime français à Montréal.

Dimanche, le 14 mai à 13h (en français) et à 14h (anglais). Maison Saint-Gabriel, 2146 Pl. Dublin. Activité gratuite, inscription obligatoire via la billetterie en ligne.

La Maison Saint-Gabriel vous propose une visite thématique sur l’architecture.

Circuit «chair de poule» dans le Vieux-Montréal

Activité pour les courageux: le circuit Légendes et histoires proposé par Guidatour. À la tombée du jour, un intriguant raconteur d’histoires vous invite à le suivre dans les rues du Vieux-Montréal pour entendre ses récits lugubres et mystérieux. Ce circuit vous entraîne sur les lieux extérieurs où se sont déroulés des événements marquants: phénomènes inexpliqués, sorcellerie, torture, meurtres… De quoi vous donner la chair de poule!

Samedi 13 mai, à 20h30. Point de rendez-vous: Place Royale. Tarif à 29$, taxes incluses, offert à 20% de rabais avec le code promo FHM2023

Envie d’en voir et d’en vivre plus? Cliquez ici pour accéder à la programmation complète du Festival d’histoire de Montréal.

Retour en Nouvelle-France à la Maison Saint-Gabriel

Propriété de Marguerite Bourgeoys et de la congrégation de Notre-Dame, lieu d’accueil des filles du Roy et première école ménagère en Amérique: la Maison Saint-Gabriel préserve plus de 300 ans d’histoire entre ses murs. Incursion dans le passé rural de Montréal.

La Maison Saint-Gabriel est l’une des plus anciennes maisons de la métropole. En 1662, Paul de Chomedey de Maisonneuve cède une terre à la Pointe-Saint-Charles à Marguerite Bourgeoys. Six ans plus tard, celle-ci étend son domaine en achetant les terres et la maison de son voisin, François Le Ber. La propriété loge les sœurs de la congrégation de Notre-Dame de Montréal, qui exploitent la ferme.

La Maison Saint-Gabriel est l’une des plus anciennes maisons de la métropole. Photo: Facebook Maison Saint-Gabriel, musée et site historique

C’est là, entre le fleuve Saint-Laurent et le canal de Lachine, dans un décor champêtre, que les religieuses accueillent les filles du Roy qui débarquent à Ville-Marie. Catherine Crolo, la première métayère d’une longue lignée — elles sont 86 à se succéder comme intendantes, jusqu’en 1955 —, les prépare à leur nouvelle vie. Entre 1668 et 1681, les jeunes filles y apprennent notamment à lire, à compter, à coudre, à cuisiner ainsi qu’à s’occuper du jardin et des animaux.

Entre 1668 et 1681, les filles du Roy débarquent à la maison Saint-Gabriel et  y apprennent notamment à lire, à compter, à coudre, à cuisiner ainsi qu’à s’occuper du jardin et des animaux. Photo: Facebook Maison Saint-Gabriel, musée et site historique

Un incendie détruit en grande partie la demeure en 1693. Seuls la laiterie et l’appentis résistent au feu. La maison en pierre de deux étages est toutefois reconstruite sur les mêmes fondations en 1698. Avec son toit incliné à deux versants percés de lucarnes, ses deux cheminées dans les murs pignons et ses fenêtres à petits carreaux, elle reflète exceptionnellement bien l’architecture rurale du régime français. À l’intérieur, le plancher aux larges planches, les poutres imposantes du plafond et les foyers de pierre témoignent aussi de cette époque.

Suite à l'incendie de 1963, la maison est reconstruite sur ses fondations originales par le maître maçon Pierre Couturier quelques années plus tard. On peut observer des traces de l’incendie sur un ancien cadre de porte calciné par le feu. Photo: Facebook Maison Saint-Gabriel, musée et site historique

Le musée ouvre ses portes en 1966, un an après que la maison et la grange furent classées monuments historiques. Depuis, des milliers de visiteurs plongent chaque année dans le quotidien de la Nouvelle-France, en compagnie de guides en costumes d’époque.