Tout bas ou à voix haute de Marie-Lise Pilote

Je lance une série Lectures d’été pour cette rubrique Livres de la semaine, du moins pour les deux prochains mois. Voici le premier de la série!

Je l’avais mis de côté, avec la ferme intention de le lire et de vous en parler, car j’étais vraiment intriguée par ce livre, signé Marie-Lise Pilote, à qui je ne connaissais pas une plume. Et pourtant, elle en a une. Tout bas ou à haute voix n’est pas de la grande littérature ni une fiction d’ailleurs, mais c’est bien écrit, et le premier texte terminé, on a envie de poursuivre.

Car il s’agit bien d’un recueil de textes, regroupés en sept chapitres. Avec le naturel et la sincérité qu’on lui connaît, Marie-Lise Pilote n’affiche aucune prétention, sinon celle de la conversation ou de la confidence. Chacun de ses textes lève le voile sur tantôt une réflexion, tantôt sur un souvenir, des émotions ou des plaisirs et révèle une profondeur de l’âme. Celle d’une femme qui en dehors de la scène et des rires observe son environnement, ses propres réactions et prend le temps d’approfondir sa pensée sur ce qu’elle vit ou ce qui l’entoure.

En tournant les pages, je me disais qu’au travers ce livre, je découvrais Marie-Lise Pilote avec plaisir. Un peu comme lorsqu’on va souper avec quelqu’un qu’on a connu à la plage et qu’on découvre à quel point c’est une personne intéressante avec qui on pourrait devenir amie.

Donc, l’air de rien, l’auteure nous parle de son enfance, de ce bébé perdu en cours de grossesse, de son rôle de marraine et de belle-mère, de Mali (surnom choisi pour son rôle de troisième grand-mère), de son amoureux, de son entreprise Pilote & Filles, de son passage au Groupe sanguin, de sa filleule, de son amour des pierres et des levers de soleil, de ses techniques de pêche ou de cueillette de petits fruits. Elle nous donne même sa recette de ceviche!

J’aime les rites parce qu’à chacun d’eux, on fait le deuil d’un cycle et on prend conscience des défis à venir.

En lisant le texte où elle parle de ses ateliers de créativité auxquels elle conviait ses amis, j’aurais bien voulu en faire partie.

Résolument, donc, une lecture douce qui fait du bien et qui révèle, non seulement l’auteure, mais un peu de nous-mêmes, car en lisant ses goûts, ses opinons, ses questions, on réfléchit aux nôtres. Elle préfère l’aube, et moi le coucher du soleil... Et son texte sur sa best m’a fait penser à la mienne.

Bien entendu, comme je suis une marraine totalement engagée, le chapitre intitulé Paroles de marraine m’a beaucoup plu, notamment le texte sur le club de lecture de sa filleule. Mais celui intitulé Ces inspirations qui m’animent est mon préféré. Détail intéressant, en préface, l’auteure nous invite à lire certains textes à haute voix, notamment à nos amis ou pour nous-mêmes, histoire de retrouver le plaisir du récit qu’on raconte, de partager ou de trouver le ton et la musique d’un texte. Je compte bien le faire.

Quand survient un moment de remise en question, quand notre monde s’écroule à cause d’une mauvaise décision, quand on se sent happé par une tornade de malheurs ou simplement pour décrocher du quotidien, on retrouve dans ce qui nous inspire un refuge réconfortant. On comprend alors la richesse qu’on a accumulée en alimentant ces goûts qui éveillent nos sens.

Car si les sens sont les portes de l’âme, nos inspirations, elles, sont les clés qui déverrouillent les serrures.

Cela dit, malgré les bons sentiments, le livre ne tombe pas dans la mièvrerie et l’auteure prend clairement pied dans la réalité et dans un certain engagement, notamment celui du féminisme. Soulignons aussi le beau texte de Johanne Fontaine qu’elle reproduit pour notre plus grand plaisir.

Les textes sont truffés de références culturelles, de repères de voyages, d’expériences en tous genres, pas pour l’étalage d’une certaine culture, mais pour le plaisir de toute évidence très vif d’avoir vécu ou vu tout cela. Vous n’aurez peut-être pas envie de faire son «expérience scientifique du sourire», mais la lecture du livre de Marie-Lise Pilote risque, elle, de vous donner envie de sourire à la vie.

Lecture d’été... plaisir assuré.

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Tout bas ou à haute voix, Marie-Lise Pilote, Éditions La Presse, février 2018, 248 pages, 24,95$.

 

Le Bunjil Place, gagnant du prix «Architecture de l’année»

Les International Design Awards (IDA) ont remis les prix de leur 11e édition. C’est le Bunjil Place qui a remporté les honneurs dans la catégorie «Architecture de l’année». Coup d’œil sur ce lieu unique situé au sud-est de Melbourne, en Australie.

Le Bunjil Place est un complexe culturel de 125 millions de dollars qui abrite une bibliothèque, un théâtre de 800 places, des salles de réunion, des bureaux, une galerie d’art, un espace événementiel flexible et une place extérieure.

Vue de l'extérieur
L'extérieur du Bunjil Place donne l'impression de faire face à un aigle qui déploie ses ailes. Photo: idesignawards.com

De l’extérieur, on a l’impression de voir les ailes d’un aigle se déployer. À l’intérieur, on ne peut qu’être obnubilé par l’enchevêtrement de poutres de bois qui se dresse au-dessus de nos têtes.

Vue de l'intérieur
Les lignes étonnantes de l'intérieur du Bunjil Place. Photo: idesignawards.com

Conçue par la firme d’architecture Francis-Jones Morehen Thorp (fjmt), la structure – tout comme le nom de ce complexe culturel – fait référence à la mythologie aborigène australienne. En effet, Bunjil est le dieu créateur et guide spirituel de la nation des Kulin. Dans les différents récits, celui-ci apparaît sous la forme d’un aigle.

La salle de théâtre de 800 places
Le théâtre de 800 places du Bunjil Place. Photo: idesignawards.com

«Le Bunjil Place est remarquable à bien des égards: ses lignes étonnantes, l’utilisation de matériaux modernes et classiques, mais aussi par son but premier, qui est de fournir à la communauté un espace pour collaborer, créer et célébrer. Nous croyons que l’architecture ne consiste pas seulement à concevoir un espace physique, mais aussi à créer un lieu qui inspirera et enrichira la vie des gens. Le Bunjil Place est un merveilleux exemple de la manière dont l’architecture peut représenter et promouvoir l’art et la créativité pour les générations futures», a souligné Hossein Farmani, fondateur et président de l’IDA, lors de la remise du prix.

De profil, à l'extérieur, le Bunjil Place a la forme d'un aigle.
De profil, à l'extérieur, le Bunjil Place a la forme d'un aigle. Photo: idesignawards.com

Par amour du grain

Quel est le point commun entre votre pain, vos pâtes et votre bière? Ils contiennent tous des grains. Et dans l’objectif de mieux faire connaître toutes leurs nuances et de leur rendre hommage, l’événement Le goût du grain rassemble cuisiniers, brasseurs et boulangers.

C’est vrai qu’à une époque où la consommation locale est sur toutes les lèvres, on porte plus rarement attention à la provenance et à la qualité des grains et des céréales avec lesquels sont faits nos aliments. C’est pour cette raison que Marc-André Cyr et Dominique Lalonde, deux mordus de boulangerie, ont eu l’idée, il y a trois ans, de créer Le goût du grain. Avec cet événement, ils souhaitent renforcer la communauté du grain local, élargir la conversation sur le sujet, et contribuer à créer un système alimentaire plus durable.

Ainsi, depuis 2016, lors du rassemblement, ceux et celles qui aiment, travaillent et ont à cœur le grain, sa provenance, sa qualité et sa durabilité célèbrent les céréales d’ici grâce à des conférences et des panels sur le sujet.

Photo: Facebook Le Goût du grain
Photo: Facebook Le Goût du grain

Au menu de cette année: discussions sur la boulangerie québécoise à repenser, sur les grains entiers, sur la part des céréales dans l’héritage culinaire québécois, sur le modèle californien, sur les grains anciens, sur la préservation des semences, puis sur la question de l’approvisionnement local dans la fabrication de la bière et des spiritueux.

Aussi, sur place, un petit «marché du grain» permettra aux fournisseurs et aux associations de partager et de discuter de leur travail.

Au Centre Phi les 10 et 11 juin 2018
Ouvert autant aux curieux qu’aux initiés
Billets en vente sur
le site de Le goût du grain

Soupers de filles de Pascale Wilhelmy

Après Où vont les guêpes quand il fait froid? (2013), Ces mains sont faites pour aimer (2014) et Une nuit, je dormirai seule dans la forêt (2015), la journaliste et auteure Pascale Wilhelmy nous offre Soupers de filles, un bouquin qui s’apparente davantage au récit qu’au roman.

Avez-vous la chance, comme Pascale Wilhelmy, d’avoir des soupers de filles? Moi oui. Durant mes années d’université, on se rejoignait tous les vendredis pour notre traditionnel souper dans un «apportez votre vin» du Plateau Mont-Royal. Aujourd’hui, les soupers ont beau se faire plus rares – vie de fou oblige –, ils sont tout aussi importants. Voire sacrés. Et ma gang de filles, c’est la meilleure. La plus diversifiée, la plus drôle, la plus touchante, la plus attachante. Lire un livre sur les soupers de filles de quelqu’un d’autre, ça piquait ma curiosité. Est-ce que des filles pouvaient avoir autant de fun que nous dans leurs soupers?

En premières pages, l’auteure précise: «Il y a de nous dans ce livre. Des moments, des vérités. Des histoires inventées. J’ai combiné ce qui s’est vraiment produit, ce qui a failli se produire, ce que j’ai imaginé aussi. Afin d’éviter qu’on se reconnaisse trop, j’ai réduit le nombre. De six, nous sommes passées à cinq dans ces pages. Les unes, les autres, j’ai emmêlé nos défauts, nos qualités. Du moins, j’ai essayé. Très fort.» C’est donc avec cette «mise en garde» en tête que j’ai commencé ma lecture.

Au début, je n’étais pas convaincue. L’auteure raconte la rencontre avec ses amies et, sans nommer précisément les choses, on devine rapidement qu’elle fait référence à ses années d’animation de la populaire émission télévisée Star Académie. J’avais l’impression de lire une biographie déguisée, d’être trop loin du roman. Ça me dérangeait. J’ai refermé le livre.

Plus tard, la même journée, j’avais une grosse demi-heure de libre devant moi et le soleil m’invitait à l’extérieur. Je me suis donc installée sur une chaise au soleil et j’ai continué ma lecture. Les chapitres courts et le ton léger étaient parfaits pour cette pause ensoleillée. Peu à peu, j’ai commencé à apprécier les personnages, à m’intéresser à leurs aventures… tant et si bien que j’ai terminé le bouquin le soir même! Je nous ai reconnues dans Lily, Alex, Kim, Juliette et Pascale. J’ai même versé une larme au passage du salon funéraire, qui me faisait revivre ce que j’ai vécu il y a tout juste deux mois. Elles sont si précieuses, les femmes de nos vies.

Les soupers de filles de Pascale Wilhelmy ne sont pas les miens, les nôtres. Mais s’immiscer à la table d’un autre groupe, secrètement, c’est plutôt intéressant. Ce «roman» léger est parfait pour accompagner une belle journée ensoleillée, pour plonger dans les bonheurs de l’amitié… et lancer vite vite l’invitation pour le prochain souper.

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Soupers de filles, Pascale Wilhelmy. Libre Expression, 2018. 208 pages. 22,95$.

Qui est votre agriculteur?

Qu’est-ce que signifie «bien manger»? Quelle est la place des agriculteurs? Et quel est le pouvoir des consommateurs? Voilà les sujets qui ont été mis sur la table récemment par trois chefs réputés et un agriculteur visionnaire.

La semaine dernière, à Montréal, l’événement de conférences créatives C2MTL avait réservé un espace à l’alimentation grâce à un panel intitulé «Au menu: chefs vedettes et agriculteurs visionnaires». Y étaient rassemblés l’agriculteur Jean-Martin Fortier de La Ferme des Quatre-Temps, à Hemmingford, Colombe St-Pierre de Chez Saint-Pierre, au Bic, ainsi que John Winter Russell du Candide, et Normand Laprise du Toqué! et de la Brasserie T!, à Montréal, le tout animé par la communicatrice Katerine-Lune Rollet.

De gauche à droite: Katherine Lune-Rollet, Martin-Luc Archambault, Colombe St-Pierre et Normand Laprise. Photo: Véronique Leduc
De gauche à droite: Katherine-Lune Rollet, Jean-Martin Fortier, Colombe St-Pierre, John Winter Russell et Normand Laprise. Photo: Véronique Leduc

Qu’est-ce que bien manger?

Pour les intervenants rassemblés, «bien manger» va au-delà du simple aspect nutritionnel. Pour l’agriculteur Jean-Martin Fortier par exemple, bien manger «ça veut dire bien produire et apprendre à faire les choses comme il se doit».

De son côté, Normand Laprise croit que de suivre les saisons de notre territoire sera toujours gagnant. «Dans le temps, on mangeait selon les saisons et dans les fermes, on faisait des cannages. Il y avait moins de variété, mais on mangeait bien parce que tout était frais. Il faut revenir aux sources et retrouver la fierté de travailler la terre.» D’ailleurs, pour le Toqué!, le chef affirme avoir préparé l’été dernier 2 500 pots Mason qui ont servi à bonifier le menu d’hiver.

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La place des agriculteurs

La bande a aussi abordé la place des agriculteurs dans l’alimentation des Québécois. «Les chefs ont fait avancer les choses ces dernières années et je pense que les prochains, ce sont les producteurs», a dit Normand Laprise.

«On veut tellement leur faire de la place, a renchéri la chef Colombe St-Pierre. Ils font partie de l’équation. L’agriculture a été abandonnée et c’est vraiment bien de la retrouver!»

Encore dans l’idée de s’adapter aux saisons et aux récoltes, en tant que restaurateur, Normand Laprise a appuyé sur un point: «Il ne faut pas demander aux agriculteurs ce qu’on veut, mais bien ce qu’ils ont à offrir à ce moment précis. C’est comme ça qu’il faut travailler!»

D’où l’importance, selon Jean-Martin Fortier, justement, de revenir à une plus petite agriculture où il est possible de rencontrer et de comprendre le travail de la terre. «La façon dont l’agriculture est faite présentement, ça ne fonctionne pas, c’est trop gros. Mais il y a une nouvelle génération qui arrive et je pense que dans l’avenir, les fermes vont ressembler à celles des années 1930, à échelle plus humaine, mais avec les technologies d’aujourd’hui. Et je pense qu’en multipliant les petites fermes, le Québec pourrait devenir autosuffisant. Il faut remplacer l’agriculture de masse par des masses qui font de l’agriculture!»

Photo: Facebook La Ferme des Quatre-Temps
«[...] je pense que dans l’avenir, les fermes vont ressembler à celles des années 1930, à échelle plus humaine» Photo: Facebook La Ferme des Quatre-Temps

Le pouvoir des consommateurs

Et dans cette transformation alimentaire souhaitée, selon les intervenants, les consommateurs ont un rôle immense. «Les petits producteurs ont besoin de nous et pour les aider, on devrait tous savoir ce qui pousse quand dans notre région», a dit John Winter Russell.

Les chefs croient aussi que pour que les choses changent, il est de la responsabilité des consommateurs d’exiger des aliments d’ici. «Dans les épiceries et les marchés, parfois, ce n’est pas local, mais c’est présenté comme si. Il faut demander d’où ça vient et exiger des réponses claires. De se méfier du faux et de bien s’informer, ça peut faire une grosse différence», croit Normand Laprise. En effet, selon Jean-Martin Fortier, il faut poser des questions, parce que même dans les marchés, il y a «de la frime».

Il faut faire en sorte que ce ne soit pas que les grosses entreprises qui aient le pouvoir, croit de son côté Colombe St-Pierre, qui encourage les gens à visiter les fermiers de leur région et à leur acheter une bête entière, par exemple. «L’autonomie alimentaire, c’est la plus belle idée du monde mais pour ce faire, il faut des décisions politiques. Et si ça ne marche pas, excusez-moi, mais à un moment donné, il va falloir qu’on se choque et qu’on sorte dans la rue pour dénoncer les problématiques. Mais d’abord, ça passe beaucoup par une conscientisation du consommateur », dit la chef du Bic.

Même son de cloche pour Jean-Martin Fortier: « Ce sont les consommateurs qui ont le pouvoir, qui doivent sortir de l’épicerie et aller à la rencontre du producteur. Parce que l’alternative à ce qu’on vit présentement, c’est tellement beau! Viser la petite agriculture, aller dans un resto de quartier, rencontrer ceux qui nous nourrissent... ça devrait être notre projet de société au Québec.»

Photo: Facebook La Ferme des Quatre-Temps
Jean-Martin Fortier au Marché Jean-Talon. Photo: Facebook La Ferme des Quatre-Temps