Visite de Sphere, un monument moderne
L’amphithéâtre Sphere, à Las Vegas, est plus qu’un auditorium pour présenter des films et des spectacles. C’est un véritable monument moderne, estime notre journaliste techno, Maxime Johnson.
Las Vegas est une ville qui ne craint pas l’exagération et les projets plus grands que nature. Ça tombe bien, car avec un écran de plus de 256 000 000 pixels à l’intérieur, plus de 57 millions d’ampoules DEL sur sa surface extérieure et un système de son unique au monde capable, par exemple, de diffuser un film en plusieurs langues en même temps, il aurait été difficile de trouver un meilleur endroit pour bâtir l’amphithéâtre Sphere, un auditorium ultra technologique et unique au monde.
Mon collègue Claude Deschênes vous a récemment fait part de son expérience, plutôt mitigée, après sa visite à Las Vegas. Comme vous le constaterez, j’ai beaucoup plus apprécié.
Qu’est-ce que Sphere?
Sphere est un auditorium nouveau genre, avec la capacité d’accueil d’un aréna de hockey (18 600 personnes assises, ou 20 000 personnes en incluant le parterre), mais où tous les bancs sont d’un seul côté, comme dans une immense salle de cinéma.
Le premier spectacle qui y est présenté est celui de U2, qui doit y faire en tout 25 représentations. Quand le groupe irlandais n’y est pas, c’est plutôt un film qui y est projeté, trois ou quatre fois par jour. L’œuvre de 55 minutes, Postcard from Earth de Darren Aronofsky, est un peu plate, mais elle offre des images éblouissantes de la Terre. Attendez-vous à payer entre 69$ et 249$ US pour un billet, sans compter votre nourriture et vos boissons (qui sont aussi assez chères, à 18$ ou 20$ US pour une bière, par exemple).
D’autres groupes et d’autres films y seront évidemment présentés avec le temps. Des événements s'y tiendront aussi, comme le prochain repêchage de la Ligue nationale de hockey (LNH).
Un écran à DEL format géant
À l’intérieur de Sphere se retrouve un écran géant d’une résolution 16K par 16K. Le chiffre ne semble peut-être pas impressionnant, considérant qu’il existe des téléviseurs 8K sur le marché, mais il s’agit de la plus grande résolution pour un écran du genre au monde.
Avec ses plus de 256 000 000 pixels, sa qualité est impressionnante. L’image est tellement grande que les créateurs de l’auditorium ont d’ailleurs dû créer leur propre caméra (nommée Big Sky) pour tourner les films qui y seront présentés.
Quand on est assis, l’image fait presque tout notre champ de vision. Quand le soleil se lève à l’écran, la luminosité est telle qu’on a pratiquement l’impression d’être à l’extérieur.
Son développement a pris plusieurs années à l’entreprise montréalaise SACO Technologies, qui a notamment dû s’assurer que l’écran laissait passer les sons des haut-parleurs cachés à l’arrière.
Tout l’extérieur de cette sphère de 111 mètres de haut et de 157 mètres de large a aussi été recouvert d’ampoules DEL. En tout, 1,2 million de S-POK, des appareils de la taille d’une rondelle de hockey contenant chacun 48 ampoules DEL, ont été répartis sur la sphère.
De jour comme de nuit, Sphere s'illumine et projette des publicités pour les passants de Las Vegas, ou encore de petits films artistiques (mais surtout des publicités).
Une technologie audio impressionnante
Technologiquement, j’ai surtout été impressionné par la qualité sonore du système à 164 000 haut-parleurs. Ces haut-parleurs cachés derrière l’écran, et le système informatique qui les fait fonctionner, offrent plusieurs technologies modernes, jamais vues à cette échelle.
Premièrement, le système permet la création de faisceaux audio (3D beamforming, en anglais) capables de concentrer le son dans une direction précise. Cette technologie n’est pas nouvelle. Elle existe déjà notamment dans les enceintes Dolby Atmos pour la maison. À l’échelle d’un amphithéâtre, elle permet toutefois beaucoup plus, comme de faire entendre une bande sonore complètement différente à divers endroits de l’amphithéâtre. Ces faisceaux pourraient aussi permettre de projeter un film en plusieurs langues à la fois.
Plusieurs algorithmes ont aussi été développés pour compenser la perte de qualité provoquée par l’écran de DEL, ou encore pour profiter d’une technologie dite de wave field synthesis. Sans trop entrer dans les détails techniques, le système permet par exemple de donner l’impression qu’un son vient d’un endroit précis dans l’espace autour du spectateur. Il permet aussi que le son soit d’un volume constant dans tout l’amphithéâtre, plutôt que très fort à l’avant, et plus faible à l’arrière.
J’ai été frappé par la direction du son, mais aussi par sa clarté. On a tendance à ne pas le remarquer en regardant Postcard from Earth, car on regarde un film et que les salles de cinéma sont généralement dotées de bons systèmes audio. Mais la qualité sonore à Sphere est à des lieues de celle des amphithéâtres de même taille, comme le Centre Bell.
Plus qu’un amphithéâtre: un monument
Sphere est une salle de spectacle impressionnante, mais c’est surtout sa façade extérieure qui vole la vedette.
Que ce soit depuis l’avion, en voiture, à pied ou de sa chambre d’hôtel (plusieurs hôtels de Las Vegas exigent d’ailleurs des frais supplémentaires pour une vue sur la sphère), l’édifice est impressionnant, de jour comme de nuit.
Lors de mon récent passage à Las Vegas, je la voyais tous les jours lorsque je me déplaçais entre le lieu de la conférence à laquelle j’assistais et mon hôtel, et systématiquement, je m’arrêtais pour voir quelles allaient être les publicités affichées, ou quelles étaient les dernières animations. Peu importe ce qui se passe à l’intérieur, Sphere est un spectacle permanent et impressionnant en soi.
Du jour au lendemain, c’est devenu l’icône d’une ville qui n’en manquait pourtant pas.
Pour moi, Sphere est plus qu’un auditorium. C’est un monument. Tout comme les grandes cathédrales sont plus que des églises… La comparaison est risquée, j’en suis conscient, mais les parallèles sont nombreux. Dans les deux cas, ce sont des bâtiments format géant, devant lesquels on ne peut faire autrement que de s’arrêter pour les regarder, et qu’on visite.
Les cathédrales étaient construites à la gloire de Dieu. On peut en dire autant de Sphere, bâtie quant à elle à la gloire de dieux plus modernes, la technologie et la consommation.