Les architectes se mobilisent pour le climat
Après les Britanniques, les Américains, les Australiens et les Néo-Zélandais, c’est au tour des architectes canadiens de signer un pacte international d’action pour le climat. Des architectes de partout au pays déclarent l’urgence d’agir et s’engagent à prendre des mesures concrètes.
La lutte aux changements climatiques repose en partie sur les épaules des architectes, et ces derniers semblent en être conscients. La déclaration canadienne souligne notamment que «la conception, la construction et l’exploitation de notre cadre bâti sont responsables de près de 40% des émissions de CO2 liées à l’énergie et elles ont des répercussions généralisées sur nos sociétés et la santé des systèmes vivants qui assurent notre viabilité».
Intitulée Les professionnels canadiens de l’architecture déclarent l’urgence du climat et de la biodiversité et s’engagent à prendre des mesures urgentes et soutenues, cette déclaration est une initiative du Comité des environnements régénératifs de l’Institut royal d’architecture du Canada (IRAC) et d’architectes d’ici. Elle se base sur une déclaration similaire des architectes du Royaume-Uni qui a recueilli quelque 630 signatures.
Une invitation semblable avait aussi été lancée aux architectes québécois l’an dernier.
Concevoir pour l’avenir
Au-delà des mots, l’initiative canadienne représente un appel à l’action. Comme le rappelle la présidente du comité de l’IRAC, la façon dont nous concevons nos bâtiments a un impact énorme sur l’environnement. «Nous avons la capacité d’apporter des modifications avec les connaissances, la recherche et la technologie existantes. C’est une période passionnante, car nous pouvons faire la différence», a dit l’architecte de Vancouver Mona Lemoine.
La déclaration comprend six mesures pour changer les choses.
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, on propose de miser sur la rénovation et la réutilisation des bâtiments plutôt que sur la démolition ou la construction neuve. Opter pour des stratégies de conception passives et des matériaux respectueux de l’environnement va dans le même sens.
Le document suggère également d’éliminer les déchets et d’appuyer une transition rapide vers des économies circulaires.
Signe des temps, le concept d’architecture résiliente y fait son apparition. Les architectes sont invités à bâtir loin des habitats critiques et des zones vulnérables, comme les plaines inondables. Quand c’est impossible, il est alors suggéré d’intégrer des stratégies d’atténuation et d’adaptation.
S’inspirer des méthodes autochtones
La déclaration aborde aussi la question des peuples autochtones. Une mesure compte ainsi «honorer la sagesse et les droits des peuples autochtones et en tirer des leçons, et donner à ces peuples les moyens d’agir afin de rétablir collectivement des relations harmonieuses avec les systèmes vivants et entre eux».
Adopter les principes et les pratiques de la conception régénérative, promouvoir les changements systémiques rapides nécessaires pour lutter contre les crises du climat et de la santé écologique de même que demander à nos partis politiques de s’engager résolument à maintenir le réchauffement global en deçà de 1,5 °C complètent les mesures proposées.
Mort au béton?
Ces déclarations ont beau ouvrir la discussion, elles n’ont toutefois pas lancé le débat. Les architectes s’interrogent sur les enjeux liés au climat depuis déjà un moment. En 2007, par exemple, l’organisme à but non lucratif Architecture 2030 a lancé le Défi 2030, qui vise à éliminer les émissions de GES dans les nouvelles constructions et les rénovations de bâtiments d’ici 2030 et dans l’ensemble du cadre bâti d’ici 2050.
Plus tôt ce mois-ci, au Architecture of Emergency Climate Summit de Londres, l’ingénieur en architecture et chercheur à l’Université de Cambridge Michael Ramage a souligné que si le béton était inventé aujourd’hui, personne ne penserait que c’est une bonne idée.
«C’est un liquide qui a besoin de camions spéciaux, et ça prend deux semaines pour devenir ferme. Et ça ne fonctionne même pas si vous n’y mettez pas d’acier», a-t-il expliqué. Les bâtiments en béton durent longtemps, mais ils libèrent une grande quantité de carbone pendant le processus de construction.
Les quatre milliards de tonnes de ciment produites chaque année pour la construction représentent 8% du total des émissions mondiales de dioxyde de carbone. L’expert croit que l’on devrait plutôt se tourner vers le bois, qui est une solution beaucoup plus écologique.
D’autres voix s’élèvent aussi pour modifier la façon dont nous concevons les bâtiments. Les prises de position se multiplient en faveur d’une architecture durable et responsable. Reste toutefois à passer de la parole aux actes. Et ce, rapidement.