La saveur du jour
Du sang et des insectes pour sauver le monde
Nul besoin de se priver et de bouder le plaisir de manger pour encourager une alimentation durable. C’est du moins ce que croit le Nordic Food Lab de Copenhague, qui s’est donné la mission de transformer la vision que nous avons de la gastronomie. L’idée? La rendre plus écologique et durable, mais toujours aussi savoureuse.
Invité à Montréal dans le cadre de la programmation gastronomique de Montréal en lumière, Michael Bom Frøst, directeur du Nordic Food Lab et du Département de sciences de l’alimentation de l’Université de Copenhague, donnait une conférence sur les démarches du laboratoire, en œuvre depuis 10 ans.
«Il y a trois niveaux à notre expérience alimentaire: sensoriel, biologique et sémantique», a exposé d’emblée Michael Bom Frøst. Donc, nous mangerions d’abord par nos sens, ensuite par l’absorption des aliments, et donc de la nature, puis en étant conscient de la symbolique de la nourriture et de la façon dont elle a été faite. Par exemple, si nos aliments sont biologiques ou équitables, cela peut changer notre expérience de dégustation, a précisé Michael Bom Frøst.
En considérant ces trois volets, le Nordic Food Lab combine des approches scientifiques à des techniques culinaires afin d’imaginer un monde riche de diversité et de saveurs qui respecterait aussi la nature.
Cuisiner ce qui nous entoure
D’après les conclusions du Nordic Food Lab, il faut se servir à même la nature, de ce qui est en abondance. Il faut marcher dans les bois et cueillir des pousses d’épinettes ou des fleurs comestibles, avance le directeur du laboratoire. Mais il faut aussi cesser d’avoir peur des fourmis, des larves et autres insectes qui sont partout, qui sont bourrés de protéines et qui ne demandent que très peu d’énergie de production. Le Nordic Food Lab se penche aussi sur des techniques de coagulation du sang animal en remplacement de l’œuf. Puis, pourquoi donc bouder certaines parties de l’animal, comme la cervelle, par exemple?
Bien sûr, le laboratoire danois est conscient qu’il y a du travail à faire avant que les consommateurs prennent plaisir à déguster ces aliments qui ne sont pas ancrés dans les cultures culinaires occidentales.
La mission du laboratoire est donc «d’élargir nos goûts, de générer et d’adapter des idées et des méthodes pratiques pour les cuisiniers» et les consommateurs.
Changer nos visions
Michael Bom Frøst présentait pendant sa conférence les divers moyens que prend le laboratoire pour ce faire.
Il a, par exemple, parlé d’ateliers de création avec des enfants qui dessinent, puis cuisinent des poissons peu appétissants. En s’appropriant l’aliment, les enfants passeraient du dédain à la fierté de manger ce qu’ils ont dessiné et cuisiné.
Le Nordic Food Lab travaille aussi avec de grands chefs qui créent des plats gastronomiques comme des bouillons de criquets et de roses ou des tostadas aux larves et à l’épinette, fait des tests avec des noix et des graines fermentées pour trouver une texture semblable… à celle du foie gras, expérimente la cuisine avec des algues, a lancé l’an dernier un gin aux fourmis (62 dans chaque bouteille!) et a publié un livre à propos de la cuisine avec des insectes.
Ne voilà que quelques-unes des expériences menées par le Nordic Food Lab, dont il faut suivre les actions si on est intéressé à l’alimentation du futur.