Menu santé à la cafétéria
Le mercredi était de loin la journée la plus populaire à la cafétéria de mon école secondaire. À 11h30 précises, dès que les cours de l’avant-midi se terminaient, il fallait courir afin d’espérer se retrouver au début de la longue file d’attente qui allait se former en quelques minutes seulement. Le mercredi était jour de poutine.
Les autres jours, manger à l’école était nettement moins stressant et les files étaient beaucoup moins imposantes, sinon presque absentes. Il faut dire que les patates pilées, les morceaux de poisson blanc froids, les carottes bouillies et les viandes arrosées de sauce brune ne suscitaient pas tellement d’engouement.
Les autres jours, j’aimais mieux apporter de la maison des nouilles Ramen en sachet, des pizzas pochettes à chauffer au micro-ondes ou des sandwichs pain blanc, simili-poulet et moutarde, pour terminer le tout par un gâteau Vachon.
À cette époque, faire attention à son alimentation, manger des légumes, chercher la variété, privilégier les aliments d’ici n’était pas dans l’air du temps ou restait encore un concept flou.
Depuis, les choses ont bien changé dans les maisons autant que dans les boîtes à lunch. Et les cafétérias scolaires sont elles aussi en train d’emboîter le pas.
S’approprier les aliments
En 2013, le gouvernement du Québec a dévoilé une politique sur la souveraineté alimentaire de laquelle découlait une stratégie de positionnement des aliments locaux dans les institutions scolaires. D’ailleurs, au début de cette année, au Québec, les commissions scolaires ont reçu une lettre du ministère de la Santé, encourageant la consommation d’aliments locaux. Une première, mais sans obligations claires.
Malgré tout, la volonté y est, et à travers la province, plusieurs initiatives ont été implantées dans les écoles suite à la simple motivation des administrations scolaires et des parents.
Dans les cafétérias des écoles de la Commission scolaire de Montréal par exemple, 67% des aliments sont d'origine locale alors qu’il y a quelques années, les établissements n’avaient aucun moyen de savoir d’où provenait ce qu’ils offraient aux étudiants.
À plus grande échelle, au Canada, le réseau De la ferme à la cafétéria regroupe une trentaine d’organisations qui travaillent à augmenter la quantité d’aliments locaux dans les cafétérias du pays.
Le phénomène est en croissance. Tellement que grâce à certains accords signés dans les dernières années entre des cafétérias et des producteurs, certains agriculteurs, devant l’assurance d’achats en gros, ont augmenté leur nombre de serres afin de produire davantage.
Des cafétérias en santé
Si, en 2005, la nutritionniste Geneviève O’Gleman évaluait à 70% le nombre de plats non équilibrés sur 34 mets évalués dans des cafétérias scolaires québécoises, la donne tend à changer depuis quelques années grâce à différentes initiatives. Et ces dernières ne sont pas de trop puisqu’au Québec, on estime que près d’un jeune sur quatre souffre d’embonpoint ou d’obésité.
Par exemple, à la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, sur l'île de Montréal, plusieurs écoles secondaires offrent aux élèves un service de comptoir à sandwichs qui permet d’augmenter la fréquentation de la cafétéria et d'améliorer la qualité et la variété de l’offre nutritionnelle.
De son côté, l'école secondaire La Frontalière, à Coaticook, en Estrie, a formé un comité composé d’élèves, d’enseignants, d'un parent, de l'infirmière, du chef cuisinier et de deux directeurs qui, ensemble, ont proposé entre autres de mettre en place un nouveau comptoir à salades et de remplacer les aliments contenant de la chapelure.
À Papineauville, en Outaouais, l’école Louis-Joseph-Papineau, devant une trop forte compétition des chaînes de restauration rapide installées autour (saviez-vous que 37% des écoles publiques au Québec sont situées à 15 minutes de marche ou moins d’un établissement de restauration rapide?), a créé une coopérative qui offre un menu santé à la cafétéria, adapté aux commentaires et préférences des étudiants.
D’autres écoles à travers la province commencent à créer des potagers desquels s’occupent les étudiants qui sont ensuite plus enclins à déguster les fruits et légumes issus de leur travail.
Ailleurs au Canada
Si des initiatives existent dans les cafétérias scolaires du Québec, elles sont plus nombreuses encore ailleurs au pays.
L'Ontario, par exemple, s'est doté d'une politique sur les aliments locaux (Local Foods Act) et d'un réseau qui encourage l'éducation à l'alimentation. «Ils sont très forts dans les activités de jardinage ou culinaires pour les enfants», soulignait récemment, lors d’une émission de Bien dans son assiette consacrée à l’univers des cafétérias scolaires, Murielle Vrins, chargée de projets en alimentation institutionnelle pour Équiterre et directrice régionale de la section québécoise du réseau canadien De la ferme à la cafétéria.
De son côté, la Colombie-Britannique possède un réseau financé par le ministère de la Santé qui fournit chaque semaine à 1500 écoles une collation de fruits et de légumes frais locaux. D’ailleurs, dans cette province, plus de 150 projets font la promotion de l’alimentation locale et santé à l’école: activités de jardinage, potagers dans la cour, comptoirs à salades...
Le Nouveau-Brunswick est aussi avant-gardiste en la matière avec des buffets dans lesquels pigent les étudiants, une serre éducative, des jardins et des cours de cuisine.
Que la poutine soit encore populaire dans les cafétérias scolaires ne serait pas une tare, mais que les menus des autres journées le soient aussi serait l’idéal. Et depuis quelques années, cet idéal est beaucoup plus près que lors de mes années de secondaire...