La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Le vieil âge et l’espérance

Il semble que vieillir, c’est s’éloigner de son ego. Juste pour cette idée, qui revient souvent dans le fabuleux documentaire Le vieil âge et l’espérance de Fernand Dansereau, j’ai un peu hâte d’atteindre le grand âge. Un peu, dis-je bien. Parce que celui qui a déjà donné dans le vieillissement avec Le vieil âge et le rire et L’érotisme et le vieil âge ne recule devant rien pour y aller d’une franchise désarçonnante en jetant cette fois le moins jojo de ses regards sur le sujet, car de pertes et de finitude il est beaucoup question. Moins sexy que le rire ou le sexe, vous en conviendrez…



En parlant d’ego, ces ballerines et leur enseignante qui ne sont plus toutes jeunes et qu’on voit entre autres danser dans ce film et qui peuvent enfin faire leurs pas sans se soucier d’une quelconque performance à atteindre, juste pour le plaisir de garder la forme, de socialiser ou de réaliser un vieux rêve, est un des spectres abordés par les protagonistes, des hommes et des femmes de plus de 60 ans pour la plupart et qui s’ouvrent sans faux-semblants, sans jouer, sans fard, bref, dans une vérité difficilement accessible ailleurs sur nos écrans remplis de jeunes drôles et en forme.

La face plus sombre du vieillissement émane aussi ici et là, comme lorsqu’en jaquette de patient, le cinéaste fait entrer sa caméra dans sa propre chambre d’hôpital après une opération à une hanche de laquelle il récupère moins bien que prévu.

D’autres en fin de parcours s’ouvrent aussi, racontant comment, avec ou sans foi, espérance, peur, sérénité, ils anticipent leur dernier droit chez les vivants.

Bien qu’il s’agisse d’êtres privilégiés, instruits, cultivés, curieux, aptes à réfléchir et dotés d’un sens de l’introspection – la caméra ne s’est pas introduite dans les bas-fonds de la ville, où des gens appauvris connaissent aussi le grand âge –, le film donne tout de même à entendre des réflexions inspirantes qui, non, ne font pas du vieillissement une sinécure cousue de fil blanc.

Bonjour, tristesse

«Je n’espère plus arriver quelque part, je n’ai plus d’attentes, je laisse la vie me mener», explique la lumineuse psychologue Édith Fournier, qui ne met pas de gants blancs pour exprimer son rapport à l’espérance dans le vieil âge, thème du documentaire.

Et bien sûr que plusieurs avouent leurs craintes, que beaucoup parlent aussi de cette tristesse qui a fait son chemin en eux avec l’âge, une tristesse qui m’apparaît plus près de la mélancolie que de la déprime. La tristesse surtout de savoir qu’il en reste moins, qu’ils ne pourront pas voir leurs petits-enfants et arrière-petits-enfants grandir et s’affranchir… Les larmes coulent aussi puisqu’ils n’ont plus de gêne à se montrer tels qu’ils sont.

La lumineuse psychologue Édith Fournier.

Intéressant aussi d’entendre leur rapport à la foi, aux croyances, à la religion catholique, délaissées au fil des années par la plupart de ces plus de 60 ans désillusionnés qui espèrent autre chose des cieux et qui, comme Dansereau l’exprime admirablement, confient leurs croyances aux mystères.

Belle idée de donner la parole à l’anthropologue et militante abénakise Nicole O’Bomsawin qui, à l’heure venue de sa mort, s’en remettra, comme le veulent ses traditions ancestrales, à ses aïeux, qui la reprendront parmi eux.

L’anthropologue et militante abénakise Nicole O’Bomsawin.

Puisque plus on avance en âge, plus on en voit partir autour – les amis, les conjoints… –, ces passages sur la perte des autres sont sans doute les plus poignants, où les moments d’impuissance atteignent leur paroxysme. Ces départs sont sans doute ce que je crains le plus dans le fait de vieillir. En en étant consciente, ça risque de faciliter le passage.

Je retiens aussi qu’il faut se «pratiquer à vieillir» pour éviter de se faire surprendre par le grand âge. Cette manière d’être happée par lui ne doit pas être en délicatesse, mettons.

Par ailleurs, je ne crois pas qu’on soit vieux de la même manière aujourd’hui qu’on l’était hier, qu’on le sera demain et plus tard encore. Les enjeux environnementaux, les nouveaux modèles familiaux, la solitude omniprésente avec notamment les couples qui ne durent plus tant que ça, les avancés de la médecine, le fait de devoir rester plus longtemps sur le marché du travail, le multiculturalisme et plus encore risquent de modifier notre rapport au temps et à notre finitude. Ce film devra donc être refait dans plusieurs années. J’espère être encore là pour le voir. Vieille. Vieille espiègle et lumineuse. Je cours me pratiquer. Arrivederci.

Je craque pour…

Mai, mois de la BD

Pas moins de 45 bibliothèques de Montréal accueillent la bande dessinée à travers des activités et expositions destinées au grand public. Pour cette 8e édition, les femmes sont à l’honneur puisque les plus grandes créatrices y sont présentées, pour notre plus grand bonheur. Trop longtemps, elles sont restées dans l’ombre, méconnues ou ignorées. Temps révolu.