Combinaisons culturelles des Fêtes
Oh! Oh! Oh! Grands hédonistes de la culture, chassez les autres humains à proximité, installez-vous confortablement sur votre sofa préféré avec couverture de flanelle, bol de croustilles ou sac de jujubes, je vous ai préparé un programme détente des Fêtes en prévision des vacances ou à mettre en œuvre à partir de maintenant, quand vous serez d’humeur à rester au coin du feu ou sous le sapin illuminé. Mes choix d’accords pour vous combler comprennent un album des Fêtes, une lecture et une boisson alcoolisée suggérée par notre chroniqueuse Jessica Harnois. J’y ai mis de l’amour. En écrivant ces mots sous le gui, j’espère que ces combinaisons trouveront preneurs.
Combinaison A: Êtres de magie et d’étincelles
Vous aviez aimé Des pas dans la neige, l’album de Noël de Maryse Letarte sorti en 2008, écouté et réécouté depuis? Vous aimerez tout autant son dernier opus des Fêtes intitulé La parade, qui comprend onze chansons sur l’hiver et le temps des Fêtes, mais avec cette twist bien à elle, empreinte d’inventivité, de poésie, d’inspirations modernes et de ses clins d’œil à sa petite Stella, pour qui Noël est source de bonheur absolu et de mystère. Tout est là à travers une section de cordes, de cuivres et un chœur à quatre voix classiques. Mon hit: «Soleil d’hiver».
Au son de cette musique, c’est Le parfum de la tubéreuse, dernier roman d’Élise Turcotte, pour qui j’ai un gros faible, que je lirais. Ce roman lève le voile sur une professeure de littérature qui retourne enseigner après un congé de maladie. Avec ces mots parfaits, ces expressions justes et ces parfums qui émanent d’entre les pages, cette histoire qui traite de création et d’enseignement envers et contre tous, de leurs effets salvateurs jusque dans la mort et peut-être même au-delà, en est une audacieuse, que seule une maîtresse en la matière comme Élise pouvait réussir dans la grâce, avec une clarté limpide.
Un verre d'absinthe fera jaillir la créativité... à condition bien sûr de ne pas abuser. Accompagnez cet élixir d’un cube de sucre et d’un filet d'eau pour le rendre plus digeste.
Combinaison B: Êtres de douceur et de pureté
Impossible d’écrire ce billet sans parler du fameux album A Charlie Brown Christmas du compositeur Vince Guaraldi, sans lequel le temps des Fêtes ne serait pas le même, mais absolument pas. Il redonne à cette période son charme d’antan, ses souvenirs de Ciné-Cadeau, cette envie de faire un pied de nez à la routine, d’aller patiner avec les copains avant de faire la sieste au coin du feu dans un pyjama à pattes (OK, peut-être pas). Pour ajouter à ce plaisir, le 17 décembre à 18 heures, à la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal, la chanteuse Nadja, ainsi que le pianiste Taurey Butler et son trio proposeront une reconstitution de cet album vendu à plus de trois millions d’exemplaires.
Puis, quand je pense à Charlie Brown, allez savoir pourquoi, je pense à l’auteur Simon Boulerice, qui écrit plus vite que la vitesse du son, nous décrochant le sourire au détour de phrases qui refont un peu le monde à sa manière à lui: dans un fin mélange de candeur et d’intelligence, si près du monde de l’enfance avec ses réflexions naïves ou graves. Son dernier roman, le court Paysage aux néons, s’adresse aux jeunes, certes, mais je pense qu’il conviendra aussi aux lecteurs curieux du rapport au corps, de ce que nous en faisons lorsque nous essayons de l’aimer, coûte que coûte. Cent pages qui, à défaut de nous motiver à aller au gym (mangeons plutôt de la tourtière), nous donnent un aperçu de la culture de l’effort de la chair à travers des personnages inoubliables.
On jouit de tout ça en sirotant un bourgogne souple. Le Fixin de René Bouvier pourrait être une idée intéressante.
Combinaison C: Êtres de raffinement et dotés d’une certaine pudeur (qu’on pourrait casser avant 2016…)
Dans la série télé Downton Abbey, l’actrice britannique Maggie Smith, qui incarne la Comtesse de Grantham, est un délice pour les oreilles avec ses répliques assassines, sans doute les meilleures de cette série de Julian Fellowes, prononcées en prime avec un bec pincé et des yeux de chouette, et qui font en grande partie l’immense succès de cette série diffusée notamment sur ICI Radio-Canada télé. Flairant la bonne affaire, les producteurs ont eu envie de lancer l’an dernier l’album double Christmas At Downton Abbey. À défaut d’hésiter entre un collier de perles et une rangée de diamants, de participer à des parties de chasse à la perdrix ou de déjouer les commérages de femmes de chambre et de valets de pied, on peut se rabattre sur ces musiques du compositeur John Lunn tout en rêvant de vie de château.
Parce que j’aurais aimé que la Comtesse de Grantham rencontre Marie Curie. Il me semble que la seconde aurait fait friser le poil des bras de la première avec ses idées de progrès auxquelles la vieille aristocratie britannique semblait bien réfractaire, du moins celle de Downton Abbey. En cachette, la Marie Curie a même eu un amant quelques années après la mort tragique de son Pierre… Et plus jeune qu’elle à part ça! Vous imaginez les réactions de l’époque, au début du 20e siècle, quand la nouvelle a été dévoilée au grand jour. L’écrivaine Irène Frain s’est plongée dans les archives de cette affaire pour jeter un éclairage sur cette histoire de passion dans Marie Curie prend un amant, qui vous inspirera un peu de chaleur contraire aux bonnes mœurs des châteaux guindés. Je vous en avais d’ailleurs parlé ici.
Bien sûr, c'est un champagne que ça vous prendra pour vous détendre. Des bulles délicieuses comme celles de Chanoine pourraient vous séduire.
Combinaison D: Êtres de nostalgie et de romance à l’ancienne
Christmas Songs by Sinatra. Ça devait tellement créer de rapprochements entre cœurs esseulés quand les chansons de cet album réédité à maintes reprises ont été enregistrées pour Columbia Records dans les années 40... Le grand Frank y va de sa voix chaude et profonde sous ses airs mafieux de grand apôtre en chef du fameux Rat Pack des années 50 et 60. Et tout le monde n’y voit que du feu. Pensées pour mes aïeux qui devaient boire pas mal de crème de menthe et fumer des Craven A sur ces chansons dont on ne se lasse pas.
En lecture, il y a ce roman passé plutôt inaperçu ici, et qui pourtant est unique en son genre, dans sa forme comme dans son fond. Imaginez que vous trouvez chez un brocanteur un lot de photographies d’une famille que vous ne connaissez pas… L’auteure Isabelle Monnin décide de leur inventer une vie et de partir à leur recherche dans Les gens dans l’enveloppe. Quant à l’auteur-compositeur-interprète Alex Beaupain, ces visages inconnus lui ont inspiré des chansons à découvrir. Bouleversant à souhait au même titre que ces photos décolorées qu’on aperçoit sur la couverture et à l’intérieur.
Sortez des boules à mites la crème de menthe de vos parents! Prenez-en bien sûr avec de la glace. Mais ne fumez surtout pas de cigarettes… Noooooon! Au pire, quoi qu’en disent les ayatollahs de la bienséance, vapotez un brin en vous faisant croire que c’est la même affaire.
Je craque pour…
Jean Leloup à Tout le monde en parle sur ICI Radio-Canada Télé
On ne peut pas dire qu’il joue au monsieur gentil et télégénique. On ne peut pas dire non plus qu’il cherche à plaire. Leloup est Leloup et, bien qu’imprévisible, complexe à sa manière et différent, il n’en demeure pas moins attachant, déroutant, talentueux à travers le temps. Son passage à Tout le monde en parle dimanche dernier prouve que ces êtres sincères coûte que coûte donnent de bons moments de télé, et, dans son cas, des chansons qui plaisent parce qu’elles sont géniales. Ma fille de deux ans et demi redemande les chansons «du Loup». Premiers goûts musicaux que nous avons en commun. J’adore.