La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Mes vieux d’amour

Claire et les vieux. Retenez ce titre et courez visionner cette websérie en six épisodes complètement prenante et unique en son genre présentée gratuitement sur Unis TV et signée Sarah Pellerin.



Je répète: Sarah Pellerin aux textes. Parce que ça a beau être merveilleusement réalisé par Charles Grenier, ce sont les mots qui sont à la base de toute création, et trop souvent, je trouve, dans les médias numériques, à la télé, et ô combien au cinéma, la personne à la scénarisation se fait éclipser au profit du réalisateur et des acteurs.

Claire et les vieux donc. Claire (génialissime et prometteuse Irlande Côté dont le regard me fait pleurer), 10 ans, est «élevée» par Danielle (toujours talentueuse Bénédicte Décary), une mère toxicomane au bout de ses ressources morales et financières.

Un jour qu’elle dépasse les bornes, la petite est recueillie par sa Pauline de grand-mère qui vit dans une résidence pour personnes âgées. Curieux endroit pour accueillir un petit oiseau blessé… Et pourtant, c’est tellement logique et épatant dans la fiction comme dans la réalité. Je veux dire par là que du point de vue de la création, l’idée de départ, inspirée de faits réels, est d’une originalité qui pique indéniablement la curiosité, propice à tellement de développements, d’intrigues, de vécu, en somme de la vraie très, très bonne télé. Puis, elle permet de rassembler à l’écran tout un tas d’interprètes de calibre, rodés et expérimentés à souhait, comme Muriel Dutil, Robert Lalonde, Béatrice Picard, Réjean Lefrançois, Marie Eykel, Raymond Cloutier et compagnie que, cruellement d’ailleurs, leur âge donne moins d’occasions de jouer, faute de personnages de plus de 60 ans à l’écran (j’ai écrit mille fois sur l’âgisme à la télé).

Photo: Facebook Claire et les vieux

Dans la vie réelle, cette fois, les pouvoirs de ces liens entre l’enfance et le vieil âge sont aussi foisonnants, bénéfiques à un point tel que les expériences intergénérationnelles se multiplient au Québec, faisant de plus en plus place à des initiatives, comme celle du CHSLD Manoir Soleil, qui a établi une garderie privée à l’intérieur même de ses murs afin d’offrir un milieu de vie où cohabitent enfants et personnes âgées.

Les vieux copains, un documentaire de Loïc Guyot sur le sujet, a aussi été diffusé sur Unis TV, qui fait décidément du social brillant et nécessaire dans un monde télévisuel tellement trop porté sur l’humour, les humoristes, les grosses vedettes, comme s’il n’y avait que les affaires légères et drôles (pas si drôles en plus) qui captivaient les téléspectateurs…

https://www.facebook.com/claireetlesvieux/videos/697947257710487/

Or, je sais bien que le moment est mal choisi pour réunir des jeunes et des vieux en temps critique de pandémie, mais c’est tout de même à garder en tête que ces associations, comme en témoigne Claire et les vieux, sont d’une richesse inouïe pour les deux générations que tout oppose en âge, mais pas en impulsions, envies et ludisme. Les uns peuvent sauver les autres et vice-versa. Nous gagnerions tous comme société à cultiver davantage ces relations.

De toute façon, tout le monde devrait louanger «les vieux», les écouter, les lire, leur tendre le micro, les mettre à l’écran. C’est aussi par eux que l’on comprend d’où on vient, notre Histoire, nos croisades, nos combats. Les clés, les solutions ne viennent pas que des décideurs actuels.

Je salue d’ailleurs Pénélope McQuade, qui leur donne une tribune à son émission sur ICI Première, Marie-Louise Arsenault, à Plus on est de fous plus on lit, qui invite aussi moult intellectuels, femmes comme hommes, toutes générations confondues, ainsi que Salut Bonjour à TVA, qui vient d’inaugurer une chronique avec l’étonnante Michelle Labrèche-Larouche, 82 ans, la maman de Marc Labrèche, que je ne me lasserai jamais d’écouter, qu’importe le sujet. Elle sort un récit sous peu (Les 40 hommes de ma vie), j’aurai l’occasion de vous en reparler. Ça m’a inspiré cette citation de Henry de Montherlant: «On n’est vieux que le jour où l’on cesse de désirer.» À méditer.