Week-end à Rome
Je vous propose une escapade à Rome grâce à deux lectures que je viens de faire en prévision de mon prochain voyage dans la Ville éternelle.
À Rome avec Nanni Moretti chez Quai Voltaire
Je cherchais un livre récent qui me parlerait de Rome. Pas la Rome touristique; celle d’aujourd’hui, la ville des Romains. Béni des Dieux que je suis, j’ai découvert que la maison d’édition Quai Voltaire venait de publier en version française À Rome avec Nanni Moretti, un journal de voyage sur les lieux du cinéma de ce réalisateur italien qui a beaucoup d’admirateurs chez nous.
Ce livre, qui sort au Québec le 25 avril, est l’idée de deux auteurs trentenaires romains, Paolo Di Paolo et Giorgio Biferali, qui ont voulu revisiter leur ville en utilisant le cinéma de Moretti comme moyen de transport.
«Dans ce jeu de piste romain balisé par les films de Nanni Moretti, […], une autre ville s’est ouverte devant nous: en rien théâtrale, d’une beauté discrète plus que majestueuse, aux petits plaisirs absolument essentiels – la musique, les gâteaux, ou tout simplement l’été.»
Visiter Rome, film par film
De Je suis autarcique, son premier film réalisé en 1976, à Mia Madre sorti presque 40 ans plus tard, Nanni Moretti a utilisé les décors naturels de Rome pour 11 de ses films. Tourné à Ancône, La chambre du fils, Palme d’or à Cannes en 2001, ne fait pas partie du nombre, Moretti expliquant que la grandeur de Rome aurait pris le pas sur la douleur des parents endeuillés par la mort de leur enfant de son film.
Autrement, Moretti ne s’est pas privé de montrer Rome dans ses multiples incarnations: les rues du Trastevere (Bianca), les HLM des banlieues (La messe est finie), l’historique Circo Massimo (Palombella Rossa), le quartier de l’EUR (Exposition universelle de Rome) (Le Caïman). Pourtant, on apprend que le réalisateur écrit ses scénarios sans avoir de lieux précis en tête. Le choix se fait ensuite, avec le décorateur.
Il a beau dire, ce n’est certainement pas à cause de son décorateur, ni du hasard, si le film Aprile nous amène sur l’île Tibérine au milieu du Tibre, entre le Ghetto et le Trastevere. S’y trouve l’hôpital Fatebenefratelli, l’endroit où, dit-on, les vrais Romains naissent depuis la fin du XVIe siècle. Et c’est là, justement, que Pietro, le premier enfant du réalisateur, voit le jour, devenant le cœur du sujet de cet Aprile paru en 1998.
Pour quiconque aime Rome, la promenade en Vespa de Journal intime est une pièce d’anthologie. En déambulant dans les rues désertes de Rome en plein cœur de l’été, Nanni Moretti nous offre un plaisir par procuration et nous fait découvrir entre autres la Garbatella, un quartier du sud de Rome, en dehors du circuit touristique, construit dans les années 20 selon le concept de cité-jardin.
Un cinéaste qui saisit l’air du temps
En repassant dans les pas du réalisateur pour nous expliquer la géographie de ses tournages, Paolo Di Paolo et Giorgio Biferali jouent très bien leur rôle de guide, mais tout au long de leur essai, ils sont aussi très habiles à nous orienter dans les méandres du cinéma de Moretti, un art que le cinéaste romain pratique sur un mode très personnel. Les auteurs nous expliquent notamment comment cette idée de Moretti de ponctuer sa balade en Vespa de commentaires personnels sur la vie, la ville, le cinéma, la politique, la santé a créé un genre, le reportage narratif.
«Moretti, écrivent-ils, est l’un des rares cinéastes à savoir saisir, voire anticiper, l’air du temps.»
Le film Habemus Papam (2011) en est un bon exemple. Deux ans après la sortie de ce film qui met en vedette Michel Piccoli dans le rôle d’un cardinal qui renonce à devenir pape parce qu’il se sent inadéquat à la fonction, le vrai souverain pontife, Benoît XVI, démissionne, alléguant un prétexte semblable. Dans sa «prophétie involontaire», Moretti s’en donne à cœur joie. Il nous montre un cardinal en fugue dans les rues de Rome et des prélats désarçonnés qui jouent au volleyball en attendant le retour de celui de leurs pairs qu’ils ont choisi pour devenir l’infaillible en chef. Le palais Farnèse, le Teatro Valle (le plus vieux de la ville), la piazza Sant’ Eustachio, le pont Sant’ Angelo, la place Saint-Pierre servent de décor et encore une fois Rome est au cœur de l’histoire.
Rome, comme une mère
Le livre se termine par une entrevue extrêmement intéressante avec Nanni Moretti, qui a cette jolie réponse lorsqu’on l’interroge sur son rapport à Rome.
«[…] cette ville est comme une mère. Difficile de demander à quelqu’un quel rapport il a avec sa mère! Une mère c’est une mère, c’est celle qui vous a donné la vie.»
Juliette à Rome chez Hurtubise
La deuxième nouveauté que j’ai trouvée sur Rome a été publiée en mars dernier chez Hurtubise. Bon, je ne suis pas le public cible, car il s’agit d’un livre jeunesse de la série Juliette de l’auteure Rose-Line Brasset, mais ma foi, j’avais tellement envie de m’imprégner de Rome que j’ai plongé dedans avec beaucoup de plaisir.
Être adolescente à Rome
L’histoire tourne autour d’une jeune adolescente obligée de suivre sa mère journaliste à Rome parce que celle-ci a un reportage à faire sur la capitale italienne. Comme la maman ne peut s’occuper de sa fille durant le jour, elle s’arrange pour la placer pour une semaine dans un lycée très huppé qu’un de ses amis dirige. Juliette y vivra la très désagréable expérience d’être intimidée.
Le livre est autant sur ce phénomène universel que sur la Ville éternelle. Je vous laisse découvrir comment Juliette s’en sortira pour m’attarder davantage sur la partie touristique du récit, car tout n’est pas noir dans ce voyage. Au contraire! Juliette s’émerveille devant les découvertes que sa mère lui fait faire: le Colisée et son histoire, les magnifiques vues depuis le mont Janicule, la Domus Aurea, le temple d’or de Néron, les fresques de Michel-Ange à la chapelle Sixtine, le Largo di Torre Argentina, site archéologique envahi par des centaines de chats ou, l’expérience ultime en Italie, la gastronomie!
Une auteure sur la coche
Rose-Line Brasset sait comment s’adresser aux jeunes pour les intéresser à cette riche culture dont ils ne connaissent rien. Impossible de résister à la description d’un comptoir de gelati ou à celle des variétés de pâtes et de pizzas que peut compter un menu. On ne peut pas, non plus, ne pas s’intéresser à la particularité de la canopée romaine avec ses pins parasols, ses cyprès et ses jardins verdoyants ou à ces histoires de gladiateurs, présentés comme les précurseurs de la télé-réalité.
Voilà un livre qui donne autant le goût de Rome qu’il rappelle combien l’adolescence est un âge où la vie peut être un rêve ou un cauchemar… dans la même journée. Même à Rome.
Mon coup de cœur
Retour à l’Institut canadien de la photographie
À l’automne, je vous ai parlé du nouvel Institut canadien de la photographie que le Musée des beaux-arts du Canada accueille en ses murs et qui aspire à devenir un haut lieu de la photographie dans le monde. Eh bien, j’y suis retourné pour voir l’exposition La photographie au Canada, 1960-2000, qui a pris l’affiche le 7 avril. Contrairement à ce que le titre de l’exposition laisse présager, la présentation des photos n’est pas chronologique. La conservatrice Andrea Kunard y est plutôt allée d’une approche qui célèbre la diversité de la pratique photographique.
Les 100 œuvres de 71 artistes canadiens qu’elle a sélectionnées sont regroupées par thème: nature, portrait, expression artistique, commentaire social, etc. Ainsi, une photo de Ben Johnson gagnant son 100 mètres à Séoul en 1988 (Ted Grant) a autant sa place qu’une image d’un paysage du nord de l’Ontario souillé par des résidus de mine de nickel (Edward Burtynsky) ou qu’un montage homoérotique d’Evergon. Raymonde April, Serge Clément, Yousuf Karsh, Gabor Szilasi, Serge Tousignant sont quelques-uns des autres photographes dont le travail a été retenu. Plusieurs photos sont accompagnées de témoignages de leurs auteurs. En lisant leur démarche, on comprend que faire de la photo, c’est plus que faire CLIC!