La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Suggestions culturelles: les essentiels de la semaine

La culture et les artistes font du bien en tout temps, mais encore plus maintenant. Voici mes essentiels de la semaine.


Écouté: Francis Cabrel, À l’aube revenant

Au printemps dernier, Francis Cabrel a meublé son temps de confinement à revisiter en solo les chansons les moins connues de son répertoire au rythme d’une chanson par jour, livrées en direct sur sa page web. Des dizaines de milliers de personnes l’ont suivi pendant ce marathon de 55 jours.

Après ce tour de son jardin, le revoilà avec un bouquet de 13 nouvelles chansons pour accompagner notre reconfinement.

À l’aube revenant, 14e enregistrement en studio en carrière, était terminé quand la pandémie a surgi. Le disque a attendu son heure pour sortir, et il arrive cette semaine comme une bouffée de bonheur.

Quand j’ai pesé sur play, j’ai eu le sentiment de renouer avec une vieille connaissance. Mine de rien, ça fait 43 ans que l’auteur-compositeur-interprète de Petite Marie est dans ma vie.

À 67 ans, Francis Cabrel sait toujours aussi bien décrire le tressaillement amoureux:

À chacun de ses pas elle parfume l’espace

C’est ma chanson pour dire comment elle se déplace

Les plis de son manteau où je voudrais m’étendre

Les colliers à son cou où je pourrais me pendre

(Ode à l’amour courtois)

Saluer ses inspirations:

Je donnerais tout Göttingen

Toutes les Suzanne de Cohen

Pour ce jour béni où tu me reviendras

(Peuple des fontaines)

Évoquer l’air du temps:

Notre climat se dérègle et s’affole

Je sais pourquoi la Terre se réchauffe

C’est quand t’as sur toi de moins en moins d’étoffe

Et qu’une bretelle tombe de ton épaule

(Jusqu’aux pôles)

Façonner des hommages qui nous émeuvent, cette fois à son père:

T’as jamais eu mon âge

T’as travaillé trop dur pour ça

Toutes les heures du jour à l’usine

À l’entrée du village, le soir deux jardins à la fois

Et tout ça, pour que tes enfants mangent

Ça je le sais bien, j’étais là

(Te ressembler)

Francis Cabrel s’est lancé dans ce 14e disque en voulant explorer l’univers des troubadours, ces poètes lyriques courtois vivant en Occitanie au XIIe siècle auxquels on l’a souvent associé. Il en est resté quelques chansons, parmi les plus belles du disque.

Y’a pas de langues anciennes

C’est la même toujours

Pour dire les mêmes peines

Jurer les mêmes amours

C’est écrit dans vos pages

En mieux et bien avant nous

Rockstars del Media d’Atge

S’endavalèm de vos

(Rockstars du Moyen Âge)

Musicalement, le disque propose différentes couleurs. La guitare est toujours très présente et virtuose, Cabrel s’essaye même à de nouveaux accords. Les cordes ont une grande place. La trompette fait quelques apparitions remarquées, l’accordéon aussi. Et l’utilisation des chœurs m’a fait penser à l’art de Leonard Cohen d’élever ses chansons avec des voix de femmes.

On s’attriste de voir partir les géants de la chanson française les uns après les autres (Ferré, Brel, Nougaro, Barbara, Aznavour, Gréco). Eh bien, Cabrel, c’est un géant vivant d’aujourd’hui. À l’aube revenant en est la brillante démonstration.

Femme(s) sur la plateforme du Cinéma du Parc

Au moment où les femmes prennent la parole un peu partout à travers le monde, un film cristallise parfaitement ce mouvement. Le documentaire Femme (s), des réalisateurs Anastasia Mikova et Yann Arthus-Bertrand, fait entendre la voix de femmes d’une cinquantaine de pays. Deux mille entrevues ont été réalisées. Elles s’expriment sur leur rapport à l’image et au corps, la maternité, la sexualité, le vieillissement, l’excision, le viol, la violence, mais aussi sur leur résilience et la formidable puissance qu’elles trouvent en elles.

Contrairement au film La Terre vue du ciel du même Yann Arthus-Bertrand qui nous montrait la planète à distance, Femme(s) s’approche au plus près de cette moitié de la terre en montrant sa diversité, sa beauté, ses cicatrices, ses peines, ses forces. Il en résulte une splendide courtepointe, une prise de parole saisissante, comme on n’en a jamais vu au cinéma.

La pandémie a interrompu la carrière en salle de ce document important. Heureusement, le Cinéma du Parc lui donne la chance de poursuivre sur sa lancée grâce à sa plateforme de cinéma en ligne qui offre la possibilité de visionner Femme(s) chez soi, dans sa version sous-titrée en français, pour 12$ taxes incluses.

Illumi en auto

L’an dernier, Normand Latourelle, l’homme derrière Cavalia et Odysséo, se lançait dans la création d’un nouveau type de divertissement: le parcours de lumières.

Qu’on se rappelle, la première édition d’Illumi avait connu plusieurs embûches: tempête de vent et de pluie qui avait endommagé le site, froid de canard, déception des commerçants impliqués dans le Marché de Noël, qui s’est révélé être un flop.

Cette année, il n’était pas question que Normand Latourelle se laisse démonter par la pandémie. Dès le mois de mars, l’entrepreneur a décidé de développer son événement pour pouvoir accueillir les visiteurs à bord de leurs voitures personnelles. Le nombre de tableaux a plus que doublé, passant de 7 à 17, soit presque 30 000 structures lumineuses, dont un tableau consacré à l’Halloween qui n’existait pas l’an dernier. On évalue à 60 minutes le temps de parcours du site en auto. La tarification est faite en fonction du nombre de personnes à bord du véhicule. Comme l’an dernier, Illumi est présenté sur un vaste terrain situé en bordure de l’autoroute 15 à Laval.

World Press Photo 2020 à la Pulperie de Saguenay

Envions la population de Saguenay. Jusqu’au 1er novembre, la Pulperie présente l’édition 2020 de l’exposition World Press Photo, qui regroupe les meilleures photos de presse au monde.

Même si la région du Saguenay est passée en zone orange cette semaine, le rendez-vous tient toujours, avec des mesures de distanciation qui limitent à 25 le nombre de visiteurs circulant en même temps parmi les 150 photos accrochées. La Pulperie est le seul endroit au Canada à recevoir l’exposition cette année. 

Photo gagnante 2019 Crédit photo : Yasuyoshi Chiba, Japon, Agence France-Presse

Le blues du businessman pour dire que les artistes sont essentiels

Terminons cette chronique avec le vibrant message que le violoniste et chef de l’Orchestre symphonique de Longueuil, Alexandre Da Costa, a lancé cette semaine: les artistes sont essentiels!

Pour en témoigner, il a réuni 25 voix dans un projet de vidéoclip autour de la chanson Le blues du businessman. Sur le modèle du classique We Are The World, mais en version distanciée pour ceux qui chantent et masquée pour l’équipe en régie, le célèbre succès de Luc Plamondon et Michel Berger devient un immense cri du cœur pour rappeler que les artistes existent malgré le silence cruel auquel la pandémie les a condamnés.

Tous les participants se sont engagés bénévolement dans cette initiative qui s’adresse tout simplement au cœur. Alexandre Da Costa, armé de son Stradivarius, Patsy Gallant, Bruno Pelletier, Marc Hervieux, Marie-Nicole Lemieux, Michel Louvain, pour n’en nommer que quelques-uns, peuvent dire mission accomplie.