Portes ouvertes à l’ONF: un rendez-vous avec l’histoire!
Ce n’est pas tous les jours qu’on peut marcher dans l’histoire. Dimanche, à l’occasion des Journées de la culture, l’Office national du film (ONF) vous ouvre les portes de sa caverne d’Ali Baba. J’ai eu la chance mercredi de faire la visite de ces installations aussi mythiques que secrètes, et croyez-moi, vous ne voulez pas manquer ça.
L’Office national du film va avoir 80 ans l’an prochain. Son siège social est situé sur le chemin de la Côte-de-Liesse, à Montréal, depuis 1956. À l’aube de son grand déménagement dans un édifice tout neuf au cœur du Quartier des spectacles, c’est la dernière occasion de voir où ont été créés de grands pans de notre culture.
On parle de 13 000 œuvres qui ont valu à l’ONF 7 000 prix, dont 12 Oscars. L’Académie américaine du cinéma ayant donné son accord, les visiteurs pourront même se faire photographier avec celui attribué au film Voisins de Norman McLaren en 1953. L’Académie doit bien ça à l’ONF: mis à part les studios d’Hollywood, l’Office national du film est l’organisation qui a récolté le plus de nominations, soit 74 en 79 ans.
L’ONF, c’est un dédale de couloirs beiges dont les murs ont été recouverts de tous ces faits d’armes qui se sont accumulés au fil des ans. Pour se retrouver dans cette maison de surdoués, chacun des corridors porte le nom d’un artisan émérite, et derrière chaque porte, il y a un trésor.
Dans la voûte, ça se chiffre. 284 000 éléments sont stockés dans des salles où l’air est filtré au charbon et la température maintenue entre 2 et 12 degrés. Le froid prévient le syndrome du vinaigre, un champignon qui peut vous bouffer un film d’archive en moins de temps qu’il ne faut pour le dire et en laissant une odeur aigre plutôt désagréable.
Dans une visite pareille, tous les départements ne sont pas égaux. Les bureaux où on cogite les projets de documentaires, aussi percutants soient-ils, n’ont pas le même intérêt que les studios d’animation, par exemple. Sauf celui d’Alanis Obomsawin, qui a quelque chose du sanctuaire. C’est à partir de son petit local, où le capteur de rêve remplace l’ordinateur, que la réalisatrice de 86 ans, dont plus de 50 passés à l’ONF, continue de créer des films percutants qui remettent en question nos certitudes.
On le sait, l’expertise de l’ONF en animation lui vaut des invitations dans tous les festivals. En mai dernier, celui de Cannes offrait au film Le sujet une place à la Quinzaine des réalisateurs. Quelle surprise de tomber au cours de la visite sur le décor de ce court métrage d’animation! Dans ce film, Patrick Bouchard autopsie un clone de son corps, lequel vous attend couché sur la table de dissection au milieu d’une réplique du sous-sol désordonné du réalisateur. Tout est là, intact, comme si le temps s’était arrêté. Le message à l’entrée du studio demandant aux gens de ménage de ne rien ramasser semble avoir été respecté à la lettre.
La porte à côté, on tourne La girouette en stop motion (image par image avec marionnettes en 3D). Le réalisateur Jean-François Lévesque nous présente Barnabé, son personnage principal, un curé dont il peut changer l’expression du visage d’un coup de crinque. Une avancée en animation. L’ONF a toujours été un précurseur.
Et ça continue. Aujourd’hui, l’Office national du film est en pole position en matière de production interactive et immersive. La visite permet de voir comment la vénérable institution a réussi à ne pas être prisonnière de ses vieux habits, comment elle a opéré le virage vers de nouvelles formes de narration.
Un pied dans l’avenir, oui, mais l’ONF continue de valoriser ses savoirs anciens, comme le bruitage. Toujours aussi surprenant de voir comment le son est fabriqué. Dans le studio dédié à cette étape de la production d’un film, on ouvre des trappes au sol qui cachent tout ce qu’il faut pour recréer un plancher qui craque, un sol enneigé ou un déplacement dans l’eau. Dans un petit cagibi, on retrouvera tous les accessoires nécessaires pour restituer les sons les plus divers. Du mécanisme du grille-pain à la machine à écrire en passant par le sifflement de la bouilloire ou le choc d’assiettes qu’on empile.
Luc Bourdon, qui a réalisé deux extraordinaires documentaires à partir des archives de l’ONF, La part de l’ange et La part du diable, est un apôtre du son au cinéma. Selon lui, l’image est le squelette d’un film, alors que le son est son épiderme. Avec Catherine Van Der Donckt et Jean Paul Vialard, gagnants en mai dernier du prix Iris du meilleur son pour un documentaire, Luc Bourdon a préparé un atelier au cours duquel il va démontrer les différentes étapes de la construction d’une bande-son.
Les amateurs d’architecture ne seront pas en reste.
Avec le concours d’Héritage Montréal, il y aura aussi la possibilité de se faire raconter l’histoire de cet immense complexe construit au milieu des années 1950, en plein champ, sur le modèle des studios d’Hollywood.
La visite se termine sur l’avenir qui attend l’ONF. On y présente la maquette du futur siège social et un aperçu des intérieurs de ces nouveaux espaces collaboratifs. On voudra vous convaincre que ce projet réalisé par la firme d’architectes Provencher_Roy sera un des plus grands laboratoires créatifs au monde. Si le passé est garant de l’avenir, on n’en doute pas une seconde.