La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Matthias & Maxime: un air de déjà vu

Quatre mois et demi après sa présentation en première mondiale au Festival de Cannes, Matthias & Maxime de Xavier Dolan prend l’affiche cette semaine partout au Québec. C’est son 8e film en 10 ans. Dans les entrevues qu’il a accordées en marge de cette sortie, Xavier Dolan a souvent dit qu’il compte prendre une pause de la réalisation pour se consacrer davantage au jeu. Pas une mauvaise idée, à 30 ans, il commence à se répéter.



Ce n’est un secret pour personne, Xavier Dolan a eu beaucoup de difficulté à accoucher de son film précédent, The Death and Life of John F. Donovan. En voyant Matthias & Maxime, on a l’impression qu’après cette épreuve le réalisateur a fait un film pour se rassurer qu’il avait toujours la touche. Il a sorti les trucs les plus infaillibles qu’il y a de son chapeau, comme son talent à pondre des dialogues à l’emporte-pièce, sa façon de faire flipper les spectateurs avec des scènes où la musique mène le jeu, et il a de nouveau réservé un rôle à Anne Dorval, qui prouve encore une fois combien elle est une grande actrice malgré sa courte apparition. Bref, aussi bons tous ces aspects soient-ils, il y a tout de même dans ce nouveau film une impression de déjà vu.

Photo: Shayne_Laverdiere

Qui plus est, dans l’urgence de tourner vite pour ne pas rester sur une impression d’échec, Xavier Dolan ne semble pas avoir pris le temps qu’il faut pour bien développer son nouveau récit. L’histoire, plutôt mince, tourne autour de deux amis de toujours qui doivent s’embrasser pour les besoins d’un film étudiant, un geste qui perturbera sérieusement leurs certitudes et la dynamique du groupe auquel ils appartiennent. Mais voilà, pour donner un peu d’épaisseur à cet enjeu, il faudrait qu’on s’attache à Matthias et Maxime, qu’on les connaisse mieux pour croire à leur trouble. Cela n’arrive pas vraiment parce qu’on est constamment amené sur d’autres pistes par des personnages secondaires qui ne sont pas plus développés.

Mais avec Xavier Dolan, nous ne sommes jamais complètement largués.  En plus des trucs éprouvés mentionnés plus haut, il y a plusieurs bons moments dans ce film qui dure deux heures. Chaque apparition de Micheline Bernard dans le rôle de la mère de Matthias est savoureuse. Dans l'importante distribution constituée d’amis de Xavier Dolan, Pierre-Luc Funk ressort du lot, et nous apparaît comme une véritable révélation. Il y a aussi la magnifique musique originale de Jean-Michel Blais qui soutient l’intérêt et la direction photo d’André Turpin qui nous épate encore une fois notamment avec une scène épique dans laquelle le personnage de Matthias incarné par Gabriel D’Almeida Freitas nage frénétiquement dans un lac au petit matin. Et il ne faudrait pas oublier Xavier Dolan l’acteur, qui, devant une caméra, est imparable.

Vu aussi: La langue est donc une histoire d’amour

Il y a deux ans presque jour pour jour, je vous ai parlé du film Bagages, un documentaire émouvant sur le défi des enfants de l’immigration de s’intégrer à leur pays d’accueil, le Québec. Je récidive cette semaine avec La langue est donc une histoire d’amour, un autre documentaire qui aborde sensiblement le même thème, mais cette fois selon le point de vue d’immigrants adultes.

Le réalisateur Andrés Livov, lui-même fils d’immigrants, a posé sa caméra dans une classe du Centre William-Hingston dans Parc-Extension, une des nombreuses écoles de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) qui assurent l’enseignement du français aux nouveaux arrivants. Les étudiants viennent de la Syrie, du Maroc, de l’Afghanistan, du Mexique, de Djibouti, de Taiwan, etc. Chacun a son histoire. Il y a des femmes voilées, une personne transgenre, des hommes marqués par la guerre; certains sont illettrés. Malgré cette disparité et l’immense difficulté que représente l’apprentissage d’une nouvelle langue, le français fleurit dans la classe de Mme Loiseau, professeur d’origine haïtienne aussi douée à transmettre les subtilités de la langue française que la fibre profonde de la culture québécoise. Ce film, à l’affiche à Montréal, Québec et Sherbrooke, mérite d’être vu pour comprendre l’effort immense que les immigrants doivent consentir pour s’intégrer.