La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Bagages, un film qui nous fait voir l’immigration autrement

Aïe, aïe, aïe, ça fait longtemps que je n’ai pas pleuré comme ça au cinéma. Je vous le dis tout de suite, ce n’était pas pour une de ces fictions qui ont pris l’affiche dernièrement (Barbara, Pieds nus dans l’aube, Les rois mongols m’ont laissé de marbre), mais pour le documentaire Bagages de Paul Tom présenté en première montréalaise cette semaine aux Rencontres internationales du documentaire (RIDM). Un film simple et vrai qui nous atteint directement au cœur.



J’ai pleuré parce que c’était à la fois triste et beau, plein de résilience et d’espoir. Bagages donne la parole à de jeunes immigrants fraîchement arrivés au Québec. Ils viennent de Moldavie, d’Iran, de Chine, de Corée, du Brésil, d’Israël, et se retrouvent en classe d’accueil dans un pays, une ville, une langue qu’ils ne connaissent pas, obligés de subir la décision que leurs parents ont prise d’émigrer. Le film ne nous raconte pas les raisons de leur déracinement; il plonge plutôt au cœur de leurs sentiments: comment ils ont réagi lorsqu’ils ont appris qu’il fallait plier bagage, qu’est-ce qui leur manque le plus de leur vie d’avant, comment ils vivent l’apprentissage de la langue de leur pays d’adoption, comment ils voient la société qui les accueille.

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Ces confidences, c’est Mélissa Lefebvre qui les a obtenues dans le cadre du cours d’art dramatique qu’elle donne à l’école secondaire Paul-Gérin-Lajoie. L’enseignante a en effet monté un projet dans lequel elle a amené les enfants de ses classes d’accueil à créer un spectacle à partir de témoignages sur leur vie d’avant et d’aujourd’hui. Le film a été fait à partir de cette matière, autant les ateliers en classe que le produit final sur la scène du théâtre Outremont. On y voit une professeure complètement dédiée à sa mission et des jeunes trop contents d’avoir une tribune pour dire qui ils sont alors qu’il est si difficile de s’exprimer dans leur vie de tous les jours. Ça donne des scènes touchantes, comme ce moment où chacun présente son objet fétiche, ou amusantes, lorsqu’ils y vont tous d’une envolée en québécois… là là. Ça nous renvoie aussi une image de ce que nous sommes comme société d’accueil. Il faut voir comment ces adolescents perçoivent l’école québécoise par rapport à celle de leur pays d’origine.

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Le réalisateur, Paul Tom, est lui-même issu de l’immigration (il est né en Thaïlande de parents cambodgiens). Il sait de quoi il parle. En 52 minutes bien tassées, il réussit l’exploit de nous faire saisir à la fois l’immense courage dont font preuve les immigrants, l’extraordinaire défi que représente l’intégration et la grande richesse que ces gens peuvent apporter à notre société. Voilà un document qui va à l’essentiel et qui devrait être vu par le plus grand nombre de personnes possibles.

Ça tombe bien, Bagages est repris dimanche au cinéma du Parc dans le cadre des RIDM et sera diffusé sur les ondes de Télé-Québec le 11 décembre prochain.