Magnifique plongée dans notre fleuve Saint-Laurent au musée Pointe-à-Callière
Après l’exposition Égypte. Trois mille ans sur le Nil, le musée Pointe-à-Callière nous propose d’embarquer dans une nouvelle expédition sur un autre grand fleuve, le nôtre, le majestueux Saint-Laurent, plusieurs fois millénaire lui aussi.
Quelle bonne idée de la part de notre musée d’histoire et d’archéologie montréalais de nous raconter cette histoire, fabuleuse à plus d’un titre!
Il y a d’abord l’évidence: l’ampleur du Saint-Laurent. Troisième fleuve en importance en Amérique du Nord, il draine plus de 25% des réserves mondiales d’eau douce. Il s’étire sur 3 260 km, à partir du lac Supérieur, en Ontario, jusqu’au détroit de Cabot, au nord de la Nouvelle-Écosse. Vingt-trois millions de personnes vivent dans son bassin versant.
C’est donc dire que chacun de nous a son rapport avec le fleuve. Moi, je me fais une fierté de penser que je viens d’une ville bâtie sur le bord de l’un de ses plus importants affluents, la rivière des Outaouais.
Des affluents au Saint-Laurent, on en compte 244. Alors, que vous soyez de Toronto, Beauharnois, Trois-Rivières, Québec, Matane, Sainte-Flavie, Gaspé ou des Îles-de-la-Madeleine, vous risquez de trouver un intérêt dans ce tour du propriétaire que nous propose Pointe-à-Callière. Je dis propriétaire, parce que cette richesse, elle est collective.
Les concepteurs de l’exposition se sont manifestement emballés devant la diversité des angles possibles.
Il y a bien sûr l’histoire. Comment les Autochtones ont su utiliser les richesses sous-marines du Magtogoek (le chemin qui marche) pour s’alimenter, et ses flots, pour se transporter.
Comment cette voie d’eau a permis aux explorateurs européens de s’engouffrer profondément dans le Nouveau Monde, et à quel point le fleuve a souvent servi de champ de bataille.
On nous rappelle que, par deux fois, la Conquête a échoué, l’amiral Phips ne réussissant jamais à mettre le pied à terre à Beauport et à la Pointe-Lévy.
Lors de la Deuxième Guerre mondiale, les sous-marins allemands ont pénétré dans les eaux du Saint-Laurent, sans plus de succès.
Le fleuve a aussi été un fabuleux moteur de développement économique. Il est fascinant de voir l’évolution du transport maritime, des goélettes aux vraquiers, du canal de Lachine à la Voie maritime, avec des écluses toujours plus imposantes pour contourner les indomptables rapides de Lachine.
L’exposition fait également une place importante à l’utilisation du fleuve pour la plaisance. Des maquettes nous rappellent la grande diversité de navires qui ont vogué sur ses eaux bleues: les fameux bateaux blancs de la Canada Steamship Lines, les goélettes, baptisées «voitures d’eau» par les Charlevoisiens, les bateaux à aube, et ceux à vapeur.
C’est la première fois que je vois une représentation de L’Accomodation, le premier bateau à vapeur du Canada, lancé par John Molson en 1809.
On n’oublie pas non plus tous ces bâtiments qui ont sombré dans le Saint-Laurent, un des cours d’eau les plus difficiles à naviguer au monde.
Il y a d’impressionnants vestiges à voir, notamment ceux du Empress of Ireland, dont on a rescapé une partie du piano à queue.
Tout ça appartient au passé, mais il y a aussi dans cette exposition plusieurs éléments qui concernent le fleuve d’aujourd’hui. Combien de fois traversez-vous le Saint-Laurent dans votre semaine? On parle donc des ponts qui l’enjambent, du tunnel qui le traverse, des traversiers qui prennent le relais quand il devient trop large.
La chef Colombe Saint-Pierre, porte-parole du collectif Mange ton Saint-Laurent, nous offre pour sa part un vibrant plaidoyer en faveur de la mise en valeur des produits de la pêche québécoise, qu’on ne consomme pas suffisamment à son avis.
Le tour d’horizon ne serait pas complet sans un tableau sur les menaces qui pèsent sur la biodiversité du fleuve. La moule zébrée est très photogénique, mais bien menaçante.
L’exposition se termine sur une vidéo de sept minutes créée par le studio montréalais Silent Partners. Cette version onirique du fleuve, émaillée de données scientifiques, sur une musique de Flore Laurentienne (musicien de Sainte-Anne-des-Monts, en Gaspésie), nous permet de quitter cette traversée sur une note plus consciente, mais apaisée.