La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Parachute: quand Montréal habillait les vedettes internationales de la musique pop et rock

Après Dior, Saint Laurent, Gaultier, Mugler, Robichaud, Poitras, place à Parachute, une exposition mode qui s’intéresse à une des marques de vêtements les plus audacieuses des années 1980.



Le Musée McCord, qui possède la plus importante collection de cette marque dans le monde, nous fait revivre le coup de tonnerre qu’Harry Parnass (1935-2021) et Nicola Pelly ont fait retentir sur la planète mode en créant à Montréal une boutique et un style à nul autre pareil.

©Roger Aziz, Musée McCord

L’histoire de Parachute commence en 1978 sur la rue Crescent. Parnass, architecte et urbaniste, né de parents allemands, mais ayant grandi à New York, et Nicola Pelly, designer d’origine britannique, quittent le fabricant et détaillant Le Château pour lancer leur propre ligne de vêtements d’avant-garde à laquelle ils donnent le nom de Parachute, un mot qui fait référence, autant en anglais qu’en français, à l’audace et au risque.

©Marilyn Aitken, Musée McCord

Le commerce de la rue Crescent conçu par Parnass offre un environnement de type industriel, peu commun à l’époque: les plafonds sont bas, les murs en briques, le plancher en béton. Le magasin est même peu visible de la rue. Les vêtements que dessine Pelly ont quelque chose de futuriste. Ils empruntent à l’uniforme militaire, mais dans une approche punk et valorisant un look androgyne. Parachute, c’est donc un commerce qu’il faut trouver, et des vêtements inusités.

Photo: Claude Deschênes

Dans un Montréal toujours en quête d’avant-garde, il ne faudra pas beaucoup de temps pour que les jeunes à la recherche d’un look différent découvrent cette adresse qui célèbre l’anticonformisme. Musiciens et artistes de la scène locale, comme le groupe Men Without Hats, deviennent des ambassadeurs de la marque que découvrent à leur tour des groupes internationaux de passage à Montréal. Par exemple, les membres de la formation Talking Heads vont y faire leurs achats avant leur concert.

©Roger Aziz, Musée McCord

En 1979, Parachute ouvre un point de vente à Toronto. L’année suivante, on pousse l’aventure un cran plus haut avec l’ouverture d’une boutique à New York. Situé dans Soho, qui n’est pas encore une Mecque de la mode, le magasin occupe un espace de 2 000 mètres carrés! Attirés par le style de la maison, Mick Jagger, Madonna, David Bowie, Peter Gabriel deviennent des clients de Parachute. Le pari est gagné. Les succès s’enchaînent avec un Michael Jackson qui porte un perfecto en cuir de la marque montréalaise pour faire la promotion de son vidéoclip Thriller, les personnages de la série Miami Vice, diffusée sur le réseau NBC, qui sont habillés par Parachute, ou Andy Warhol, qui fréquente régulièrement le magasin de la rue Wooster à New York pour épier la faune qui passe par là, offrant plusieurs 15 minutes de gloire à la compagnie montréalaise via son magazine Interview.

Photo: Claude Deschênes

Avec une telle visibilité, le succès de Parachute ne se limite pas aux frontières nord-américaines. Au plus fort de sa popularité, la marque se retrouve dans plus de 400 magasins de 15 pays. Les Japonais en sont particulièrement friands.

©Roger Aziz, Musée McCord

Le conte de fées se termine en 1993, lorsque les deux créateurs n’ont plus de plaisir à entretenir un concept qui s’accommode mal de la production de masse et de l’arrivée de nouveaux courants musicaux et vestimentaires. Le couple a aussi deux jeunes enfants qu’il souhaite voir grandir.

©Marilyn Aitken, Musée McCord

Mme Pelly a donné pratiquement toutes ses archives au Musée McCord, plus de 800 boîtes de vêtements, accessoires, croquis, photos, affiches. Aussi bien dire que les concepteurs de l’exposition n’ont pas manqué de matériel pour raconter ce succès planétaire. À l’aide d’une soixantaine d’ensembles et de plus de 140 documents d’archives, l’histoire de Parachute prend forme sous nos yeux. Vêtements à plat, tréteaux pour être vus et se faire voir, plancher de béton, poutres colorées, on retrouve même dans la scénographie de l’exposition l’esthétique des magasins Parachute imaginée par Harry Parnass, qui considérait la mode, l’architecture et l’urbanisme comme un tout.

Photo: Claude Deschênes

L’exposition Parachute: Mode subversive des années 80, conçue par la conservatrice Alexis Walker du Musée McCord avec le concours de Nicola Pelly et du journaliste Stéphane Le Duc, nous arrive un peu comme une surprise. Il a fallu huit années pour la concrétiser. La marque, disparue depuis plus de 25 ans, avait eu le temps de se faire oublier. De se rappeler aujourd’hui à quel point Parachute a eu un impact majeur sur la culture populaire dans les années 1980 a tout pour nous ravir et flatter notre chauvinisme montréalais en manque de modèles à célébrer. Pour les plus jeunes, qui n’ont pas connu cette époque, ce sera toute une découverte de voir qu’un jour des Montréalais ont habillé des icônes de la scène musicale mondiale encore actives. D’ailleurs, beaucoup de ces vêtements seraient encore très portables à notre époque, comme s’ils étaient intemporels.

Dans le cadre du 100e anniversaire du Musée McCord, l’exposition est offerte au public gratuitement jusqu’au 19 janvier 2022. Aucune raison de ne pas faire un saut à Parachute!